Dépigmentation de la peau: un héritage colonial qui menace la santé de femmes au Burkina
18:13 26.02.2024 (Mis à jour: 21:12 26.02.2024)
© AP Photo / Denis FarrellTraitement blanchissant de la peau
© AP Photo / Denis Farrell
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La mode de la dépigmentation pose des problèmes de santé publique au Burkina, où une association a décidé d'interpeller directement les autorités. Sputnik a recueilli plusieurs témoignages.
Vouloir rendre sa peau blanche relève d'un complexe d'infériorité, que les Occidentaux inculquent aux Africains depuis la période coloniale, a expliqué à Sputnik Issaka Ouedraogo, président de l’Initiative africaine Stop Dépigmentation.
"La dépigmentation relève de la conquête coloniale. Dans l'histoire, on a toujours montré à l'Africain que le noir représente ce qui est négatif. Et le blanc c'est qui est positif […]. L'esprit de l'infériorité entre le blanc et le noir va amener certaines femmes à se dépigmenter, pour se montrer supérieures aux autres femmes qui ont gardé le teint naturel", explique-t-il.
Conséquences pour la santé
La dépigmentation peut déboucher sur des maladies de la peau, des maladies respiratoires, voire des cancers, souligne-t-il. Des complications peuvent aussi apparaître chez les femmes enceintes, en cas de césarienne: "après l'opération, on ne peut pas faire la suture".
"Donc il y a des femmes qui meurent comme ça dans des conditions atroces", précise-t-il.
Conséquences sociales
En plus, lorsque la dépigmentation ne se passe pas très bien, la personne se retrouve "avec un teint multicolore".
"On n’est ni noir, ni clair, on a un teint un peu mélangé et avec, en Afrique, on a des clichés qu'on les appelle la taxi ou Fanta. C'est des clichés pour désigner ces femmes dépigmentées. Et sur le plan social aussi, des gens se moquent de ces personnes dépigmentées. Donc, il y a une conséquence sur le plan social également", poursuit Issaka Ouedraogo.
Les jeunes parmi les plus touchés
En Afrique, le fléau touche surtout la jeunesse, sensible aux clichés esthétique sur la peau claire. Des jeunes filles se blanchissent parfois la peau au nez et à la barbe de leur famille, comme Mariam Bougouma, qui témoigne pour Sputnik.
"Pour moi, c'était dû à la jeunesse, au fait de paraître plus jolie. On se disait que lorsque tu es claire, tu deviens plus belle […]. Mais je conseille aux filles de ne jamais essayer. Les conséquences sont trop énormes", confie-t-elle.
Restreindre les importations
La pratique est par ailleurs devenue un vrai business, qui sert surtout les sociétés de produits de beauté. Mais les usagers, eux, dépensent parfois des fortunes, en consultations dermatologiques, en particulier dans les milieux urbains aisés, rappelle Issaka Ouedraogo.
Selon une étude menée par un docteur au Burkina-Faso, les femmes souhaitant dépigmenter leur peau dépensent de 1.750 à 50.000 francs par mois maintenir l’effet de cette procédure.
Les produits utilisés sont légions et débouchent parfois sur des mélanges improbables, abonde Mariam Bougouma.
"C'est un mélange de pommades et d'autres huiles, il y en a beaucoup, il y a plusieurs modèles qu'on mélange. Il y a même des savons et consorts. On ne peut même pas imaginer la densité", explique-t-elle.
Pour lutter contre la dépigmentation, c'est donc aux importations de produits cosmétiques qu'il faut s'attaquer. Dans cette optique, l'initiative africaine Stop Dépigmentation a écrit une lettre ouverte au Président de la Transition burkinabé, Ibrahim Traoré pour lui demander de durcir la loi sur la commercialisation des produits dépigmentants.