- Sputnik Afrique, 1920, 29.12.2022
Rétrospective de 2022

Conférence de presse de Sergueï Lavrov sur la sécurité européenne. Version intégrale

© Sputnik . Ilya Pitalev / Accéder à la base multimédiaSergueï Lavrov
Sergueï Lavrov - Sputnik Afrique, 1920, 10.12.2022
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Les autorités polonaises ont refusé de délivrer un visa au chef de la diplomatie russe. Voici le texte intégral de la conférence de presse de Sergueï Lavrov sur les problèmes de la sécurité européenne qui devaient être abordés au sommet de l'OSCE à Lodz début décembre.
Chers journalistes,
Bonjour.
Merci d'avoir répondu à notre invitation. Nous jugions important de parler aujourd'hui des problèmes de sécurité européenne et donc mondiale. Nous assistons de plus en plus en Europe aux revendications de la domination planétaire par l'Otan. La région indopacifique a déjà été déclarée zone de responsabilité de l'Otan. Ce qui se passe sur notre continent intéresse non seulement les Européens, les habitants de l'Amérique du Nord, mais également les représentants d'autres pays, notamment en développement, qui voudraient comprendre quelles initiatives peuvent être engagées à l'encontre de leurs régions par les pays de l'Otan déclarant leurs ambitions mondiales.
Pourquoi avons-nous décidé d'organiser aujourd'hui cette conférence de presse? Lodz accueille aujourd'hui une activité généralement appelée réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). C'est donc une bonne occasion de voir le rôle qui a été joué par cette structure depuis sa création.
L'Acte final d'Helsinki a été signé en 1975 et était perçu comme le plus grand exploit diplomatique de l'époque, comme un précurseur d'une nouvelle ère dans les relations entre l'Est et l'Occident. Néanmoins, le nombre de problèmes ne cessait d'augmenter depuis. À l'heure actuelle, un très grand nombre de problèmes s'est accumulé dans ce qu'on appelle l'OSCE aujourd'hui. Ils possèdent une longue projection historique et datent de la période soviétique tardive, fin des années 1980-1990, quand le nombre d'opportunités manquées a dépassé toutes les attentes des analystes les plus pessimistes.
Rappelons l'année 1990, l'anticipation de la fin de la guerre froide. Certains avaient déjà proclamé sa fin à l'époque. On s'attendait à une immersion générale dans les valeurs humaines et l'obtention par tous de "dividendes de la paix". En 1990 également s'est déroulé un sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Durant ce sommet, tous les pays participants, y compris les pays de l'Otan et du Pacte de Varsovie, ont adopté à Paris la Charte pour une nouvelle Europe constatant la fin de "l'ère de la confrontation et de la division du continent", proclamant la suppression des barrières pour construire une maison paneuropéenne sans lignes de démarcation.
C'était en 1990. À première vue, si tout le monde était arrivé à de telles déclarations, qu'est-ce qu'empêchait de les appliquer? Le fait est que l'Occident n'avait l'intention d'engager aucune démarche pour que ces belles paroles et ces engagements deviennent réalité. Il est clair qu'à l'époque l'Occident signait sous ce genre de slogans dans l'espoir que notre pays ne revienne plus jamais à ses positions ni en Europe ni, qui plus est, dans le monde. Les Occidentaux partaient du principe que c'était "la fin de l'histoire". Que désormais tout ira selon les règles de la démocratie libérale, qu'on peut se détendre et faire n'importe quelles promesses. Ces beaux slogans étaient "suspendus en l'air".
En 1990 s'est déroulé un sommet d'une structure qui s'appelait à l'époque Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Pendant ce sommet, tous les participants, y compris les pays de l'Otan et les pays du Pacte de Varsovie, ont adopté à Paris la Charte pour une nouvelle Europe, qui a constaté la fin d'une "ère de confrontation et de division du continent", proclamant la suppression des barrières pour construire une maison véritablement paneuropéenne sans lignes de démarcation.
Voici un fait intéressant de cette période. À l'étape finale du sommet de la CSCE à Paris en 1990, le secrétaire d'État américain James Baker mettait en garde le président américain que "la CSCE pourrait représenter une menace réelle pour l'Otan". Je le comprends, c'est effectivement le cas. Car quand la guerre froide prenait fin, plusieurs politiciens et politologues prévoyants et sensés disaient qu'il vaudrait mieux renoncer maintenant non seulement au Pacte de Varsovie déjà disparu, mais également à l'Otan, et tout faire pour que l'OSCE devienne un véritable pont entre l'Occident et l'Est, une plateforme unie pour mettre en œuvre des objectifs communs sur la base des intérêts de chaque pays membre.
Cela ne s'est pas produit. En réalité, l'Occident cherchait à préserver sa domination. La réalisation des slogans sur l'équité et l'absence de lignes de démarcation et de barrière, sur une véritable maison paneuropéenne était perçue par les Occidentaux comme une menace pour leurs positions visant la domination de Washington et de Brucelles dans toutes les affaires mondiales, y compris en Europe. Cet "instinct primaire" qui n'a jamais disparu chez les Américains ni d'autres membres de l'Otan explique la politique d'expansion sans réserve de l'Alliance, privant d'importance le sens principal de l'OSCE en tant qu'instrument collectif garantissant une sécurité égale et indivisible, et dévaluant tous les "beaux" documents adoptés par l'organisation depuis les années 1990. Il était primordial pour l'Occident de prouver qui est le maître dans la maison paneuropéenne que tout le monde s'est collectivement engagé à construire.
En fait, c'est là que prend son départ le fameux concept d'un "ordre mondial fondé sur des règles". L'Occident considérait à l'époque déjà ces "règles" comme partie intégrante de sa position sur la scène mondiale. C'est ce sentiment que les "règles" occidentales peuvent régler tous les problèmes sans consulter qui que ce soit qui a conduit au fait que l'Occident a jugé qu'il était permis de bombarder de manière barbare la Yougoslavie pendant presque 80 jours en détruisant son infrastructure civile. Ensuite les Occidentaux ont envahi sous faux prétexte l'Irak et y ont détruit tout le nécessaire pour la vie de la population civile et du pays. Puis l'État libyen a été détruit. Suivi de nombreuses autres aventures que vous connaissez bien. Nous rappelons l'agression contre la Yougoslavie parce que ces résultats font écho à ce jour. Cette démarche était une grossière violation des principes d'Helsinki. C'est à cette époque, en mars 1999, que l'Otan, voulant montrer toute sa permissivité, a ouvert la boîte de Pandore en piétinant les fondements de la sécurité européenne proclamés à l'OSCE.
La Russie ne perdait pas espoir de pouvoir revenir aux origines des principes d'Helsinki. Nous continuions de nous battre pour l'OSCE. Nous avons proposé sur la base de l'Acte final d'Helsinki de préparer un document juridiquement contraignant, à savoir la Charte de l'OSCE. L'Occident avait refusé à l'époque.
Les efforts de tous ceux qui souhaitent honnêtement des approches paneuropéennes pour régler tous les problèmes ont débouché sur l'adoption en 1999 à Istanbul de documents importants, notamment de la Charte de la sécurité européenne. Il a été possible d'adopter le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE) à la disparition du Pacte de Varsovie. Le FCE initial était rédigé pendant l'existence de deux blocs politico-militaires - l'Otan et le Pacte de Varsovie. Ce dernier a cessé d'exister. Naturellement, le nombre d'armements convenu dans le contexte de la confrontation entre l'est et l'ouest de l'Europe a perdu son sens quand de nombreux pays européens ont commencé à rejoindre l'Otan. Après une série de négociations difficiles il a été possible d'adopter le FCE et de le signer en 1999 à Istanbul. À l'époque cela a été proclamé comme l'approbation d'un document reconnu comme "pierre angulaire de la sécurité européenne".
Le sort du traité mis à jour est connu. Les États-Unis ont interdit à leurs alliés de ratifier le FCE adapté dans l'aspiration à conserver l'ancien document qui, après la disparition du Pacte de Varsovie, garantissait clairement une domination de l'Otan sur une base juridique. Par la suite, les Américains se sont retirés du Traité ABM, du Traité sur les forces à portée intermédiaire et ont également détruit le Traité Ciel ouvert. Non pas que l'OSCE ait été indifférente envers tout cela, mais dans l'incapacité d'exprimer les bonnes paroles collectives, cela n'était fait ni par les présidents de l'Organisation ni par ses secrétaires généraux.
Le deuxième document adopté à Istanbul en 1999 est la Charte de sécurité européenne, qui soulignait que personne n'a le droit de garantir sa sécurité au détriment de la sécurité des autres. Néanmoins, l'expansion de l'Otan vers l'est continuait malgré toutes les déclarations approuvées au sommet par tous les membres de l'OSCE.
En 2010, nous avons réussi avec les partenaires qui ne perdaient pas non plus espoir de sauver l'Organisation, à Astana, à adopter une autre déclaration au sommet stipulant que la sécurité devait être égale et indivisible, que les États avaient le droit de choisir des alliances mais n'avaient pas le droit de renforcer leur sécurité en affaiblissant la sécurité des autres. Le constat important était qu'aucun pays ni groupe de pays ne pouvait revendiquer un rôle exclusif en matière de sécurité dans la région euro-atlantique.
Comme vous pouvez le voir si vous suivez l'évolution de la situation en Europe ces dernières années, l'Otan enfreignait tous ses engagements. L'expansion de l'Alliance créait des menaces directes pour la Fédération de Russie. L'infrastructure militaire de l'Alliance s'approchait tout près de nos frontières. C'était interdit par les engagements de la déclaration d'Istanbul de 1999. L'Otan a clairement déclaré que l'Alliance déciderait elle-même à qui il faut accorder des garanties juridiques de sécurité. C'était également une violation directe des engagements d'Istanbul et d'Astana.
Nous avons compris que l'Otan ignore simplement les déclarations politiques et s'estime en droit de ne pas y prêter attention, malgré les signatures de leurs présidents sur ces documents. En 2008 déjà, la Russie avait proposé de codifier ces déclarations politiques pour les rendre juridiquement contraignantes. Cela nous a été refusé en disant que de telles garanties juridiques en Europe peuvent être apportées seulement dans le cadre de l'Otan. La politique irréfléchie d'élargissement artificiel de cette alliance en l'absence de menaces réelles pour les pays de l'Otan était menée de manière consciente et intentionnelle.
Nous nous souvenons comment l'Otan a été créée. Le premier secrétaire général de l'Alliance Hastings Ismay avait défini la formule "tenir la Russie en dehors de l'Europe, les Américains en Europe, et les Allemands sous le contrôle de l'Europe". Ce qui se passe maintenant signifie le retour de l’Otan aux priorités conceptuelles qui ont été élaborées il y a 73 ans. Rien n’a changé: les Russes ne sont pas les bienvenus en Europe, et les Américains ont déjà subjugué toute l’Europe et ce n’est pas seulement l’Allemagne qui est maintenue sous contrôle, mais toute l’Union européenne. Ainsi, la philosophie de la domination et des avantages unilatéraux n’a pas disparu depuis la fin de la guerre froide.
Depuis le début de son existence, l'Otan ne peut pas inscrire à son palmarès au moins un seul "succès". L'Alliance apporte aux autres la destruction et la souffrance. J'ai déjà mentionné l'agression contre la Serbie et la Libye avec la destruction de la structure étatique libyenne, auxquelles s'est ajouté l'Irak.
Rappelons le dernier exemple, l'Afghanistan, auquel pendant 20 ans l'Alliance cherchait à inculquer la démocratie, telle qu'elle la voit. C'est également révélateur qu'on ne parvienne toujours pas à régler le problème de sécurité dans la région serbe du Kosovo où l'Otan est présente depuis plus de 20 ans. Regardez depuis combien de temps les Américains cherchent à rétablir l'ordre à Haïti, un petit pays sous leur contrôle.
