Tournée africaine de Blinken: la relation avec l’Occident "n’a jamais été positive pour l’Afrique"
16:55 10.08.2022 (Mis à jour: 17:20 10.08.2022)
© AP Photo / Alex BrandonSecretary of State Antony Blinken waves upon arrival at Queen Alia International Airport, Wednesday, May 26, 2021, in Amman, Jordan
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"Le secrétaire d’État américain est libre de faire ses tournées diplomatiques à condition qu’elles ne consistent pas à dicter" leur politique étrangère aux États africains. Auprès de Sputnik, le militant panafricaniste Youssouf Youya commente la visite de Blinken en Afrique.
"Aujourd’hui, la jeunesse africaine ne s’inscrit plus dans ce registre de tutelle qui veut encore dicter ce qui est bien ou mal à faire pour les pays africains et avec quels partenaires ils doivent travailler", a déclaré à Sputnik Youssouf Youya, jeune entrepreneur tchado-camerounais et militant panafricaniste, commentant la visite d’Antony Blinken dans trois pays africains. Un déplacement organisé après ceux d’Emmanuel Macron et de Sergueï Lavrov, en juillet.
"Le secrétaire d’État américain est libre de faire ses tournées diplomatiques à condition qu’elles ne consistent pas à dicter à la jeunesse africaine, aux Africains et aux dirigeants des pays africains de choisir ou de ne pas choisir tel ou tel partenaire", ajoute-t-il. Qu’il s’agisse de la Russie, de la Chine, des pays du Golfe, de l’Inde ou de la Turquie, "c’est aux Africains de décider avec qui ils construiront des relations de partenariat juste, équitable et profitable à leurs pays, en fonction de leurs intérêts nationaux", souligne-t-il.
Les tournées de dirigeants comme Blinken ne peuvent avoir d’impact que s’ils écoutent "ce que la jeunesse africaine a à dire. Qu’ils ne viennent pas nous imposer ce qu’ils pensent être bon pour nous ou non. Pour la jeunesse africaine, cette ère est définitivement révolue. Tous les mouvements panafricanistes disent "Stop! Dehors la France, dehors les États-Unis, dehors l’Europe et l’Occident!" Et ce, pour la simple raison que la relation que nous avons eu avec eux n’a jamais été positive pour l’Afrique, particulièrement pour sa jeunesse", explique-t-il.
Macron pourrait-il traiter les Américains d’"hypocrites"?
Concernant les déclarations du Président français qui a qualifié d’hypocrite la neutralité affichée par certains pays africains au sujet de l’opération spéciale russe en Ukraine, M.Youya affirme que si "les Africains étaient hypocrites, ils n’auraient pas combattu au côté de la France libre lors de la Seconde Guerre mondiale. Si les Africains étaient hypocrites, ils n’auraient pas laissé la porte encore ouverte à la France, malgré tout ce qu’elle a causé et Macron ne serait pas venu en Afrique pour échanger avec sa jeunesse".
Et d’ajouter que l’Afrique est un continent qui veut être traité avec respect comme n’importe quel autre partenaire.
"M.Macron ne peut pas aller aux États-Unis et traiter les Américains chez eux d’hypocrites. Il ne peut pas également aller en Chine et traiter les Chinois d’hypocrites. Idem pour les pays du Golfe", poursuit notre intervenant déçu de la remarque que le chef de l’État français a lancée en Afrique.
Si les Africains sont hypocrites, "que dire alors de celui qui a construit son empire avec ce qu’il a pillé durant des siècles en Afrique?", se demande-t-il.
"L’Afrique doit même avoir le droit de véto"
Pour Youssouf Youya, sans liberté il ne peut pas y avoir de développement. C’est dans ce sens, indique-t-il, que le combat pacifique, politique, culturel et intellectuel de la jeunesse africaine s’articule autour de l’idée que les Africains sont bien capables de penser leur avenir et leur propre modèle de développement et de partenariat.
"L’Afrique est un continent de 1,2 milliard d’habitants, dont 70% sont des jeunes, recelant d’énormes ressources naturelles qui doivent satisfaire d’abord les besoins locaux avant de penser à l’exportation", notamment vers l’Europe.
Dans le même sens, il ajoute que désormais, l’Afrique a des cadres hautement qualifiés qui "sont capables de la représenter et de défendre ses intérêts" y compris au sein des instances internationales comme le Conseil de sécurité de l’Onu.
"L’Afrique doit même avoir le droit de véto au Conseil de sécurité, vu qu’elle constitue un ensemble de 54 pays et qu’une bonne partie de l’avenir du monde se décidera certainement" en son sein. Et de rappeler que "certains pays africains souverains l’ont d’ailleurs montré en votant contre la résolution d’exclusion de la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’Onu".
Enfin, il affirme que c’est ainsi que la question cruciale du Franc CFA fait débat au sein de la jeunesse africaine, laquelle dit haut et fort "qu’il n’y a pas de souveraineté nationale sans la souveraineté monétaire".