"Le Président Poutine s'est montré un joueur de poker intelligent"

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Poutine reçoit les lettres de créance des nouveaux ambassadeurs de 17 pays, 5 avril 2023 - Sputnik Afrique, 1920, 07.12.2023
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De nombreux pays du monde n’ont pas adhéré au récit occidental simpliste du conflit russo-ukrainien, Moscou n’est pas du tout isolé et exerce une grande influence sur les pays du Golfe. Interrogés par Sputnik, quatre experts analysent la récente visite de Vladimir Poutine aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite.
Vladimir Poutine a effectué le 6 décembre une visite éclair dans deux États du Golfe en s’entretenant d’abord à Abou Dhabi avec le cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, Président des Émirats arabes unis et dirigeant d'Abou Dhabi, et ensuite à Riyad avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
"En lisant l'avenir de la politique internationale dans le marc de café, on peut affirmer avec certitude que la tentative des pays occidentaux d'isoler la Russie a assez mal fonctionné", a déclaré à Sputnik Marco Carnelos, ancien diplomate italien et conseiller pour le Moyen-Orient des Premiers ministres Romano Prodi et Silvio Berlusconi.
Selon certaines prévisions occidentales trop optimistes, "la Russie aurait dû être à genoux à l'été 2022".
"Au contraire, plus d'un an plus tard, le PIB russe est en hausse alors que l'Europe connaît une faible croissance. Sa principale économie, l'Allemagne, semble au bord de la récession, et le continent européen est confronté au risque de désindustrialisation dans certains secteurs en raison des prix élevés de l'énergie provoqués par l'embargo sur les approvisionnements russes en pétrole et en gaz", poursuit-t-il.

"Récit occidental simpliste du conflit russo-ukrainien"

Le reste du monde n’a pas adhéré au récit occidental simpliste du conflit russo-ukrainien présenté comme un affrontement entre "un agresseur et une victime", a développé l’ancien diplomate. Cette vision occidentale omet le contexte historique plus large de l’expansion de l’Otan vers l’Est et le sabotage par l’Ukraine des accords de Minsk. Mais la vérité finit par éclater au grand jour, selon lui.
"Aujourd'hui, grâce à certaines révélations des précédents dirigeants occidentaux, nous connaissons la valeur qui a été attribuée aux Accords de Minsk par certains gouvernements européens. Ce n’est pas surprenant que ce problème bilatéral conduise à un conflit ouvert. Il y a de nombreuses responsabilités dans une telle guerre, et toutes ne sont pas à Moscou", a noté M.Carnelos.
C’est pourquoi de nombreux pays continuent d’entretenir des liens étroits avec la Russie:
"Bref, le reste du monde n’a pas suivi l’Occident global".
De plus, "pour les États du Golfe, les relations avec la Russie sont considérées comme un levier essentiel pour s’adapter à l’évolution de leurs relations avec les États-Unis", a souligné Sami Hamdi, analyste politique saoudien et directeur du cabinet de conseil International Interest. Selon lui, "les pays du Golfe craignent que les États-Unis ne se soucient plus de leur sécurité et intérêts, et croient donc que les relations avec Moscou sont essentielles pour protéger leur intérêts en recherchant des structures d'alliance alternatives et pousser Washington à respecter son engagement à leur égard".

Arabie saoudite et Émirats arabes unis: une politique étrangère indépendante

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont tenté de construire une politique étrangère plus autonome au cours des dernières années, poursuit Marco Carnelos. Les deux pays ont cherché, selon lui, à diversifier leurs liens politiques et économiques et à adopter la multipolarité plutôt qu’une mentalité de bloc dépassée.
"La politique mondiale devient peu à peu davantage multipolaire, et un tel contexte offre des opportunités meilleures et plus larges, notamment d'un point de vue économique. L'Asie est en plein essor, et le XXIe siècle pourrait être la consécration d'un essor aussi impressionnant. L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ne veulent pas rater une telle occasion unique", souligne-t-il.

Le succès de l’OPEP+

Ces dernières années, la Russie a approfondi ses liens avec les acteurs du Moyen-Orient avec pour résultat que les Émirats arabes unis sont devenus "le principal partenaire commercial de la Russie dans le monde arabe", comme l'a fait remarquer le Président russe lors de la réunion d'Abou Dhabi.
Quant aux relations de Moscou avec l'Arabie saoudite, elles ont permis aux deux pays de stabiliser les prix mondiaux du pétrole dans le cadre de l'OPEP+, l'association des principaux producteurs de brut.
"L'OPEP-plus est devenue le véritable arbitre de la politique énergétique mondiale, indépendamment des pressions américaines sur les principaux producteurs d'énergie du Moyen-Orient", souligne Marco Carnelos.
"La Russie et les alliés des États-Unis au Moyen-Orient n'acceptent pas pleinement les diktats que les États-Unis tentent d'imposer aux acteurs régionaux. On peut donc parler d’un réseau de relations pluridimensionnel", soutient Mehmet Rakipoglu, chercheur turc en affaires internationales à Dimensions for Strategic Studies, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni à Londres.

Russie: un joueur efficace et compétent

La stratégie russe au Moyen-Orient est globale et équilibrée, poursuit Marco Carnelos: "La politique de Moscou au Moyen-Orient a été assez efficace ces dernières années pour sauvegarder ses propres intérêts, tant en Syrie que pour façonner une politique énergétique adaptée aux revenus russes du secteur pétrolier et gazier".
"De cette manière, le Président Poutine s'est montré un joueur de poker intelligent. La Russie n'a jamais eu d'aussi bonnes cartes que les États-Unis au cours des dernières décennies, mais elle les a certainement mieux jouées que Washington", avance-t-il.

L’ouverture des BRICS sur le Moyen-Orient

Par ailleurs, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont récemment ouvert leurs portes aux pays du Moyen-Orient. En août, le groupe a accordé l’adhésion à l’Arabie saoudite et aux Émirats, ainsi qu’à l’Argentine, à l’Égypte, à l’Éthiopie, à l’Iran à partir de 2024.
Cet élargissement "a été un coup dur pour la politique américaine dans la région". L’élargissement des BRICS pourrait changer la dynamique économique, mais aussi provoquer un "changement tectonique au Moyen-Orient sur le plan politique", considère Marco Carnelos

Conflit Israël-Palestine

La position de la Russie vis-à-vis de la situation à Gaza joue également un rôle, pointe Mehmet Rakipoglu:
"Dans les pays arabes, la Russie a également une grande influence en raison de son soutien à la Palestine".
En effet, Moscou qui prône la solution à deux États, a récemment exprimé ses inquiétudes concernant la mort de civils dans le cadre des représailles israéliennes à Gaza.
La visite éclair de Vladimir Poutine dans deux pays du Golf pourrait être utilisée par les pays arabes "comme un signal, peut-être à l'Occident", montrant que "nous avons d'autres options et que nous ne sommes pas vraiment satisfaits de votre politique à l'égard de Gaza", suggère Abdulaziz Algashian, analyste politique saoudien.
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