Si en 1991 l'Otan comptait 16 membres, ils sont 30 à présent. La Suède et la Finlande sont sur le point d'y adhérer. L'Alliance déploie ses forces et ses infrastructures militaires toujours plus près de nos frontières. Elle renforce les potentiels et les moyens les rapprochant de la Russie. Elle organise des manœuvres où notre pays est ouvertement proclamé d'ennemi. L'Otan élargit activement son activité dans l'espace postsoviétique. Elle a fait part de ses revendications dans la région indopacifique, et maintenant en Asie centrale. Toute cette revendication de la domination globale est une violation directe et grossière de la Déclaration de Lisbonne de 2010 signée par tous les présidents et premiers ministres de l'Otan.
Nous cherchions jusqu'au bout à préserver la situation dans la région euro-atlantique d'une dégradation. En décembre 2021, le Président russe Vladimir Poutine a avancé de nouvelles propositions sur des garanties de sécurité - un projet de traité entre la Russie et les États-Unis et un projet d'accord entre la Russie et l'Otan. Dans cette situation, en constatant l'insistance avec laquelle l'Occident entraînait l'Ukraine dans l'Otan, ce qui était une ligne rouge évidente pour la Fédération de Russie et l'Occident le savait depuis des années, nous avons proposé de renoncer à l'expansion de l'Alliance et de s'entendre sur des garanties de sécurité juridiquement contraignantes pour l'Ukraine, pour la Fédération de Russie, pour tous les États européens et pour tous les pays membres de l'OSCE. Aucune discussion n'a été possible. Une seule chose nous était martelée à notre appel à adopter une approche globale et créative de cette situation: tous les pays, avant tout l'Ukraine, ont le droit d'adhérer à l'Otan et personne n'y peut rien. Tous les éléments de la formule commune de compromis étaient ignorés: la sécurité indivisible, qu'on ne doit pas le faire au détriment de la sécurité des autres, qu'une seule organisation ne doit pas revendiquer la domination en Europe.
En décembre 2021, Washington a préféré ignorer une opportunité réelle de désescalade. Or il y en avait une non seulement pour les États-Unis, mais également pour l'OSCE, qui aurait parfaitement pu contribuer à une désescalade de la tension si elle avait réussi à régler la crise en Ukraine sur la base des Accords de Minsk convenus en février 2015 et approuvés le mois même à l'unanimité par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Les structures exécutives se sont avérées en réalité entièrement soumises aux États-Unis et à Bruxelles, s'engageant à soutenir pleinement le régime de Kiev dans sa politique d'éradication de tout ce qui est russe - l'enseignement, les médias, l'usage de la langue dans la culture, l'art et la vie quotidienne. Les Occidentaux soutenaient également le régime de Kiev dans sa politique d'imposition législative de la théorie et de la pratique du nazisme: des lois étaient adoptées en ce sens sans la moindre réaction des démocraties occidentales "éclairées", ainsi que dans ses efforts visant à transformer l'Ukraine en un avant-poste pour contenir la Russie, en territoire de menace militaire directe pour notre pays.
À noter que la Mission spéciale d'observation (MSO) en Ukraine a également contribué au discrédit de l'OSCE, qui transgressait grossièrement son mandant ne réagissant pas aux violations quotidiennes des Accords de Minsk par l'armée ukrainienne et les bataillons nationalistes. De facto, la mission de l'Organisation s'est rangée du côté du régime de Kiev. Des preuves gênantes ont fait surface après la cessation de son activité que la MSO avait interagit avec des renseignements occidentaux, ainsi que concernant des observateurs de l'OSCE prétendument neutres qui avaient participé à la correction des tirs sur les positions des républiques de Donetsk et de Lougansk, au recueil d'informations au profit de l'armée ukrainienne et des bataillons nationalistes: ils recevaient des informations des caméras de surveillance de la Mission installées sur la ligne de contact. Tous ces problèmes évidents que beaucoup d'entre vous révélaient et divulguaient, même si vos rédactions ne vous autorisaient pas tous à le faire, étaient tus par les médias. La Mission fermait consciemment les yeux sur toutes les infractions, notamment la préparation du règlement du problème du Donbass par la force prévu par le régime de Kiev, en renonçant publiquement de remplir les Accords de Minsk d'abord en la personne de Piotr Porochenko, puis de Vladimir Zelenski. L'Occident complaisait en silence à ces actions inadmissibles.
À la mi-février 2022, le nombre de tirs incessants pendant toutes ces années contre le territoire des républiques de Donetsk et de Lougansk a décuplé, les statistiques sont formelles. Un grand flux de réfugiés a submergé la Russie. Nous n'avions pas d'autre choix pour sauver les habitants du Donbass et pour éliminer les menaces à la sécurité de la Fédération de Russie depuis le territoire ukrainien que de reconnaître la RPD et la RPL et, conformément à l'article 51 de la Charte de l'ONU, lancer à leur demande une opération militaire spéciale pour les protéger contre les nazis.
L'Occident cherche depuis des années à privatiser ou, plus exactement, capturer l'OSCE, se subordonner cette dernière plateforme de dialogue régional. Il y avait également le Conseil de l'Europe, mais l'Occident l'a mutilé sans chance de rétablissement. C'est maintenant l'OSCE qui est dans la ligne de mire. Ses fonctions et compétences sont érodées et réparties parmi d'autres formats étroits non inclusifs.
Les efforts de l'UE débouchent sur la création de structures parallèles, des réunions comme la Communauté politique européenne. Le 6 octobre 2022, la première rencontre de ce format s'est déroulée à Prague. En préparant cet évènement et en annonçant l'initiative de créer la Communauté politique européenne, le Président français Emmanuel Macron a fièrement déclaré que tout le monde avait été invité sauf la Russie et la Biélorussie. Il a été immédiatement soutenu par les diplomates européens éminents tels que Josep Borrell et Annalena Baerbock, déclarant que la sécurité ne devait pas être construite avec la Fédération de Russie, comme appelait à le faire Angela Merkel et d'autres dirigeants européens, mais contre elle. D'autres structures sont également inventées afin d'imposer dans l'esprit de la réflexion coloniale à d'autres pays des approches conflictuelles, répartir l'agenda de l'OSCE parmi des formats étroits, différents plateformes, appels et partenariats.
Il y a quelques années, l'Allemagne et la France, proclamant l'initiative de créer l'Alliance pour le multilatéralisme, où ils inviteraient ceux qu'ils veulent, ont "frappé dans le dos" l'OSCE. De la même manière les États-Unis invitent seulement les "leurs" à ce qu'ils appellent le "sommet pour la démocratie". Quand nous avons demandé aux Allemands et aux Français pourquoi créer l'Alliance alors qu'il existe déjà en Europe une structure inclusive de l'OSCE et l'ONU au format global - des formats on ne peut plus multilatéraux? On nous a répondu qu'effectivement tous les pays étaient présents dans ces structures, mais pour un multilatéralisme efficace il ne faut pas travailler dans l'OSCE ou l'ONU mais créer un groupe de leaders. Comme quoi, des "rétrogrades" sont présents dans l'OSCE et l'ONU qui empêcheront de promouvoir un multilatéralisme efficace. Ce sont eux, les progressistes, qui s'en occuperont, les autres devront s'y adapter - telle est leur philosophie sapant également tous les hauts principes sur lesquels l'OSCE a été bâtie. Suite à tout cela l'espace de la sécurité en Europe est définitivement fragmenté, alors que l'Organisation devient une entité marginale. Les présidents en exercice de l'OSCE ces dernières années ne brûlaient pas du tout d'envie de renverser cette tendance négative. Au contraire.
Les Suédois présidaient en 2021 et à l'époque déjà ont commencé à agir ouvertement non pas comme des "courtiers honnêtes", mais comme des participants actifs à la politique occidentale visant à soumettre l'OSCE aux intérêts des États-Unis et de Bruxelles. En fait, ce sont les Suédois qui ont commencé la préparation des "obsèques" de l'Organisation.
Nos voisins polonais creusent activement cette année une tombe à l'OSCE en détruisant les vestiges de la culture de consensus. Les actions de Varsovie bafouent grossièrement les règles de procédure et les décisions des organes directifs de l'Organisation. Dans le cadre de l'OTSC, au niveau des ministres des Affaires étrangères de six pays, le 23 novembre 2022, nous avons approuvé une déclaration spéciale s'exprimant sur ces actions néfastes de la présidence polonaise. Nous savons également que plusieurs autres pays de l'OSCE partagent cette position. Je peux affirmer que "l'anti-présidence" de la Pologne occupera la place la plus hideuse dans l'histoire de l'Organisation. Personne n'avait encore infligé un tel préjudice à l'OSCE à sa barre. Les efforts des pays occidentaux étaient longtemps destinés à empêcher la construction d'une sécurité européenne égale et indivisible malgré tous les "sorts" adoptés dans le cadre des déclarations politiques. Nous récoltons aujourd'hui les fruits de cette politique erronée imprévoyante. L'esprit et la lettre des documents fondamentaux de l'OSCE ont été bafoués. L'Organisation a été créée à son époque pour le dialogue paneuropéen. J'ai déjà mentionné les objectifs avancés par l'Occident et les présidents de l'OSCE cette année et l'année dernière. Tout cela soulève des questions difficiles de savoir quelles seront nos relations avec l'Organisation. Plus important encore est de savoir ce qui arrivera à l'OSCE en soi.
Il est clair seulement que si un jour nos voisins occidentaux, or on ne peut pas échapper au voisinage, et anciens partenaires voudront un jour revenir au travail commun sur la sécurité européenne, cela ne sera pas possible. Cela signifierait un retour à ce qui existait avant, mais il n'y aura pas d'affaires comme d'habitude.
Si un jour l'Occident comprend qu'il vaut mieux cohabiter en s'appuyant sur des bases mutuellement convenues, nous écouterons ce qu'il aura à nous proposer. Cela doit être des bases de coopération complètement nouvelles. Y aura-t-il une telle possibilité dans un avenir prévisible? Je l'ignore. C'est à l'Occident d'en décider alors que toutes ces décennies il détruisait systématiquement tout ce qui était fondé en tant que principes de fonctionnement de l'organisation paneuropéenne unique appelée OSCE.
Question: La Russie se retrouve coupée de la diplomatie européenne après qu’on a interdit à ses représentants d'assister aux réunions de l'OSCE ou à la Conférence de Munich sur la sécurité. Que doit faire Moscou dans ce cas? Comment s'adapter aux nouvelles réalités? À quel point l’accord céréalier est opportun pour la Russie dans ce contexte?
Sergueï Lavrov: Aux exemples ci-dessus, nous pouvons ajouter qu'au cours de cette année nos parlementaires n'ont pas été autorisés à deux reprises à assister aux réunions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE en refusant de délivrer des visas (l'une était au Royaume-Uni, l'autre tout récemment en Pologne). Cela montre la façon dont les "courtiers honnêtes" gèrent une organisation paneuropéenne.
Pour en revenir à la question de savoir si nous sommes coupés de la diplomatie européenne, il faut comprendre si la diplomatie européenne a survécu, et si oui, quelle est-elle? Jusqu'à présent nous entendons de la part des principaux diplomates européens des déclarations dans l'esprit de Josep Borrell, qu'il répète comme un mantra depuis le début de l’opération militaire spéciale - "ce conflit doit se terminer par une victoire de l'Ukraine sur le champ de bataille". C'est un diplomate européen qui dit ça.
Quand le président français Emmanuel Macron a annoncé une réunion dans le cadre de la Communauté politique européenne proposée par lui-même, il a déclaré que la Russie et la Biélorussie ne seraient pas invitées. Le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell et la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock ont déclaré un autre nouvel objectif: "construire la sécurité européenne non pas avec la Russie, mais contre la Russie". Si par la diplomatie européenne on entend de telles déclarations, je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour nous d'aller là-bas. Il faut comprendre quand des personnes responsables y apparaîtront.
