La participation du Président américain au Forum économique mondial de Davos qui aura lieu du 23 au 26 janvier sera un évènement exceptionnel. En effet, depuis 1971, l'année de la création de cette organisation internationale, constituant une plateforme d'échanges pour environ 3.000 représentants de l'élite mondiale, le seul locataire de la Maison-Blanche à s'être rendu à Davos a été Bill Clinton en 2000. L'annonce de la décision de Donald Trump d'honorer Davos 2018 de sa présence a été d'autant plus surprenante que le programme protectionniste avancé par le Président américain paraît incompatible avec les valeurs du Forum de Davos, considéré comme une rencontre des adeptes de la mondialisation et du multilatéralisme.
L'Amérique est toujours «d'abord»
«Il salue la possibilité de s'y rendre et de faire avancer son programme America First», a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche Sara Sanders, en annonçant la décision du Président américain de se rendre à Davos.
Néanmoins, elle a démenti la possibilité d'un changement de la politique de Donald Trump, en déclarant que le message que le Président américain entendait délivrer à Davos serait très semblable à celui qu'il avait transmis lors de sa tournée asiatique.
«L'agenda n'a pas du tout changé […] C'est d'abord le programme "Amercia First". Le Président se concentre toujours à 100% sur la politique de défense des intérêts du business et des ouvriers américains», estime Mme Sanders.
Il n'est pas surprenant que M.Trump ne soit pas considéré comme le bienvenu à ce forum dont le slogan de cette année est «Construire un avenir commun dans un monde fracturé».
«Il vient imposer la supériorité américaine et non pas dans une optique de dialogue. Trump représente aussi le racisme et le sexisme. Il a eu des propos très durs à l'encontre des pays d'Afrique récemment», estime Samuel de Vargas, secrétaire générale du parti suisse «La Jeunesse socialiste vaudoise».
Bien que certains experts estiment qu'«aucun mur n'a été construit» depuis l'élection de Donald Trump et que «l'ordre international libéral reste intact», les signes inquiétants deviennent de plus en plus apparents. Donald Trump passe en effet aux actes. Le 22 janvier il a approuvé l'imposition de droits de douane sur les machines à laver le linge et les panneaux solaires, ce qui frappe respectivement les compagnies sud-coréennes et chinoises.
Cette mesure intervient sur fond de négociations sur l'accord de libre-échange nord-américain (Alena) dont Donald Trump a menacé de se retirer.
Juste après son arrivée à la Maison-Blanche il avait déjà tenu l'une de ses promesses électorales, en arrêtant le processus d'adhésion des États-Unis à l'accord TPP (Trans-Pacific Partnership).
La mondialisation garde la tête hors de l'eau
L'année dernière le Forum de Davos avait eu lieu sur fond d'ébranlements politiques majeurs: seulement quelques mois après le référendum sur Brexit et l'élection de Donald Trump aux États-Unis. Il suffisait de regarder l'intitulé d'une des conférences organisée dans le cadre de Davos 2017 pour évaluer la mesure du pessimisme en vogue à l'époque: «La fin de la mondialisation: le monde a-t-il atteint le point de bascule?».
«Nous devons nous engager à renforcer l'économie mondiale ouverte afin de partager les opportunités et les intérêts grâce à l'ouverture et d'atteindre des résultats profitables à tout le monde. Personne ne doit se retirer dans son abri en affrontant une tempête puisque cela ne nous aidera pas à rejoindre l'autre rive de l'océan», avait déclaré le leader chinois lors de la cérémonie d'ouverture du Forum de 2017.
Davos 2018 est susceptible de se dérouler dans une ambiance moins pessimiste, puisque l'économie mondiale semble être «retourné à la normalité» pour la première fois depuis la crise financière de 2008, mais dans le même temps plus brûlante du fait de la participation de Donald Trump.
«J'ai suivi avec intérêt les grandes évolutions qui se sont produites à Davos. Le Forum a su entendre les voix critiques. Il a ouvert des espaces de dialogue et de débat. Cette année, il y aura quelques manifestations, probablement dues au fait que Davos 2018 sera l'une des plus importantes éditions de l'histoire du sommet eu égard au panel des participants», a déclaré le Président de la Confédération suisse Alain Berset dans une interview au quotidien local Le Temps.
Cette année, le discours d'ouverture sera prononcé par le Premier ministre indien Narenda Modi, considéré comme étant un adepte de la mondialisation. Lors du dernier sommet du G20 en juillet 2017, il a appelé à maintenir «un régime d'ouverture», en mettant en garde contre la «montée du protectionnisme».
Mais c'est Emmanuel Macron qui entend prendre les rênes de l'équipe réunissant les partisans de la mondialisation à ce forum de Davos. Le Président français, qui doit prononcer son discours le 24 janvier, est considéré comme le promoteur des intérêts de l'ensemble de l'Union européenne à cette réunion. Encore une tentative de M.Macron de couper l'herbe sous le pied d'une autre participante de Davos 2018, Angela Merkel, qui voit son rôle sur la scène internationale ébranlé sur fond de crise politique intérieure.
Au-delà des intérêts de l'UE dont la réforme est promue par Emmanuel Macron depuis son entrée en fonction, le locataire de l'Élysée n'oublie pas ceux de la France. Son but majeur: renforcer l'attractivité de son pays aux yeux des investisseurs étrangers. Le 22 janvier, le Président français a réuni environ 140 patrons de multinationales étrangères à Versailles à l'occasion du sommet «Choose France» censé illustrer l'ouverture prôné par le chef de l'État français.
La participation de Donald Trump à Davos 2018 sera donc une véritable épreuve du feu pour l'élite mondiale rassemblée à l'occasion de ce forum. Les partisans de la mondialisation doivent s'acharner à défendre l'ordre mondial qu'ils construisent depuis plusieurs décennies.
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