Pourquoi l'Ukraine force les moines de la Laure des Grottes de Kiev à la quitter?

© Sputnik . Stringer  / Accéder à la base multimédiaLa Laure des Grottes de Kiev
La Laure des Grottes de Kiev - Sputnik Afrique, 1920, 29.03.2023
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Ce 29 mars, les moines de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique doivent quitter la Laure des Grottes de Kiev après l’ultimatum posé par le ministère ukrainien de la Culture. Ils pourront y rester s’ils rejoignent l’Église orthodoxe ukrainienne schismatique. Des milliers de fidèles se sont réunis devant et dans le monastère pour les soutenir.
Les moines de la Laure des Grottes de Kiev, important monastère orthodoxe, risquent de se faire chasser de chez eux ce 29 mars. En cause: l’expiration de l’ultimatum posé par le gouvernement ukrainien.
Ces moines sont membres de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique (UOC) qui relève du patriarcat de Moscou. Kiev exige qu'ils rejoignent l’Église orthodoxe d’Ukraine schismatique, autoproclamée en 2018, ou qu’ils vident les lieux.

Laure inférieure et Laure supérieure

La Laure est située sur deux hautes collines. Un profond ravin la sépare en Laures Supérieure et Inférieure.
Le monastère des Grottes et la résidence du métropolite de Kiev sont situés dans la Laure inférieure qui abrite les grottes Proches et Lointaines, un séminaire et plusieurs églises. En 2013, le gouvernement ukrainien a mis les 79 sites de la Laure inférieure à la disposition de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique pour une durée indéterminée. Dans le même temps, tous les sites de la Laure inférieure sont toujours considérés comme la propriété de l’État ukrainien.
Les deux églises principales du monastère -la cathédrale de la Dormition et l'église-réfectoire- sont situées quant à elles sur le territoire de la Laure supérieure qui est placée sous la juridiction du musée national "Laure des Grottes de Kiev". Jusqu'au 31 décembre 2022, ces deux églises étaient louées par l’Église canonique, qui y organisait des offices. Fin décembre, le bail des deux édifices religieux a expiré et la direction du musée a refusé de le prolonger. Le 7 janvier, le chef de l'Église orthodoxe schismatique d'Ukraine a célébré un service en la cathédrale de la Dormition.
Début mars, la direction du musée a informé les moines de l’annulation unilatérale du bail de deux églises principales du monastère et les a appelé à quitter la Laure avant le 29 mars . Le ministère ukrainien de la Culture a confirmé cette décision le 27 mars.
Dans la matinée de ce 29 mars, des milliers de fidèles se sont rassemblés à la Laure des Grottes de Kiev pour prier.

Des discriminations pointées par l’Onu et Moscou

Dans ce contexte, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a publié un rapport sur la liberté de religion en Ukraine. Il attire l'attention sur la discrimination à l'encontre de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique (UOC) dans diverses villes ukrainiennes, a rapporté le 24 mars le Patriarcat de Moscou.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a envoyé en mars une lettre au secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, pour dénoncer des persécutions contre l'Église orthodoxe ukrainienne canonique dans le pays. Le ministre a appelé à ne pas admettre l’expulsion des moines de la Laure des Grottes de Kiev et à arrêter les répressions.

Histoire du monastère

La Laure des Grottes de Kiev est un monastère fondé au XIe siècle, l'un des principaux centres de l'orthodoxie russe et d’enseignement. Les restes de saints vénérés et de personnages historiques célèbres sont enterrés sur son territoire. Le monastère a été fermé au culte pendant l'époque soviétique, mais il été rendu à l'Église orthodoxe russe dans la même période.
En 1988, quelques jours avant la célébration du Millénaire de la christianisation de la Russie, le fonctionnement du monastère et du séminaire a repris. Les autorités soviétiques ont remis à l'Église les structures de surface et les Grottes lointaines. En 1990, l’Église canonique a pu récupérer les Grottes proches.
En outre, la même année, l'Unesco a inscrit la Laure des Grottes de Kiev sur sa liste des sites du patrimoine mondial.
Les pressions exercées sur l'Église orthodoxe ukrainienne canonique ont commencé dans les années 1990 par des nationalistes et des dissidents. En 2018, cette pression s'est transformée en une campagne d'État. Les autorités ukrainiennes ont créé l'Église orthodoxe d'Ukraine, rivale de la canonique, à partir d'organisations schismatiques avec l'aide du patriarche Bartholomée de Constantinople.
Au cours de l'année écoulée, les autorités ukrainiennes ont organisé la plus grande vague de persécutions contre l’Église orthodoxe ukrainienne canonique de l'histoire moderne du pays. Invoquant ses liens avec la Russie, les autorités locales de diverses régions d'Ukraine ont pris la décision d'interdire ses activités, et un projet de loi a été soumis au parlement pour l'interdire de facto dans le pays.

Réactions à la résiliation du bail

L’Église orthodoxe ukrainienne canonique qualifie d’illégale la résiliation du bail. Les moines ont refusé de quitter le monastère.
Plusieurs membres du synode et le métropolite de Kiev se sont rendus le 20 mars au bureau du Président ukrainien pour présenter leur position, mais le dernier a refusé de les recevoir.
Un peu plus tard, le 23 mars, les religieux ont publié un appel aux plus hauts hiérarques, clercs et paroissiens de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique pour défendre leur droit de résider dans la Laure des Grottes de Kiev.
En réponse, le vicaire du monastère, le métropolite Pavel, a déclaré dans un message vidéo que les moines ne quitteraient pas le site malgré les exigences des autorités, car l'offre de s'y installer leur avait été faite par le Conseil suprême et le gouvernement du pays, et non par le ministère de la Culture.
En outre, il a réitéré l’absence d'intention chez les moines de rejoindre l’Église orthodoxe schismatique et a déclaré qu’ils resteraient fidèles à la canonique.
Ce 29 mars, il a dit auprès du journal Oukraïnska pravda que les représentants de l’église ont intenté un procès. Selon lui, ils resteront dans le monastère jusqu’à la fin de l’affaire.

La dernière prière du dimanche

Le métropolite a exhorté les Ukrainiens orthodoxes à protéger leur sanctuaire. À la suite de son appel, des milliers de croyants sont venus assister à la liturgie dominicale au monastère le 26 mars. Les forces de l’ordre, qui ont bouclé le lieu de culte, ont autorisé les gens à assister à la prière ce jour-là, mais avec leur passeport.
De nombreuses personnalités religieuses de différents pays se sont exprimées pour défendre l'Église canonique d'Ukraine et la communauté monastique de la Laure.
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