Le président du Conseil européen Charles Michel, exigeant d'assurer la victoire de l'Ukraine, déclare que cela doit être fait parce que "l'Ukraine lutte pour les valeurs européennes", et le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg dit qu'"elle défend et promeut déjà les valeurs de l'Europe, de la liberté et de la démocratie". Des déclarations similaires ont été faites par la chef de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"La quintessence de la diplomatie européenne" déclare qu'il faut désormais aider l'Ukraine qui défend les "valeurs européennes". Cela ne veut dire qu'une chose: ces diplomates européens ne sont pas au courant de nombreux faits sur ce qui se passe réellement en Ukraine. Quant à savoir comment, bien avant le début de l'opération militaire spéciale, on détruisait l'Église orthodoxe russe pendant de nombreuses années contrairement à toutes les normes de la vie civilisée; la possibilité pour les minorités nationales d'utiliser leur propre langue dans tous les domaines sans exception (bien que plus tard les minorités nationales européennes aient été retirées de cette interdiction, une seule est restée - le russe); des médias en langue russe, non seulement détenus par des Russes et des organisations russes, mais également diffusés en russe, détenus par des Ukrainiens; opposition politique; les partis politiques ont été interdits; des dirigeants des structures politiques ont été arrêtés, la pratique nazie ouvertement implantée, inscrite dans la législation ukrainienne.
Si la diplomatie européenne, appelant de manière pathétique à protéger l'Ukraine qui défend prétendument les valeurs européennes, comprend ce que ce pays promet actuellement en réalité, nous ne devons avoir rien en commun avec cette diplomatie.
Nous lutterons donc pour que cette "diplomatie" prenne fin le plus rapidement possible et que les personnes promouvant une politique de haine en violation de la Charte de l'ONU, de nombreuses conventions et du droit international humanitaire, "quittent les affaires".
De nombreux entretiens de Vladimir Zelenski montrent quelles valeurs défendent le régime actuel de Kiev. Il déclare constamment que "la Russie ne doit pas gagner". Tout le monde applaudit comme un fou. Dans une interview il a déclaré que si on laissait la Russie gagner (cette idée a ensuite été répétée par le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg), alors d'autres grands pays pourraient attaquer de petits pays. Plusieurs grands pays sur différents continents vont remanier la géographie du monde. Vladimir Zelenski affirme qu'il est pour un autre scénario: "chaque personne sur terre saura que quel que soit le pays dans lequel il vit et le type d'armes dont il dispose, il a les mêmes droits et il est tout aussi protégé, comme n'importe quelle autre personne au monde."
Aucun de ceux qui ont interviewé cet homme n'a demandé si Vladimir Zelenski avait oublié ce qu'il conseillait aux Ukrainiens qui se sentent impliqués dans la culture russe. Il y a un an, en août 2021, il leur a dit de "partir en Russie". Une personne qui veut protéger les droits de n'importe qui dans le monde voulait expulser les Russes de son pays simplement parce qu'ils voulaient préserver leur langue et leur culture.
Quand il parlait du droit de chacun d'être protégé "indépendamment de son lieu de résidence", il a visiblement oublié les propos de l'ambassadeur d'Ukraine au Kazakhstan Piotr Vroublevski, qui avait récemment déclaré, publiquement, dans une interview (quand il se trouvait au Kazakhstan): "Nous envisageons de tuer le plus d'eux possible. Plus de Russes nous tuons aujourd'hui, moins il restera à tuer pour nos enfants." Aucun diplomate européen n'a commenté ces propos, bien que nous ayons mis l'accent sur le caractère inacceptable de ce comportement. Il s'agissait d'une offense directe du régime de Vladimir Zelenski pour nos voisins kazakhs, qui ont affirmé que des propos de ce genre étaient inacceptables pour un ambassadeur. Ce dernier est cependant resté au Kazakhstan, et on n'est arrivé à l'expulser qu'environ un mois après. J'ai pitié pour cette diplomatie européenne qui laisse tomber de telles manifestations de l'approche ukrainienne concernant les valeurs européennes.
Nous avons fait beaucoup de déclarations concernant l'accord céréalier. Depuis mars 2022, nos militaires ont annoncé des périodes quotidiennes de 12 heures pour le fonctionnement des couloirs humanitaires pour l'exportation de céréales ukrainiennes depuis les ports ukrainiens. Le seul obstacle - les ports ont été minés. Les collègues ukrainiens ont été invités à conduire les navires à travers les champs de mines et l'armée russe garantirait leur transfert en toute sécurité dans les détroits. Zelenski a déclaré qu'il s'agissait d'un "piège" et qu'"on ne peut pas faire confiance aux Russes". Ensuite, nous avons proposé de garantir la liberté de passage dans les eaux neutres avec nos collègues turcs. Ils étaient d'accord. Et encore une fois Zelenski "faisait des caprices". L'intervention du secrétaire général de l'ONU a permis de signer le 22 juillet 2022 à Istanbul deux documents. Le premier explique en détail les étapes et les garanties en vigueur lors de l'exportation de produits alimentaires ukrainiens à partir de trois ports ukrainiens. Le second stipule que le secrétaire général de l'ONU tentera de supprimer les barrières artificielles à l'exportation d'engrais et de céréales russes. Il y a une semaine, j'ai entendu des déclarations d'une structure européenne selon lesquelles il n'y a aucune restriction dans les sanctions à l'exportation d'engrais et de céréales russes. Mais c'est un mensonge pur et simple. Il n'y a pas de point "engrais et nourriture en provenance de Russie" dans les listes de sanctions. Mais les transactions bancaires sont interdites (principalement pour notre leader Rosselkhozbank qui est coupée du système Swift. Cette banque dessert plus de 90% de tous nos approvisionnements alimentaires); l'accès des navires russes aux ports européens est interdit; l’accès des navires étrangers aux ports russes, ainsi que leur affrètement et leur assurance sont interdits. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres l'a souligné ouvertement lors du sommet du G20 en Indonésie. Il est en train de lever ces barrières. Mais cinq mois après la signature de l’accord, la réaction des États-Unis et de l'UE était extrêmement lente. Nous devons "insister" sur certaines exceptions. Nous soutenons ce que fait le Secrétaire général. Cependant on ne voit pas beaucoup de respect pour ses efforts de la part de l'Occident. Ainsi il montre "qui est le patron à la maison", qui il faut "suivre" et "supplier".
Question: À quoi ressemblera la sécurité européenne sans la participation de l'État de l'Union de la Russie et de la Biélorussie? Quelles sont vos prédictions?
Sergueï Lavrov: Il m'est difficile de faire des pronostics. En toute responsabilité je peux dire quelle sera la sécurité de l'État de l'Union de la Russie et de la Biélorussie quel que soit l’outrage subi par les fondations de l'OSCE.
Nous avons appris le prix de ceux qui revendiquent la présidence de l'OSCE, promettant les fonctions de "courtiers honnêtes" aux responsables qui dirigent aujourd'hui le Secrétariat de l'OSCE et qui n'ont pas le droit de faire quoi que ce soit qui irait au-delà du concept. En 1975, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe a été créée non pas pour que tout le monde "marche sous la houlette de quelqu'un" et pour se soumettre à la vision du monde et aux missions de sécurité et de coopération proposées par nos partenaires occidentaux. L'OSCE a été créée pour que chacun puisse être entendu et qu'aucun pays ne se sente exclu du processus général. Mais maintenant tout est chamboulé. L'Occident fait exactement ce contre quoi l'OSCE a été créée. Il "creuse" les lignes de séparation. Mais là où ils "creusent", on peut "enterrer" quelqu'un. Je crains que cela ne soit fait spécifiquement pour l'OSCE. Toutes ces "petites initiatives": la communauté politique européenne (tout le monde sauf la Russie et la Biélorussie), une franche invitation à démanteler l'OSCE, créer un "copinage" occidental d'où ils promouvront leurs projets, y compris des sanctions illégales unilatérales, la création de tribunaux pour la saisie des fonds. La mentalité coloniale n'a pas disparu. L'envie et le désir de vivre aux dépens des autres.
Les États-Unis vivent désormais aux dépens de l'Europe. Ils profiteront de la crise économique et énergétique dans laquelle elle se trouve, lui vendront du gaz (quatre fois plus cher que l'Europe achetait à la Russie), promouvront leurs lois anti-inflationnistes, fourniront des centaines de milliards de dollars de subventions à leur industrie pour attirer les investisseurs d'Europe. En conséquence, elle en viendra à la désindustrialisation.
Les Occidentaux essaient de construire la sécurité sans la Russie et la Biélorussie. Mais d'abord, ils doivent s’entendre. Le président français Emmanuel Macron s'est précipité à Washington pour se plaindre et exiger. Je ne sais pas comment tout cela finira, mais nous n'avons pas besoin d'une telle sécurité. Toute la sécurité de l'Europe se résume désormais au fait qu'elle est complètement soumise aux États-Unis. Il y a quelques années il y avait des différends en Allemagne et en France, lorsqu'ils prônaient une "autonomie stratégique" de l'Union européenne et la création des forces armées de l'UE. Récemment, l'un des employés du Conseil de sécurité nationale des États-Unis a déclaré que l'Europe devait catégoriquement renoncer à tout "rêve" de créer sa propre armée. Il y a quelques années, de telles discussions en Allemagne ont abouti à la conclusion que l'Allemagne doit compter sur l'Otan pour assurer la sécurité de l'Allemagne. La Pologne, les pays baltes et un certain nombre d'États d'Europe centrale, qui avaient auparavant fait preuve d'approches raisonnables, ont maintenant des gouvernements ultraradicaux russophobes et anti-européens.
À propos de l'indépendance de l'Europe. Il y a eu des discussions sur l'augmentation du nombre de troupes américaines pour mener des exercices sur le continent européen près de la Russie et de la Biélorussie. Lorsqu'on a demandé au chef du Pentagone, Lloyd Austin, comment les troupes américaines étaient déployées, temporairement ou "autrement" , il a répondu sans hésitation que Washington n'avait pas encore décidé quelle serait la présence militaire en Europe. Il n’avait pas l’intention de dire qu'il fallait consulter les alliés européens. "Nous n'avons pas encore décidé." C'est la réponse à la question quelle sera la sécurité en Europe.
L'État de l'Union a des projets de construction militaire. Il existe un groupement interarmées avec une composante terrestre et aérienne. Les présidents de la Russie et de la Biélorussie accordent une attention particulière au problème compte tenu des provocations continues de l'Ukraine. Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour maintenir la disposition à toute option. Nous nous appuierons sur les bonnes opportunités de l'État de l'Union.
Lorsque l'Europe occidentale, l'Otan et l'UE comprendront "l'utopie" de la ligne qu’ils adoptent et ses énormes risques, nous verrons avec quoi ils seront prêts à venir auprès de nous pour discuter d'autres possibilités.
Question: Des exercices conjoints de l'Otan ont eu lieu ce mois-ci dans l'océan Atlantique et en Méditerranée. Des porte-avions de différents pays, dont le porte-avions américain Gerald R. Ford, y ont participé pour la première fois. Quel rôle les États-Unis jouent-ils dans les exercices de l'Otan? Quelles sont les intentions des États-Unis en augmentant l'intégration militaire avec les pays européens? Comment les exercices conjoints de l'Otan affectent-ils la sécurité régionale en Europe?
