Les Africains voient en la Russie "une alternative à l'Occident"

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Afrique - Sputnik Afrique, 1920, 10.02.2023
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La récente visite du chef de la diplomatie russe en Afrique vient de s’achever, et il y en aura encore d’autres durant l’année 2023. S’agit-il d’un revirement soudain vers l’Afrique ou d’une coopération stable? Un ex-ambassadeur de Russie au Mali expose pour Sputnik la situation actuelle sur le continent et ses liens avec Moscou.
Sergueï Lavrov a achevé jeudi son deuxième voyage en Afrique depuis le début de l'année. Cette fois-ci il s'est rendu au Mali, en Mauritanie et au Soudan. En janvier, il avait déjà visité l'Afrique du Sud, l'Eswatini, le Botswana et l'Angola. La lutte internationale qui est en cours pour le continent noir a fait l'objet d'un entretien accordé à Sputnik par Evgueni Korendiassov, ancien ambassadeur russe au Mali, actuellement l’un des chefs de l'Institut d'Afrique.
"Le virage africain [dans la politique internationale russe] s'est fait dans les années 1960, lorsque nous avons résolument soutenu l'indépendance de ces pays ", explique l'expert. L'URSS a notamment accordé une aide militaire à certains d'entre eux, dont l'Algérie. Une extension logique de ce cadre et un approfondissement de la coopération sont en cours. Ce qui est explicable vu la croissance du rôle de l'Afrique dans le monde, poursuit le chercheur.
"Pragmatiques, les Africains considèrent la Russie comme une sorte d'alternative à l'Occident qui ne lâche pas ses intentions de conserver les positions ‘hégémoniques’ dans l'économie et la politique des états africains."

Une concurrence accrue

Commentant les réactions houleuses de la presse occidentale vis-à-vis de la visite de Sergueï Lavrov au Soudan, Evgueni Korendiassov note que le continent noir est aujourd’hui la scène d'une lutte concurrentielle. L'intérêt des États-Unis est monté en flèche, de même que celui de la Turquie ou de la Chine.
"Il s'agit d'un immense débouché. L'Afrique reste en même temps une source stratégique de ressources minières. Elle est riche en lithium, nécessaire pour les batteries. C'est pourquoi l'attention pour l'Afrique augmentera tant du côté de l'Occident que des pays asiatiques."

Les liens se développent

Le Mali et la Mauritanie ont montré leur intérêt pour les importations d'hydrocarbures et de produits agricoles russes. Malgré les sanctions internationales, il est possible d'augmenter les échanges russo-africains, estime l'expert. L'Afrique ne soutient pas ces sanctions. L'extension des liens commerciaux entre la Russie et l'Afrique contribue à la modernisation des systèmes logistiques.
"Pour être emphatique, la Russie et l'Afrique sont vouées à une extension de leur coopération."
Il y a pour cela des raisons objectives, historiques, souligne l’africaniste. "Nous avons soutenu l’Afrique depuis la naissance de Pouchkine". Le plus grand des poètes russes a en effet des racines africaines, et personne ne l'oublie, suggère M.Korendiassov.
L'un des cadres de la coopération est la maintenance de navires de la marine russe au Soudan, selon lui.

La France perdante

La Russie a de longues relations avec le Mali, qui vit actuellement un refroidissement des contacts avec la France. Lorsqu'en 1960, les Maliens ont demandé une évacuation immédiate des troupes françaises, De Gaulle leur a imposé un blocus économique. Moscou leur a alors fourni des aliments et même du kérosène pour éclairer la chancellerie présidentielle. Ces relations continuent, malgré certaines fluctuations durant les années 1990, explique M. Korendiassov.
L'armée malienne est à 80% dotée de matériel militaire russe et 80% de ses cadres militaires ont été formés en Russie, rappelle-t-il.
Quant à l’Hexagone, il n'arrive toujours pas, selon Evgueni Korendiassov, à se résigner au fait qu'il n'y a plus de colonies françaises en Afrique. Et Paris combat ses concurrents, les dents serrées, que ce soient les États-Unis, la Chine ou la Russie. Les Français avaient exporté des dizaines de tonnes d'or d'Afrique, notamment du Mali. L'importance des ressources africaines pour l'économie européenne et américaine est de plus en plus évidente, conclut l'ex-diplomate.
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