La mort "était partout": un correspondant de Sputnik témoigne sur la tragédie de Gaza

© AFP 2024 John MacdougallPhoto prise depuis le sud d'Israël, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 1er décembre 2023
Photo prise depuis le sud d'Israël, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 1er décembre 2023 - Sputnik Afrique, 1920, 01.12.2023
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Alors que les combats ont repris dans l’enclave, Sputnik vous partage le témoignage glaçant de Tarek Aliyan, notre correspondant à Gaza. Récemment évacué à Moscou, ce père de famille ne cache pas son amertume en parlant de la vie des habitants de l’enclave, conscients qu’ils pouvaient mourir à tout moment.
"Le 7 octobre au matin, nous nous sommes réveillés avec les tirs de roquettes et le travail [d’interception] du Dôme de fer. Les premières minutes, tout semblait normal. Mais cela a duré plus de 15 minutes, puis une déclaration d'urgence d'un représentant du Hamas a été diffusée à la télévision, et il est alors immédiatement devenu clair que quelque chose d’envergure avait commencé", se souvient Tarek Aliyan.
Il est le seul journaliste russe dans la bande de Gaza travaillant pour Sputnik depuis de nombreuses années. Arrivé à Moscou suite à l’évacuation, Tarek Aliyan nous raconte dans quelles conditions les Gazaouis vivent depuis ces derniers mois. L’homme nous partage l’amertume d’être devenu un réfugié sur sa terre natale.

La mort partout

Le 7 octobre, dès le matin, le Hamas n’a pas seulement tiré des roquettes sur les territoires israéliens. Des groupes de commandos ont attaqué les positions de l’armée israélienne et les kibboutz bordant la bande de Gaza, prenant Tsahal par surprise. Presque immédiatement, Israël a commencé à bombarder les villes palestiniennes en représailles. Au total, ce jour-là, 1.200 Israéliens ont péri dans l’attaque, et le mouvement islamiste a pris plus de 200 otages.
La situation s'est aggravée. Mais les premiers jours, Tarek Aliyan n'a pas inscrit son nom sur la liste d'évacuation, continuant à se rendre sur les lieux des bombardements. Il envoyait quotidiennement ses reportages, malgré la connexion instable.
"Nous ne savons pas ce qu'est la mort. Mais elle était partout. Les gens sous les décombres ont appelé leurs proches jusqu'à ce que la batterie soit épuisée ou qu’ils soient morts. Dans les hôpitaux, pères et enfants mouraient des suites de leurs blessures, se tenant la main. Et nous avons vu tout cela de nos propres yeux et avons voulu le raconter et le montrer au monde", poursuit-il.
Depuis le 7 octobre, 70 journalistes ont trouvé la mort dans la bande de Gaza. Au total, au cours des représailles israéliennes, plus de 15.000 habitants ont péri.
"C'était toujours effrayant. Oui, vous vous y habituez, en voyant la mort et la tragédie à plusieurs reprises, mais vous avez peur que pendant que vous êtes au travail, votre famille soit tuée, ou qu'elle ne vous contacte pas, ou qu'un message arrive, indiquant que l'un de vos des amis et des parents soient décédés", témoigne Tarek Aliyan.

La réalité

Sous les bombardements incessants, des familles gazaouies ont adopté une pratique inhabituelle: s’échanger des enfants.
Les adultes ont réalisé que "s'ils sont ensemble, ils mourront et qu'il ne restera plus personne de la famille. Les mamans écrivaient les noms et prénoms avec un marqueur sur les mains et les parties du corps de leurs enfants afin de pouvoir les identifier en cas de tragédie", explique le journaliste.
Cela était justifié, selon lui. Au début du conflit, des familles se sont rassemblées par dizaines dans un même appartement, pensant qu'il était plus sûr d'être ensemble, mais des missiles sont tombés et tout le monde a péri.

Devenir réfugié

La première évacuation de citoyens russes de la bande de Gaza a eu lieu en 2006, mais toutes ces années Tarek Aliyan a continué à se trouver dans l'enclave, accomplissant son devoir de journaliste.

Cette fois, il a décidé de quitter la maison avec sa famille. Le lendemain de son départ, une connaissance l’a appelé et lui a dit qu'un obus avait touché son appartement pendant la nuit.
Le journaliste a été contraint de rester dans une école en attendant son évacuation, ce qui a duré plus d'un mois. Certains jours, les locaux accueillaient environ 2.000 réfugiés.
"Ces dernières journées, ils [des membres de l’agence onusienne UNRWA] ont commencé à donner de la nourriture et de l'eau. Ils nous donnaient un morceau de poulet, du riz et un litre et demi d'eau par jour pour quatre personnes", raconte-t-il.

Adaptation difficile

Le jour de l'évacuation est enfin arrivé. Après avoir traversé le point de passage de Raffah, des secouristes, des médecins et des diplomates russes les attendaient sur le sol égyptien.
Le journaliste ne cache pas qu’il a le cœur lourd.
"J'ai vécu toute ma vie dans mon pays natal. Mon frère et sa famille y sont restés. Aujourd'hui, ma fille se réveille la nuit à cause de cauchemars, elle a perdu ses deux copines les plus proches dans cette guerre", assène-t-il avant de conclure: "Mais nous devons continuer à vivre et à travailler pour l’avenir afin de pouvoir y retourner".

Les combats reprennent

Ce 1er décembre au matin, la trêve temporaire entre Israël et le Hamas n’a pas été reconduite. Cette pause humanitaire a permis de libérer une centaine d’otages israéliens et étrangers, retenus par le mouvement islamiste à Gaza. En retour, l’État hébreu a relâché 240 prisonniers palestiniens.
Une heure avant l’expiration de la pause humanitaire, l’armée israélienne a dit avoir intercepté un tir de roquette en provenance de la bande de Gaza. Suite à l’expiration de la trêve, Tsahal a annoncé avoir repris les combats.
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