Sergueï Lavrov: Au cours des 10 dernières années, les exercices de l'Otan sont devenus de plus en plus intenses, fréquents et ouvertement destinés à contenir la Russie. Ils inventent des légendes et des noms essayant de voiler l'évidente orientation antirusse. Ils se déroulent de plus en plus près des frontières russes: la Baltique, la mer Noire, des exercices terrestres en Pologne, un certain nombre d'autres mesures qui contredisent l'Acte fondateur sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité entre la Fédération de Russie et l'Otan de 1997. À l'époque on avait réussi s'entendre sur les "principes de partenariat", ils sont inscrits dans l'acte. Un élément clé de ce document était l'engagement de l'Otan à s'abstenir de déployer des "forces opérationnelles importantes" sur le territoire des nouveaux membres de l'Alliance. Un engagement bon mais politique, comme dans le cas des déclarations de l'OSCE de 1999 et de 2010 de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des voisins. Dans l’Acte Otan-Russie le non-déploiement des "forces opérationnelles importantes" sur le territoire des nouveaux membres de l'Alliance était consigné. C’était un "compromis" en réponse au fait que l'Organisation s'élargissait malgré les promesses faites à l'URSS et puis aux dirigeants russes de ne pas le faire. On nous a menti. Dans une naïve tentative de maintenir le partenariat avec cette alliance nous avons signé l'Acte fondateur, ce qui signifiait que la Russie acceptait l'élargissement de l'Alliance comme une réalité. En contrepartie l'Otan promet solennellement de ne pas déployer des "forces opérationnelles importantes" sur le territoire des nouveaux membres à titre permanent. Après un certain temps, nous avons proposé de renforcer davantage la confiance mutuelle, après avoir décrypté la notion de "forces opérationnelles importantes". Nous avons préparé un accord juridique concret. L'Otan a catégoriquement refusé. Ils affirmaient qu'ils définiraient eux-mêmes cette notion de "forces opérationnelles importantes" qu'ils "s'engageaient" à ne pas déployer à titre permanent, précisant qu'une rotation était possible. Désormais, en violation de l'engagement, des unités importantes sont déployées presque sans cesse. Formellement il est question de rotation. Jusqu'à récemment, l'Otan affirmait et déclarait qu'il ne pouvait y avoir de menace pour la sécurité de la Russie et de qui que ce soit puisque l'Otanétait une "alliance défensive" protégeant le territoire de ses membres. Mais quand l'URSS existait, le Pacte de Varsovie, il était clair de qui elle se protégeait. Le Pacte de Varsovie et l'Union soviétique ont disparu. Depuis lors, l'Otan a déplacé cinq fois sa ligne de défense. S'il s'agit d'une "alliance défensive", alors en élargissant sa ligne de responsabilité, elle continue de se défendre, mais personne ne comprend de qui.
En juin de cette année, à Madrid au sommet de l'Otan, les Occidentaux ont cessé d'être timides, et maintenant ils ne disent plus qu'ils sont une "alliance défensive" et ne font que "défendre les territoires de leurs membres". Ils ont déclaré qu'ils devraient être responsables de la sécurité mondiale, principalement de la région indopacifique. Il y avait même une thèse sur "l'indivisibilité de la sécurité de la région euro-atlantique et indopacifique". Ainsi l'Otan élargit la ligne de défense encore plus vers l'est. Probablement, elle traversera la région de la mer de Chine méridionale. Compte tenu de la rhétorique de l'UE, des États-Unis, de l'Australie, du Canada et du Royaume-Uni, la mer de Chine méridionale est en train de devenir l'une des régions où l'Otan est prête àune escalade, comme elle l'avait fait autrefois en Ukraine.
Nous savons à quel point la Chine prend au sérieux ces provocations, sans parler de Taïwan et du détroit de Taïwan. Nous comprenons qu'un tel "jeu avec le feu" de l'Otan dans ces régions est lourd de menaces et de risques pour la Fédération de Russie. Cela est aussi proche de nos mers et de nos côtes que du territoire chinois.
Nous développons une coopération militaire avec Pékin, nous organisons des exercices conjoints, y compris antiterroristes. Récemment, un événement a eu lieu pour patrouiller l'espace aérien. Pour la première fois, des bombardiers russes à longue portée ont atterri sur des aérodromes chinois et des avions chinois ont atterri sur les nôtres. Ce sont des mesures de précaution qui montrent que nous sommes prêts à tout développement d'événements.
Tout le monde comprend bien qu'après l'Europe, l'Otan dirigée par les États-Unis tente de créer des situations explosives dans la région indopacifique. Ils voulaient entraîner l'Inde dans ces alliances antichinoises et antirusses, mais elle a refusé de rejoindre des structures qui auraient le caractère d'une alliance militaro-politique. New Delhi ne prend part qu'aux projets économiques promus dans le cadre des stratégies indopacifiques. Alors Washington a décidé de créer des alliances militaro-politiques - anglo-saxonnes. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie ont créé l'alliance Aukus, ou ils "invitent" activement la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud.
En Ukraine, les États-Unis et l'UE détruisent tous les principes de coopération de l'OSCE, promouvant leurs approches unilatérales. Dans un sens plus large, ils détruisent l'Organisation elle-même, bourrant la région de ses pays membres de plateformes restreintes et non inclusives comme la Communauté politique européenne.
De la même manière les Occidentaux érodent la plateforme universelle de coopération dans la région Asie-Pacifique - l'Asean, autour de laquelle se sont formés les formats du Forum asiatique sur la sécurité régionale, les sommets de l'Asie orientale, les réunions des ministres de la Défense de l'Association avec les partenaires, reconnus par tous les mécanismes formant un système de coopération dans le domaine de la sécurité, de l'économie et d'autres domaines. Maintenant, tout cela est activement sapé. Les questions de sécurité ont été "arrachées" de l'agenda de l'Asean. Les États-Unis tentent de faire participer la moitié des membres de l'Association à leurs plans. La deuxième partie des pays de l'Asean voit les risques et ne veut pas y participer.
La nature destructrice des actions de Washington contre les structures universelles créées en Europe et dans la région Asie-Pacifique et conçues pour résoudre les problèmes de sécurité sur la base de l'égalité et de l'équilibre des intérêts est évidente. Un cap est pris vers la création de conflits, de "points chauds" en sachant que les États-Unis eux-mêmes sont loin. Plus les Américains provoqueront de crises, plus leurs concurrents s'affaibliront.
Aujourd'hui, l'Europe s'affaiblit, en "obéissant" aveuglement aux États-Unis et soutenant leur politique russophobe et utilisant l'Ukraine comme un moyen pour faire la guerre à la Russie.
Question: À votre avis, est-il encore possible dans un avenir prévisible de s'entendre sur les garanties de sécurité que la Russie a proposées aux États-Unis et à l'Otan?
Sergueï Lavrov: Si nos interlocuteurs occidentaux se rendent compte de leurs erreurs et expriment leur volonté de revenir à discuter les documents que nous avons proposé en décembre 2021, ce sera une mesure positive. Je doute qu'ils trouvent la force et la raison de le faire, mais si cela se produit, nous serons prêts à reprendre le dialogue.
Après le rejet de nos propositions l'Occident a réussi à prendre un certain nombre de mesures qui étaient en totale contradiction avec les perspectives de reprise du dialogue. Par exemple, lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan en Roumanie, ils juraient que l'Ukraine serait dans l'Alliance - il n'y a eu aucun changement. Dans le même temps, comme l'a dit le secrétaire général Jens Stoltenberg, l'Ukraine doit d'abord gagner la guerre et puis elle deviendra membre de l'Alliance. L'irresponsabilité de telles déclarations est évidente pour toute personne plus ou moins compétente en politique.
Nous étions prêts à discuter les questions de sécurité dans le contexte de l'Ukraine et plus largement. Les Occidentaux ont rejeté nos propositions de décembre 2021, et les réunions militaires qui ont eu lieu et mes entretiens avec le secrétaire d'État américain Blinken en janvier de cette année à Genève n'ont abouti à rien. Après le début de l'opération militaire spéciale, nous avons averti que l'affirmation que personne sauf l'Ukraine ne pourrait décider de son adhésion à l'Otan conduisait à un scénario dangereux.
En mars de cette année, les Ukrainiens ont demandé des négociations. Après plusieurs tours, le 29 mars de cette année à Istanbul, ils nous ont donné quelque chose "sur le papier" pour la première fois. Nous avons soutenu les principes du règlement écrits dans ce document. Parmi eux, il y avait la garantie de la sécurité de l'Ukraine par le respect de son statut de pays non-aligné, c'est-à-dire son statut de non-membre de l'Otan, non nucléaire - Zelenski ne dira plus que le renoncement aux armes nucléaires en 1994 était une erreur - et la fourniture de garanties sur une base collective non pas de l'Otan, mais des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, l'Allemagne et la Turquie. Nous avons accepté cela. Un jour ou deux plus tard, les "maîtres" américains ont dit aux Ukrainiens: "Pourquoi faites-vous cela?" Il est clair que les États-Unis devraient épuiser l'armée russe à l’aide de l'Ukraine, ainsi que dépenser le maximum d'armes des pays européens, de sorte que plus tard l'Europe, en achetant de nouvelles armes à Washington, fournisse des revenus au complexe militaro-industriel américain. Très tôt, disent-ils, les Ukrainiens ont exprimé leur volonté de recevoir des garanties de sécurité de la part des Russes et d'assurer un règlement sur cette base.
On nous accuse de demander constamment des négociations afin de "gagner du temps pour rassembler des forces supplémentaires pour l'opération militaire spéciale". C'est ridicule et désagréable. Les gens mentent carrément. Nous n'avons jamais demandé de négociations, mais nous avons toujours dit que si quelqu'un souhaitait négocier, nous étions prêts à l'écouter. Ceci est confirmé par le fait suivant - quand en mars de cette année les Ukrainiens ont fait une telle demande, non seulement nous les avons rencontrés à mi-chemin, mais nous étions également prêts à nous mettre d'accord sur les principes qu'ils avaient eux-mêmes mis en avant. La partie ukrainienne n'était pas autorisée à le faire à l'époque, car la guerre n'avait pas encore apporté suffisamment d'enrichissement à ceux qui la supervisent et la conduisent - et cela est fait, en premier lieu, par les États-Unis et les Britanniques.
Question: Quelles sont, selon vous, les raisons de l'inaction du Groupe de Minsk de l'OSCE pour le règlement du conflit dans le Haut-Karabakh? Est-il possible de relancer son travail?
Sergueï Lavrov: Le Groupe de Minsk de l'OSCE a été créé pour réunir les pays qui disposent d'une influence dans la région et sont en mesure d'envoyer des messages à Bakou et à Erevan. Tout le monde s'est entendu pour travailler sous la présidence de la Russie et des États-Unis. À une certaine étape, la France a exprimé sa volonté de se joindre à ce travail, comme cela arrive souvent. Il a été décidé que Paris ferait partie des trois coprésidents.
Dès lors, les coprésidents faisaient pendant des dizaines d'années un travail utile, rencontraient les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, ensemble ou séparément. L'un des événements conjoints marquants a eu lieu à Madrid à la fin des années 1990. Il a permis de former les principes de Madrid, qui étaient évoqués, modernisés et corrigés par les parties. Au tournant des années 2010, la Russie est devenue la principale coprésidente. Nous avons organisé une dizaine de rencontres tripartites avec les dirigeants d'Erevan et de Bakou. Il est à noter que des représentants des États-Unis et de la France étaient présents à toutes ces réunions.
Après la guerre de 44 jours survenue en septembre-octobre 2020, notre médiation a permis d'obtenir un cessez-le-feu. La Russie continue d'aider l'Arménie et l'Azerbaïdjan à débloquer les communications économiques et de transport dans la région. Tout cela devrait favoriser le développent d'autres États voisins (la Turquie, l'Iran, la Géorgie). Selon nos ententes, la Russie aidera à délimiter la frontière et à concerter un accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Tout cela a résulté des sommets entre les présidents russe et azerbaïdjanais et le premier ministre arménien.
Dans le même temps, nous constations des tentatives convulsives d'autres acteurs de s'ingérer dans ces processus, mais ne les considérions pas comme un problème.
En ce qui concerne les contacts avec Erevan et Bakou, l'Occident a déclaré après le début de l'opération militaire spéciale - via Washington et Paris - qu'il ne voulait plus coopérer avec la Russie nulle part et dans aucun format. Ils ont proclamé ainsi la fin des activités du Groupe de Minsk de l'OSCE. Nos collègues arméniens le rappellent de temps en temps. Nous répondons qu'il leur faut poser cette question aux États-Unis et à la France qui ont déclaré qu'ils ne réuniraient plus ce groupe, ainsi qu'à l'Azerbaïdjan, car tous les efforts de médiation n'ont aucun sens sans sa participation.
Aujourd'hui, les Français, les Américains et l'Union européenne tentent de substituer leur ingérence dans les efforts de médiation au Groupe de Minsk qu'ils ont eux-mêmes enterré. Dans le même temps, ils tentent de récupérer et de privatiser les ententes obtenues par les parties avec la participation de la Russie. Ainsi, ils organisent à Bruxelles des réunions sur la délimitation des frontières. Les Arméniens et les Azerbaïdjanais sont des gens polis, ils s'y rendent, mais comment peut-on évoquer la délimitation sans les cartes des anciennes républiques soviétiques qui existent uniquement à l'état-major général de Russie? Je ne peux pas me l'imaginer.
Une situation similaire concerne l'accord de paix. Ils se sont rendus à Prague, au forum de la Communauté politique européenne pour y signer un texte affirmant que l'accord de paix devrait s'appuyer sur les frontières conformément à la Charte de l'ONU et à la déclaration d'Almaty du 21 décembre 1991. Cette dernière stipule que toutes les républiques soviétiques forment la Communauté des États indépendants et confirment l'inviolabilité des frontières existantes entre les républiques de l'Union soviétique. À cette époque, la région autonome du Haut-Karabakh faisait partie de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan. L'Azerbaïdjan, l'Arménie, la France et le Conseil européen représenté par Charles Michel l'ont approuvé dans le cadre du texte susmentionné et ont reconnu la déclaration d'Almaty sans réserve. Cela facilite le travail et permet de définir l'approche du statut du Haut-Karabakh.
Ce n'est pas par hasard que les autorités arméniennes ne parlent pas ces derniers temps du statut, mais plutôt de la nécessité d'assurer les droits de la population arménienne du Haut-Karabakh. Bakou reconnaît cette position et se dit prêt à évoquer l'octroi de garanties des droits dont disposent les autres citoyens de l'Azerbaïdjan. Personne ne se souvient plus aujourd'hui du Groupe de Minsk de l'OSCE.
Question: Que pensez-vous des propos contradictoires du premier ministre arménien Nikol Pachinian sur un accord de paix arméno-azerbaïdjanais et le Haut-Karabakh? Il affirmait par le passé qu'il s'agissait indiscutablement d'une région arménienne. Il appelait à faire participer des représentants du Haut-Karabakh aux négociations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Après le sommet de Prague en octobre dernier, il a annoncé qu'Erevan et Bakou pourraient signer un accord sans mentionner le Haut-Karabakh. Le 31 octobre 2022, la veille du sommet de Sotchi, les autorités arméniennes ont déclaré qu'elles soutenaient les propositions russes sur l'accord de paix qui, selon elles, prévoyaient de reporter la question du statut du Haut-Karabagh. Après le sommet de Sotchi, on a demandé à Moscou de confirmer les propositions russes en matière de normalisation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Comme si la Russie aurait renoncé à ses paroles.
Sergueï Lavrov: Vous avez présenté la chronologie des événements de manière évidente. Encore en 2012, nous avions des propositions qui pouvaient régler ce problème une fois pour toutes en cas de leur adoption. Dans tous les cas, c'est cette période qui a donné l'idée de reporter le statut du Haut-Karabakh à plus tard. Il s'agit d'une proposition très simple: les Arméniens quittent cinq régions azerbaïdjanaises situées autour du Haut-Karabakh, mais conservent deux régions qui lient l'Arménie au Haut-Karabakh. L'avenir de ces régions - personne ne conteste leur appartenance azerbaïdjanaise - devrait être défini plus tard avec le statut du Haut-Karabakh. L'idée de laisser le statut du Haut-Karabakh à plus tard, à de nouvelles générations, est apparue à cette époque.
La guerre a commencé en automne 2020. Et elle a pris fin à l'étape de contacts préliminaires. Nous rédigions des déclarations tripartites et avons organisé trois sommets tripartites: deux à Moscou et un à Sotchi. On parlait également à l'époque de la nécessité de lancer le processus politique. Tout le monde comprenait qu'il était possible d'ajourner le règlement du statut du Haut-Karabakh. Compte tenu de tous ces faits, la Russie a formulé sa version de l'accord de paix, qui a été transmise aux parties au printemps. Le texte contenait cette phrase. L'Azerbaïdjan a dit qu'il était prêt à soutenir pratiquement toutes les clauses, mais que la question du statut exigeait un travail supplémentaire.
Une nouvelle rencontre a eu lieu à la fin d'octobre dernier à Sotchi. Nous voulions revenir à cette question et comprendre si nos partenaires étaient prêts à agir sur la base d'un accord en gentlemen, c'est-à-dire à résoudre toutes les questions en reportant celle du Haut-Karabakh. Le président Ilham Aliyev et le premier ministre Nikol Pachinian ont apporté à Sotchi le texte de Prague soulignant leur volonté de signer un accord de paix en s'appuyant sur la Charte de l'ONU et la déclaration d'Almaty de 1991 sur la création de la CEI. Cette dernière stipule clairement que les frontières entre les nouveaux États doivent se baser sur les frontières administratives des républiques de l'ex-URSS, selon lesquelles la région autonome du Haut-Karabakh fait clairement partie de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan. Nos collègues arméniens ont signé cette entente, mais nous demandent aujourd'hui de confirmer les propositions russes sur le statut du Haut-Karabakh. Ce n'est pas une approche normale des négociations.
Les Ukrainiens ont proposé une version du règlement à Istanbul. Nous l'avons acceptée et avons offert certaines concessions. Il s'agissait de la situation sur le terrain à l'époque. On peut longtemps s'imaginer des propositions possibles des parties, mais je voudrais souligner que nos propositions de décembre 2021 ne constituaient pas une tentative de sonder le terrain, destinée à être rejetée. À notre avis, elles reflétaient un équilibre d'intérêts.
Question: Le pape François a proposé à plusieurs reprises sa médiation, il s'est dit prêt à organiser des pourparlers entre Moscou et Kiev. Dans le même temps, le Saint-Siège souligne la nécessité de solutions à long terme et de concessions responsables des deux côtés. Quand il s'agit de concessions, qu'est-ce que cela signifie pour vous? Quel rôle l'Italie, la France, l'Allemagne pourraient-elles y jouer? Ou est-ce que plus rien ne dépend de ces pays européens?
Sergueï Lavrov: Le pape François a depuis longtemps exprimé dans ses déclarations publiques sa volonté de mettre ses services à disposition. Le Président de la France Emmanuel Macron fait part périodiquement de la même position. Même le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré qu'il continuerait de parler au président russe Vladimir Poutine. Au cours des deux dernières semaines, M. Macron déclarait régulièrement qu'il envisageait une conversation avec Vladimir Poutine. C'était très particulier, car au moment où il a commencé à l'annoncer, nous n'avions reçu aucun signal par les canaux diplomatiques. Les Français ont une façon de rendre leur diplomatie extrêmement publique. Nous avons attendu qu'il appelle s'il le voulait vraiment. Mais l'autre jour, des journalistes l'ont encore une fois interrogé à ce sujet. M. Macron a répondu qu'il n'essaierait pas de contacter Vladimir Poutine avant de se rendre à Washington. Nous en concluons que dans la capitale américaine, le Président de la France discutera non seulement de l'affaiblissement des avantages compétitifs de l'Europe, mais se consultera également sur les affaires ukrainiennes.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré à plusieurs reprises qu'il communiquait avec Vladimir Poutine et Vladimir Zelenski. En dehors du Saint-Siège, je n'ai entendu aucune initiative de l'Italie en tant que pays. Mon homologue Antonio Tajani, nous ne nous sommes pas encore rencontrés avec lui en tant que ministre des Affaires étrangères, propose des idées visant à trouver des solutions. Cependant, personne ne propose quoi que ce soit de précis.
Le 29 mars 2022, les propositions de l'Ukraine ont été discutées de manière détaillée. Nous les avons acceptées, mais il était interdit à Kiev de les mettre en œuvre. Il faut, disent-ils, épuiser la Russie, et vendre des armes à l'Europe pour qu'elle donne tout à l'Ukraine.
Le pape François appelle à des négociations, mais a fait récemment une déclaration incompréhensible qui n'est pas du tout chrétienne. Le chef du Vatican a identifié deux nationalités de la Fédération de Russie comme une "catégorie" dont on peut s'attendre à des atrocités pendant les hostilités. Le ministère russe des Affaires étrangères, la République de Bouriatie et la République tchétchène ont réagi à cela. Le Vatican a déclaré que cela ne se reproduirait plus. Il y a eu un malentendu. Cela ne sert pas la cause ni l'autorité du Saint-Siège.
Concernant des concessions éventuelles. Lorsque nous avons formulé nos propositions en décembre 2021 (le projet de traité avec les États-Unis et d'accord avec l'Otan), nous avons écrit ces documents honnêtement. Ce n'était pas une position de départ. Sinon, le premier paragraphe aurait exigé de l'Otan de se dissoudre et des États-Unis de retirer leurs troupes d'Europe, à commencer par les armes nucléaires tactiques en Italie, en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Turquie. Il s'agirait alors d'une position de départ.
Nous avions une approche honnête. Nous avons essayé de trouver une solution qui conviendrait à la fois aux Américains et à l'Otan. Nous avons essayé de regarder la situation actuelle à travers les yeux de nos collègues occidentaux. C'est ainsi que ces documents sont apparus. Ils semblaient contenir des propositions justes et s'appuyaient sur des assurances données. En particulier, nous avons proposé de revenir à la configuration militaire de 1997, lorsque l'Otan assumait l’engagement en vertu de l'Acte fondateur Otan-Russie de ne pas déployer des forces opérationnelles importantes sur le territoire des nouveaux membres.
Les Ukrainiens ont proposé une version du règlement à Istanbul. Nous l'avons acceptée et avons offert certaines concessions. Il s'agissait de la situation sur le terrain à l'époque. On peut longtemps s'imaginer des propositions possibles des parties, mais je voudrais souligner que nos propositions de décembre 2021 ne constituaient pas une tentative de sonder le terrain, destinée à être rejetée. À notre avis, elles reflétaient unéquilibre d'intérêts.
Question: Comme vous venez de l'évoquer dans votre allocution d'ouverture, l'une des raisons de l'opération militaire spéciale en Ukraine réside dans la volonté de protéger la population russophone. Comment pouvez-vous justifier des frappes de missiles contre la population civile et l'infrastructure qui privent les gens d'accès à l'eau et à l'électricité, notamment dans la région de Kherson que la Russie considère comme son territoire?
Sergueï Lavrov: La ville de Stalingrad faisait partie de notre territoire. Nous y battions les Allemands pour qu'ils fuissent. Le ministère russe de la Défense, ainsi que les experts militaires - de la Russie, des États-Unis et d'autres pays de l'Otan - attirent l'attention sur le fait que l'opération militaire spéciale de la Russie visait dès le début à minimiser les répercussions pour la populations civile et l'infrastructure, qui subit actuellement des frappes. Tout le monde sait que cette dernière assure le potentiel de combat de l'armée ukrainienne et des bataillons nationalistes. Les frappes utilisent des armes de haute précision qui mettent hors service les sites énergétiques assurant le fonctionnement de l'armée ukrainienne et la livraison d'énormes quantités d'armes fournies par l'Occident à l'Ukraine afin de tuer des Russes.
Un responsable politique européen a récemment annoncé qu'il fallait livrer à l'Ukraine des armes capables de viser des sites en profondeur du territoire russe. Nous n'ignorons rien. Nous ne sommes pas impressionnés par les affirmations que l'Occident souhaite un règlement pacifique. Les Occidentaux ont publiquement déclaré qu'ils voulaient que la Russie non seulement subisse une défaite militaire, mais aussi soit anéantie en tant qu'un acteur. Certains organisent même des conférences pour songer en combien de parties il faudra diviser notre pays et qui dirigera ces dernières.
Nous mettons hors service des sites énergétiques permettant de livrer massivement à l'Ukraine des armes létales afin de tuer des Russes. Ne dites pas que les États-Unis et l'Otan ne participent pas à cette guerre. Ils y participent directement, via non seulement leurs livraisons d'armes, mais aussi la formation d'effectifs. On entraîne des militaires sur le territoire du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Italie et d'autres pays. Qui plus est, des centaines d'instructeurs occidentaux - leur nombre ne cesse de croître - travaillent directement sur le terrain, ils expliquent aux militaires ukrainiens le maniement des armes livrées. Il faut également souligner un nombre considérable de mercenaires.
Les renseignements, y compris tout le réseau de satellites civil Starlink servent à identifier des cibles pour les militaires ukrainiens. Ces informations sont également livrées via d'autres canaux. La majorité écrasante des cibles visées par des néonazis des bataillons ukrainiens et l'armée d'Ukraine sont choisies par les parrains occidentaux de ce régime. Il est nécessaire de l'évoquer clairement. Il y a énormément de preuves de cela.
Nous utilisons des armes de haute précision pour neutraliser les sites d'infrastructure assurant les opérations militaires de l'armée ukrainienne.
Vous pouvez trouver sur les réseaux sociaux (sur Telegram ou d'autres) des opinions d'experts qui montrent - en s'appuyant sur des faits au lieu de paroles infondées - les différences de cette opération par rapport aux actions des États-Unis en Yougoslavie, en Irak et en Afghanistan, ou aux opérations des Français en Libye.
Un participant à la campagne contre la Yougoslavie en 1999, qui travaillait dans l'état-major définissant les cibles, raconte qu'il a été annoncé lors d'une réunion organisée une semaine après le début de l'agression, qu'il n'y avait plus de cibles militaires à l'exception de deux ponts utilisés par les militaires yougoslaves. Ces derniers ont donc été détruits. Mais qu'est-ce qu'on pouvait faire davantage? Il s'est avéré qu'il restait encore plusieurs dizaines de ponts civils, non utilisés par l'armée. Ils ont tous été bombardés. Un pont a été détruit alors qu'un train de voyageurs le traversait. Aucun dommage collatéral. Juste une attaque contre un site civil. Quand l'Otan bombardait le centre de télévision de Belgrade et sa tour, on expliquait que la télévision diffusait la propagande et soutenait l'esprit de l'armée yougoslave.
C'est la même logique qu'on adopte actuellement en France en privant Russia Today et Sputnik d'accréditation à l'Élysée, sur ordre du président Emmanuel Macron. Le dirigeant français a personnellement déclaré qu'ils seraient interdits d'accès, car ils n'étaient pas des médias, mais des outils de propagande. J'espère que l'Occident ne lancera pas de frappes contre les bureaux de Russia Today et de Sputnik en Europe, similaires à ses bombardements du centre de télévision en Yougoslavie.
Regardez l'Afghanistan. Une frappe contre un rassemblement. Il s'est avéré plus tard que ces 200 personnes célébraient des noces. La Russie n'est pas participante au statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les États-Unis ne le sont pas non plus, mais ils encouragent par tous les moyens cette structure à ouvrir des enquêtes contre ceux qui sont mauvais aux yeux de Washington.
Il y a quelques années, la CPI a enfin décidé d'établir ce que les Américains faisaient en Afghanistan et quel était leur comportement. Il y avait énormément d'informations sur des crimes de guerre commis par les Australiens, les Britanniques et les Américains. Le gouvernement australien demande toujours aux participants de présenter des preuves de leur innocence des crimes de guerre.
Quand la CPI a commencé à examiner la possibilité de lancer une enquête sur les crimes de guerre des États-Unis en Afghanistan, Washington a déclaré sans ambages qu'il adopterait des sanctions contre le procureur et tous les juges. La CPI garde dès lors le silence à ce sujet.
Nous sommes prêts à évoquer le déroulement des combats dans le contexte actuel. Lassons tout cela aux experts. Abstenons-nous de propos conjoncturels infondés et des tentatives d'accuser une partie de tous les maux en oubliant qu'il y avait des situations beaucoup plus sérieuses, mais ignorées par tout le monde, y compris par les médias travaillant en Russie ou couvrant les événements dans notre pays.
En 2013, il y a eu des troubles sur le Maïdan. En 2014, un coup d'État a eu lieu en dépit de l'entente sur le règlement conclue avec la médiation de l'Union européenne. Nous avons prévenu que les gens qui étaient arrivés au pouvoir et avaient fixé l'objectif de chasser les Russes de Crimée et d'interdire la langue russe, créaient une menace réelle et qu'il fallait les calmer. Personne n'a cependant bougé le petit doigt. Ensuite, il y a eu la guerre, les Accords de Minsk garantis par l'Union européenne. Mais, encore une fois, personne ne faisait rien. Piotr Porochenko et Vladimir Zelenski ont refusé de les mettre en œuvre. Ils ont déclaré que le renoncement aux armes nucléaires avait été une erreur, qu'ils récupéreraient la Crimée, qu'ils obtiendraient des armes pour tout régler par la force militaire.
Nous demandions plusieurs fois par an à Berlin, à Paris et à Washington, aux parrains du régime de Kiev, d'appeler ce dernier à la raison, de calmer les racistes. Aucune réaction. Nous tentions pendant des années d'attirer leur attention. Aujourd'hui, les médias font du bruit comme s'ils n'ont pas suivi les événements en Ukraine après les Accords de Minsk et n'ont pas entendu nos appels à la raison.
Comparez l'hystérie actuelle dans les milieux politiques occidentaux que les médias tentent d'imposer à la réaction aux bombardements américains en Irak. Washington n'expliquait pas pendant des années que l'Irak interdisait l'anglais et les films hollywoodiens, mais a tout simplement montré une éprouvette et a annoncé qu'il s'agissait d'une arme biologique. Il a bombardé un pays qui ne se trouvait pas à la frontière américaine, mais à une dizaine de milliers de kilomètres des États-Unis. Parce qu'ils ont le droit. C'est une règle définissant leur ordre mondial. Notre cas constitue une tentative de défendre nos intérêts légitimes conformément au droit international au lieu des règles américaines.
Quelle était la faute de la Libye? Le fait que Mouammar Kadhafi était indésirable aux yeux d'un dirigeant européen ou d'un voisin. Ce pays était prospère, tout comme l'Irak. Leur situation économique et sociale était incomparablement meilleure malgré la fermeté des régimes autocratiques. Il n'y avait pas à l'époque en Europe de millions d'immigrés venus depuis l'Irak, l'Afghanistan ou la Libye. Est-ce que quelqu'un y songeait? Des dizaines de corps restaient par terre pendant des semaines, quand on a rasé Kirkouk en Irak ou Racca en Syrie. La population a fui.
J'ai l'impression que la propagande occidentale n'exprime des inquiétudes que quand il s'agit des souffrances des gens qui ont prêté serment à l'Occident. Les Occidentaux tentent de transformer ces derniers en outil de la mise en œuvre de leurs objectifs géopolitiques et militaires. Dans notre cas, il s'agit des Ukrainiens.
Les Occidentaux ont tué incomparablement plus d'Arabes en Irak, en Libye et en Syrie ou d'Afghans en Afghanistan. Et je ne me rappelle pas qu'ils se soient vraiment préoccupés de la population civile de ces pays. Ces gens constituent donc des sous-hommes à leurs yeux. Et les Ukrainiens, qui se considèrent comme descendants des Romains, méritent visiblement une protection spéciale via les institutions et structures occidentales.
Je regrette toute perte de vie humaine, surtout en raison des hostilités ou des dommages subis par l'infrastructure civile. Mais examinons ces questions de manière honnête, sans deux poids deux mesures.
Les politologues et les experts militaires occidentaux disposent d'un grand nombre d'informations et de statistiques permettant d'identifier si la guerre est menée de manière irraisonnable, sans retenue, ou si les troupes tentent de se restreindre au maximum afin de ne pas porter préjudice à la population et à l'infrastructure civile.
Question: La Russie et les États-Unis ont accompli les principaux objectifs en matière de réduction d'armes dans le cadre de traité New Start en 2018. Cinq années se sont écoulées. Est-il temps d'entamer des initiatives plus ambitieuses en matière de réduction des armes stratégiques offensives? Est-ce que la Russie s'attend à des efforts des États-Unis dans ce domaine? Si oui, à quelles initiatives s'attend-elle?
Sergueï Lavrov: Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question. Ce ne sont pas nous qui avons pris une pause dans les négociations sur de nouvelles ententes en matière de réduction des armes stratégiques offensives, après-Start. Ces négociations ont eu lieu. Les deux premiers cycles se sont déroulés en juillet et en septembre 2021. Les positions des parties étaient absolument antagonistes. Les Américains voulaient mettre l'accent sur nos nouvelles armes annoncées en 2018: cela concerne notamment cinq systèmes d'armes hypersoniques. Nous ne le refusions pas. Nous acceptions que deux de ces cinq systèmes - Sarmat et Avangard - fassent partie du traité existant New Start de 2010. Les autres systèmes n'étaient en effet pas concernés par les paramètres établis par ce texte. Nous nous sommes dits prêts à examiner de nouveaux moyens de maîtrise des armements en tenant compte de nos nouveaux systèmes, mais en soulignant que la Russie voulait elle aussi que les Américains fassent des efforts pour rapprocher les positions.
La réunion de septembre 2021 a permis aux participants de s'entendre que le travail devait s'effectuer dans le cadre de deux groupes d'experts. Le premier devrait définir quels types d'armes revêtent un caractère stratégique et peuvent être utilisés afin d'accomplir des objectifs stratégiques. Il s'agissait pour nous d'une question de principe. Nous proposions une approche systémique de l'objet du futur traité qui ne devrait pas se limiter à inclure de nouveau éléments. Il faut d'abord mener une analyse pour définir quelles armes, russes ou américaines, nucléaires ou conventionnelles, sont réellement stratégiques. Ainsi, le système américain de frappe rapide Promt Global Strike est conventionnel, mais probablement encore plus efficace du point de vue des objectifs militaires. Il faut maintenir un équilibre si quelque chose de nouveau apparaît. Selon notre entente, des experts devraient se réunir pour rédiger une "formule de sécurité", selon les propos de Vladimir Poutine.
En 2021, le Covid-19 ne nous a pas empêchés d'organiser deux réunions assez utiles. Mais les Américains ne voulaient plus poursuivre ces efforts après le mois de septembre. Longtemps avant le début de l'opération militaire spéciale. Il est difficile d'en établir la raison. La responsabilité de la Russie et des États-Unis en tant que deux puissances nucléaires les plus importantes (pour l'instant) n'a pas disparu. Les deux présidents ont adopté en juin 2021 une déclaration conjointe affirmant qu'une guerre nucléaire ne pouvait pas être gagnée et ne devrait jamais être déclenchée. Il existe une déclaration similaire des dirigeants des cinq États nucléaires. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, nous étions prêts à aller plus loin et à dire qu'il était nécessaire d'éviter non seulement une guerre nucléaire, mais toute guerre entre les puissances nucléaires. Même si quelqu'un voulait lancer cette dernière avec des moyens conventionnels, il y aurait un risque énorme de sa transformation en conflit nucléaire. C'est pourquoi nous sommes préoccupés par la rhétorique de l'Occident qui accuse la Russie de préparer des provocations utilisant des armes de destruction massive. Dans le même temps, l'Occident et notamment trois puissances nucléaires - les États-Unis, le Royaume-Uni et la France - font tout pour élargir leur participation quasi-directe à la guerre qu'ils mènent contre la Russie via les Ukrainiens. Il s'agit d'une tendance dangereuse.
Question: La sécurité européenne comprend également la sécurité énergétique. L'Europe évoque actuellement un plafonnement des prix du pétrole russe. La position de la Russie est bien connue. Si le prix fixé était assez élevé - on évoque différents chiffres allant de 30 à 60 dollars le baril - si le prix était au niveau du marché, qu'est ce qui se passerait? Est-ce que la Russie renoncera à livrer ses ressources énergétiques aux pays qui acceptaient ce mécanisme? Quel rôle jouera le prix?
Sergueï Lavrov: Notre position a été présentée par le président russe Vladimir Poutine et le vice-premier ministre Alexandre Novak, responsable du secteur énergétique. Je répète que nous ne livrerons pas de pétrole aux pays qui suivront ces diktats. Le fait que ceux qui défendaient pendant des années la liberté du marché, la concurrence honnête, l'inviolabilité de la propriété privée et la présomption d'innocence, dictent actuellement les prix aux marchés, c'est une évolution intéressante pour ne pas dire plus. Par ailleurs, cela constitue un message fort et à long terme qui montre à tous les États qu'il faut songer à des moyens nécessaires pour renoncer à l'utilisation des outils imposés par l'Occident dans le cadre de son système de mondialisation.
La Russie a déjà été qualifié d'indésirable. La Chine fait l'objet de sanctions. On interdit à Pékin de vendre et d'acheter les produits que les Américains veulent utiliser afin de renforcer leurs avantages concurrentiels. Tout le monde pourrait devenir une nouvelle cible. Je n'ai aucun doute que les graines de reformatage des mécanismes mondiaux ont été plantées. Compte tenu des astuces utilisées par l'Union européenne, il n'y a aucune confiance envers le dollar, tandis que l'euro peut servir à des manipulations. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenté de justifier les lois qu'il sera nécessaire d'adopter afin de voler l'argent de l'État et des citoyens russes. Nous constatons le retour de l'UE à des méthodes coloniales, aux tentatives de vivre aux frais des autres. L'Amérique vit aux frais de l'Europe. Cette dernière veut donc elle aussi rejeter son fardeau sur quelqu'un. Sur nous, par exemple.
Je suis certain que nous maintiendrons ce principe. Il ne s'agit pas de maximiser nos revenus pétroliers immédiats, mais de lancer la formation d'un système indépendant par rapport à ces méthodes néocoloniales. Nous nous y penchons avec nos collègues au sein des Brics (et une dizaine de pays souhaitant concerter leurs actions avec le groupe), l'OCS, l'UEE, ainsi que dans nos relations bilatérales avec la Chine, l'Iran, l'Inde et d'autres pays.
Cela nous est égal quel sera le plafond des prix. Nous nous entendrons directement avec nos partenaires. Ils ne se laisseront pas guider par des "plafonds" et n'offriront aucune garantie à ceux qui introduisent ces plafonds de manière illégale. Quand nous négocions avec la Chine, l'Inde, la Turquie et d'autres clients importants, il existe toujours un équilibre d'intérêts du point de vue des délais, des quantités et des prix. Toutes ces questions doivent être réglées entre le producteur et le consommateur au lieu d'un acteur étranger, qui a décidé de punir quelqu'un.
Question: Dans votre allocution d'ouverture et vos réponses aux questions, vous avez évoqué en détail la position russe sur la sécurité européenne. Nous l'avons entendue il y a un an. En tant que ministre russe des Affaires étrangères, comment estimez-vous la probabilité d'une rencontre entre les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden ou entre vous et le secrétaire d'État américain Antony Blinken en 2023? Est-ce que des rencontres de haut niveau sont en principe possibles dans un avenir proche?
Sergueï Lavrov: Nos estimations actuelles de l'état de la sécurité européenne sont pratiquement identiques à ce que nous avons dit en 2020 et en 2021. Cela ne fait que souligner la cohérence de notre position, le caractère durable de la sécurité européenne et le refus de l'Occident d'entendre ce que nous disons.
Selon un principe existant, si la sécurité collective n'arrive pas à se former, chacun prend soin de sa propre sécurité. La menace pour la Russie de la part des États-Unis et de leurs alliés en Ukraine est réelle, existentielle. Souvenez-vous de Zbigniew Brzezinski, compatriote de nos voisins polonais, qui a déclaré encore en 1994 qu'il fallait faire tout pour séparer l'Ukraine de la Russie, parce que la Russie serait un empire avec l'Ukraine et un simple acteur régional sans cette dernière. En 1994, nous avions des excellentes relations avec les Américains. Mais personne ne voulait déjà que la Russie devienne indépendante. Telles sont les racines de la situation actuelle.
J'ai déjà évoqué l'exemple irakien. Ils ont annoncé qu'il y avait des armes de destruction massive en Irak. Le lendemain, ils s'y sont rendus pour bombarder ce pays. Mais ils n'ont rien trouvé. Ensuite, Tony Blair a déclaré qu'ils avaient commis une "erreur" et que ce n'était pas si grave. Mais ce pays menait une vie normale. Il n'y avait pas de problèmes socioéconomiques sérieux. Il a été anéanti. On essaie toujours de le rassembler de toutes pièces, tout comme la Libye. À 10.000 miles des frontières américaines, à travers un océan. Ils ont le droit de faire tout ce qu'ils veulent. Ils affirment que ce n'est pas la même chose, car ils défendent prétendument la démocratie. C'est pourquoi ils ont le droit de tuer plus d'un million de personnes, ce qu'ils ont fait. De quelle démocratie parle-t-on en Afghanistan? En Irak? En Libye? Le terrorisme s'est épanoui partout dans ces pays. Il y a en Europe des millions de réfugiés, bien qu'il ait été possible de l'éviter.
Ce n'est pas par hasard que nous avons pris cette décision sur l'Ukraine. Nous n'avions pas "lancé une guerre contre l'Ukraine" parce que nous n'aimions pas Vladimir Zelenski, car il a renoncé à sa carrière d'humoriste ou a cessé de financer son studio Kvartal 95. Ce n'est pas vrai. Nous les prévenions pendant de longues années. En vain.
Nous voudrions d'abord comprendre qui peut proposer quoi. Vous avez posé une question sur des éventuels contacts entre Vladimir Poutine et Joe Biden. Nous avons indiqué à plusieurs reprises - le président russe le disait lui aussi - que nous n'évitions jamais les contacts. Le chancelier allemand Olaf Scholz a exprimé sa volonté de se rendre chez nous? Sans problème. Le président français Emmanuel Macron sollicite une visite? Certainement. Veut-on un entretien téléphonique? Tous ceux qui demandent de parler par téléphone reçoivent une opportunité sans aucune restriction de temps. Notre président parle à tout le monde. Mais nous n'avons toujours entendu aucune idée sérieuse.
Nos collègues américains ont proposé d'organiser une rencontre entre William Burns et Sergueï Narychkine. Nous y avons consenti. Qui plus est, les Américains ont répété eux-mêmes une dizaine de fois que ce canal devait être absolument confidentiel. Nous ne devions rien annoncer pour que personne ne sache rien. Ce canal devait être sérieux, non-affecté par des intrigues médiatiques propagandistes extérieures. Nous y avons consenti. Mais une fuite est survenue immédiatement après leur arrivée à Ankara. Je ne sais pas sa source: la Maison-Blanche ou le département d'État. Aujourd'hui, Elizabeth Rood, chargée d'affaires des États-Unis à Moscou, souligne qu'ils continueront de maintenir ce canal confidentiel. Sergueï Narychkine a été lui aussi obligé d'intervenir et d'évoquer les sujets débattus: la sécurité nucléaire, la stabilité stratégique, le régime de Kiev et la situation globale en Ukraine.
Les Américains et d'autres pays affirment qu'ils n'évoqueront pas l'Ukraine sans l'Ukraine. Premièrement, l'Otan évoque l'Ukraine sans l'Ukraine, sans inviter des délégués ukrainiens. Deuxièmement, tout le monde comprend parfaitement qu'il est aujourd'hui impossible de débattre de la stabilité stratégique en ignorant les événements en Ukraine. L'objectif fixé n'est pas de sauver la démocratie ukrainienne, mais d'infliger une défaite militaire à la Russie, voire de la détruire. Est-ce qu'un tel objectif peut être peu significatif pour la stabilité stratégique? On essaie d'éliminer l'un des acteurs-clés de la stabilité stratégique. Dans le même temps, on nous dit qu'il faut évoquer l'Ukraine avec les Ukrainiens, et si ces derniers en ont envie. Dans la foulée, débattrons des armes nucléaires et de la stabilité stratégique. C'est naïf pour ne pas dire plus.
S'il y a des propositions de la part du président américain et d'autres membres de son administration, nous n'évitons jamais les contacts. Antony Blinken n'a téléphone qu'une seule fois, il y a très longtemps. Et il exprimait surtout sa préoccupation pour les Américains qui avaient été condamnés en Russie et purgeaient une peine de prison. Mais il sait parfaitement que les présidents se sont entendus encore en juin 2021 à Genève pour créer un canal tout à fait différent, impliquant les services secrets, dédié à ce sujet concret. Ce canal fonctionne et, j'espère, permettra d'obtenir des résultats. Nous n'avions pas de contacts avec Antony Blinken sur des questions politiques générales. Si je le comprends bien, il existe une certaine "division du travail" à Washington. Le bureau de Jake Sullivan veut faire une chose. Le département d'État promeut une autre. Nous n'accordons pas trop d'attention aux péripéties qui pourraient exister dans la machine bureaucratique américaine. C'est du ressort du président et d'autres dirigeants.
Question: Vous avez déjà mentionné la réunion de l'Alliance atlantique qui a pris fin hier en Roumanie. Beaucoup de personnes se sont rappelées le fait que c'est à Bucarest que l'ancien président américain Georges W. Bush a pour la première fois proposé à la Géorgie et à l'Ukraine de rejoindre d'Alliance. Que pensez-vous de ce fait ou plutôt des propos du secrétaire d'État Antony Blinken qui avait annoncé la nécessité d'élargir l'infrastructure de l'Otan dans la région entre les mers Baltique et Noire? Qu'est-ce que cela signifie pour la Russie? Quelle sera la réaction de Moscou?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne ces propos, ils ont suivi la déclaration de Jens Stoltenberg qui avait indiqué qu'il était nécessaire de continuer des livraisons massives d'armes au régime de Kiev afin d'assurer la paix en Ukraine. Une approche schizophrénique. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Ou plutôt, si tu veux la paix, fait la guerre jusqu'à la fin. Telle est leur logique.
Les propos d'Antony Blinken sont marquants du point de vue de ceux qui dirigent actuellement l'Otan. Leur idée des trois mers - construire un cordon contre la Russie de la mer Noire à la mer Baltique - est une initiative polonaise qui a été activement soutenue par les pays baltes et est promue depuis quelques années comme un concept de "renaissance" de la grandeur polonaise. Ils la promouvaient avant le début de l'opération militaire spéciale et ont intensifié leurs efforts plus tard. Le fait qu'Antony Blinken soutient actuellement cette logique, est très marquant. Cela signifie que, dans le développement futur de l'Alliance atlantique, les Américains s'appuient sur les États comme la Pologne et les pays baltes qui maintiennent des positions très russophobes voire racistes. Dans le même temps, les pays comme l'Allemagne ou la France sont marginalisés. J'ai déjà souligné que "le concept d'autonomie stratégique" promu par le président français est évidemment peu conforme aux idées américaines. Les Américains estiment que l'Union européenne ne doit disposer d'aucune autonomie stratégique. Ils veulent décider eux-mêmes les approches de l'UE dans le domaine de sa sécurité qui doit être assurée conformément aux standards américains. L'ancienne chancelière allemande Angela Merkel a regretté dans une récente interview qu'on ait interdit d'organiser un sommet UE-Russie qu'elle avait proposé avec Emmanuel Macron après le sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine en juin 2021. Mais qui peut normalement interdire à l'Allemagne et à la France de rencontrer quelqu'un? La Pologne et les pays baltes qui créent ce cordon, leur concept des trois mers. Ce fait est très marquant.
Par ailleurs, parlons de l'influence de l'Union européenne. L'UE a garanti en février 2014 un règlement entre Viktor Ianoukovitch et l'opposition. Un texte en ce sens a été signé. Ce dernier s'ouvrait notamment par les propositions de "former un gouvernement d'union nationale" et d'organiser "des élections anticipées". Le président russe Vladimir Poutine l'a évoqué à plusieurs reprises. S'ils avaient organisé ces élections anticipées, Viktor Ianoukovitch n'aurait gagné en aucune façon. Le scrutin se serait donc soldé par la victoire des opposants qui ont lancé le coup d'État le lendemain matin. Les raisons de leur hâte sont peu compréhensibles. S'ils avaient mis en œuvre le texte garanti par l'Allemagne, la France et la Pologne, il n'y aurait pas eu de référendum de Crimée ou d'autres événements. Personne n'aurait lancé une rébellion contre ces individus en raison d'une entente sur les élections.
Tous les événements de février 2014 n'auraient pas eu lieu sans la contribution américaine. Le Maïdan a pris fin, un accord de règlement a été signé, les pays de l'UE jouaient le rôle de garants. Trois semaines avant, Victoria Nuland, responsable de l'espace postsoviétique de l'époque, concertait par téléphone la nouvelle composition du gouvernement ukrainien avec l'ambassadeur des États-Unis dans le pays. Elle s'attendait donc à ce coup d'État. Elle a évoqué plusieurs noms, et l'ambassadeur a répondu que l'Union européenne n'appréciait pas un individu. Vous vous souvenez bien de son opinion exprimée sur l'UE, contenant quatre lettres. L'UE subit dès lors pratiquement le même traitement. D'abord, on a fait fi de ses garanties et des ententes entre Viktor Ianoukovitch et l'opposition. Ensuite, on s'est moqué du fait que l'Union européenne, représentée par la France et l'Allemagne, était garant des accords de Minsk prévoyant un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk sur l'octroi à ces territoires d'un statut spécial et le maintien de la langue russe. En 2019, les Français et les Allemands ont invité le nouveau président Vladimir Zelenski à Paris. Il s'agissait d'une rencontre du "format Normandie". Vladimir Zelenski a encore une fois confirmé qu'il envisageait de s'entendre avec Donetsk et Lougansk sur un statut spécial et de le rendre permanent. Mais il n'a rien fait. Les efforts de médiation de l'UE étaient constamment rejetés. En 2018, Federica Mogherini, haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé que si l'UE se trouvait dans la région - dans les Balkans - il n'y avait plus de place pour personne. Autrement dit, les Russes n'avaient rien à faire dans les Balkans et il fallait couper leurs contacts avec la Serbie et les autres pays de la région.
En 2013, l'Union européenne a joué le rôle de médiateur entre Belgrade et Pristina. Les dirigeants de la Serbie et de Pristina ont été invités à Bruxelles. Ils y ont signé un texte sur la création de la Communauté des municipalités serbes du Kosovo. Le fait est qu'il y a beaucoup d'enclaves serbes au Kosovo. Outre le nord de la région, peuplé principalement par les Serbes, il existe plusieurs enclaves sur le reste du territoire. Ils subissaient une discrimination sérieuse, une oppression de la part de la majorité albanaise en matière de langue, d'éducation en serbe, de médias ou de rites religieux dans les lieux de culte de l'Église orthodoxe serbe qui faisaient eux aussi l'objet d'attaques des Albanais. Les parties se sont donc entendues pour former la Communauté des municipalités serbes. Mais personne ne veut toujours pas le faire. Plus précisément, comme l'Union européenne l'a déjà compris, les Albanais de Pristina ne le feront pas (ils l'ont publiquement annoncé). L'UE a donc reconnu son impuissance absolue. Aujourd'hui, la France et l'Allemagne ont avalé cet affront et promeuvent une nouvelle "initiative". Cette dernière ne prévoit aucun droit pour les Serbes du Kosovo et dit tout simplement à Belgrade que s'il ne veut pas reconnaître l'indépendance du Kosovo, tant pis, mais il devra accepter que le Kosovo non-reconnu adhérera à des organisations internationales comme l'ONU, le Conseil de l'Europe etc.
Ce texte sur la Communauté des municipalités serbes évoquait la même chose que les accords de Minsk, la seule différence étant que la première entente portait sur les droits des Serbes, tandis que la seconde parlait de ceux des Russes dans le Donbass. Il s'agissait des mêmes droits dans les deux cas: la langue maternelle, l'éducation, le droit de créer ses forces de l'ordre (la police locale) dans les régions serbes du Kosovo et en Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, le droit de vote en matière de nomination de juges et de procureurs. Enfin, le droit à des liens économiques facilités avec les régions voisines: entre les Serbes du Kosovo et la Serbie, entre le Donbass et la Fédération de Russie. Absolument la même chose dans les deux cas.
L'Union européenne a donc faite preuve de son inconsistance absolue et de son incapacité à mettre en œuvre des ententes. En ce qui concerne ces tendances à l'affaiblissement de l'UE, les Américains intensifient leurs efforts en ce sens dans le domaine économique, tandis que Bruxelles fait lui-même tout pour réduire à zéro son influence politique, géopolitique et diplomatique.
Question: La situation dans le monde ne cesse de s'aggraver. Plus nous parlons de la sécurité, plus lointaine elle est. Pourquoi êtes-vous donc optimiste dans ce contexte? Croyez-vous qu'il soit possible de protéger la paix et d'éviter le scénario du pire?
Sergueï Lavrov: Vous savez, moi tout comme mes collègues proches au sein de notre ministère, aussi bien que mes collègues d'autres ministères et structures (l'administration présidentielle, le bureau du gouvernement etc.), nous n'avons pas d'habitude de nous plonger dans des réflexions philosophiques sur la probabilité du succès. Celui qui ne travaille pas, n'obtiendra jamais aucun résultat. Quand nous voyons un problème, nous essayons de le résoudre en utilisant toutes nos forces. Et nous songerons aux résultats après avoir compris le bilan de nos efforts. Il n'est pas toujours possible d'obtenir un résultat satisfaisant. Dans tous les cas, il faut essayer, faire preuve d'une approche créatrice, non seulement formuler tes approches, mais aussi comprendre ton partenaire et établir s'il est sincère, s'il veut obtenir des concessions unilatérales ou s'il est prêt à rechercher honnêtement des compromis sur la base de l'égalité souveraine entre le États, conformément à la Charte de l'ONU. Si tu comprends ton partenaire - il est impossible de remplacer les contacts personnels, car la communication en ligne complique la compréhension - et constates sa disposition à un compromis, il est possible d'obtenir un résultat.
Je vais vous présenter un exemple. À l'époque où John Kerry était le secrétaire d'État américain, notre dialogue était plus fréquent et plus long que celui avec nos autres partenaires, y compris nos voisins. Nous nous rencontrions ou parlions par téléphone plus de 50 fois par an. Je considérais John Kerry comme une personne qui voulait sincèrement obtenir un résultat. Il était prêt à accepter un résultat qui ne serait pas unilatéral et proaméricain, mais commun, et qui nous aiderait à résoudre des problèmes de manière conjointe.
J'ai ressenti cette attitude lors de notre rencontre en avril 2014 à Vienne, organisée juste après le référendum sur l'indépendance de la Crimée et son adhésion à la Russie. Elle a également réuni la Britannique Catherine Aston, haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et Andreï Deditsa, ministre des Affaires étrangères par intérim des putschistes de Kiev. Nous nous sommes réunis à quatre et avons concerté un texte tenant compte des propos des autorités ukrainiennes qui avaient déclaré en avril 2014 qu'elles règleraient le problème ukrainien sur la base de la fédéralisation et de la décentralisation. Ce document stipulait également que ce processus devrait impliquer toutes les régions d'Ukraine. Il me semblait que John Kerry soutenait cette approche. Il comprenait clairement que, sans un dialogue élargi, il serait destructeur de tenter d'imposer les concepts et les valeurs uniquement de la partie occidentale du peuple ukrainien (qui se trouvait évidemment derrière ce coup d'État). Malheureusement, cette approche est partie plus tard dans le néant. Il y avait visiblement d'autres tuteurs de l'Ukraine au département d'État.
Dans le même temps, nous avions avec lui des résultats positifs. En 2013, nous avons réussi à concerter dans un délai record - à la demande de Barack Obama et de Vladimir Poutine - une entente sur l'adhésion de la Syrie à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Cela a permis de prévenir une attaque contre la Syrie préparée par les États-Unis.
Ensuite, en 2015, nous menions avec John Kerry les négociations qui ont permis d'obtenir un accord absolument impensable à l'époque, sans parler d'aujourd'hui. Nos militaires s'y sont déployés, et les Américains sont entrés dans l'est de la Syrie. Les militaires russes et américains s'engageaient à combattre conjointement le terrorisme. Si nous ou eux - les Russes ou les Américains - définissions une cible qui devrait être détruite, l'opération devait être concertée avec l'autre partie. Autrement dit, nous devions concerter toutes nos frappes avec les Américains et vice versa. Dans ce contexte, les forces armées de la République arabe syrienne étaient prêtes à renoncer à l'utilisation de l'aviation de combat. Tout cela a été convenu. La seule chose: John Kerry a pris une semaine afin de mener des consultations. Ensuite, rien n'a malheureusement été mis en œuvre.
Les négociations ne doivent pas viser à écraser un adversaire, mais à obtenir un résultat l'aide d'un dialogue respectueux.
Compte tenu du fait que vous représentez les compatriotes, je voudrais exprimer notre solidarité avec tous ceux qui habitent à l'étranger, mais continuent de s'associer à la Fédération de Russie, à leur patrie, qui protègent leur langue, l'apprend à leurs enfants et petits-enfants, tentent de promouvoir la compréhension mutuelle entre les cultures. Une diaspora porte toujours une culture. Tout comme des Allemands et des Italiens qui habitent en Russie depuis des siècles, des Russes promeuvent notre culture en Europe moderne, enrichissent les pays où ils se sont retrouvés par les caprices du destin.
Le président russe Vladimir Poutine a récemment commenté cette situation. Il est impossible d'annuler une culture. Elle est supérieure à des Borrells et à d'autres bureaucrates qui tentent d'encourager des humeurs russophobes, d'agiter la population et de discriminer les Russes. Cette discrimination va jusqu'à l'interdiction d'accès des Russes à des restaurants, alors qu'une conversation en russe pourrait susciter un incident dans la rue d'une ville d'Europe de l'est.
Nous comprenons bien la pression subie par les organisations de nos compatriotes à l'étranger. Aux États-Unis, des agents du FBI se rendent chez eux et demandent d'expliquer ce qu'ils font, quelle est la nature des ces "organisations de compatriotes russes". Il y a beaucoup d'autres faits similaires allant jusqu'à des tentatives de poursuites juridiques. Je suis donc d'autant plus ravi de voir que nos compatriotes demeurent fidèles à leur choix.
Nous poursuivrons le travail dans le cadre de la Commission gouvernementale pour les compatriotes à l'étranger. Nous avons organisé en 2021 le VIIe Congrès mondial des compatriotes avec la participation du président russe. Cette année, nous avons tenu une conférence thématique expliquant comment la coopération économique pourrait encourager nos compatriotes et comment ces derniers pourraient développer la coopération entre leurs pays de séjour et la Fédération de Russie. La conférence a réuni des hommes d'affaires d'origine russe de plus de 80 pays.
Il existe également des événements régionaux. Cette année, ils ont été consacrés aux pays d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Amérique, du Pacifique et d'Asie. Des représentants des compatriotes russes de ces pays se réunissent pour organiser des événements régionaux.
Un autre événement marquet de 2022 a été la conférence "Consolidation des associations des femmes et leur rôle dans les processus sociaux modernes". Elles ont décidé de former la Fédération mondiale des femmes russophones. J'espère que les hommes russophones leur accorderont tout le soutien nécessaire.
Je n'ai aucun doute que tous les citoyens des pays occidentaux abritant une diaspora russe, sachent parfaitement son caractère positif et sa volonté de coopérer dans le domaine humain ou des affaires.
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