Au Cameroun, la grogne des enseignants met en péril l’année scolaire

© AFP 2024 -Un enseignant portant un écran facial par mesure de prévention contre la propagation du Covid-19 lors d'un cours au lycée technique de Nkolbisson, à Yaoundé
Un enseignant portant un écran facial par mesure de prévention contre la propagation du Covid-19 lors d'un cours au lycée technique de Nkolbisson, à Yaoundé - Sputnik Afrique, 1920, 01.03.2022
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Lancée fin février, la grève des enseignants du secondaire se poursuit au Cameroun. Ces derniers, qui revendiquent des meilleures conditions de vie, n'ont pas obtenu jusqu'ici une réponse à leurs doléances, et n’entendent pas baisser les bras. Dans le pays, le mouvement est largement suivi et soutenu par des personnalités publiques et des anonymes.
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Comme un refrain immuable, les enseignants des établissements secondaires publics au Cameroun crient leur colère. Et pour le faire, ils se sont réunis au sein d’un mouvement dénommé "On a trop supporté" (OTS). Depuis le lundi 21 février, c’est l’opération "craie morte" dans les lycées et collèges du pays. Au chapitre des revendications, plusieurs points affichés au tableau: "la non application du statut particulier de l’enseignant, le paiement de tous nos arriérés de salaire (rappels, avancements, logement), le complément de salaire de tous ceux qui sont dans l’attente, la création d’une plateforme de mutation, d’affectation […] le paiement immédiat des frais d’examen".

"Les seules revendications, parmi le chapelet de griefs décriés par les enseignants pouvant suspendre le mot d'ordre de grève après résolution, porte essentiellement sur le nerf de la guerre: l'argent. Il s'agit notamment des compléments de salaires, la prise en solde effective de ceux des collègues encore en attente bien qu'actifs sur le terrain, le paiement des frais de non logement, le paiement des allocations familiales ainsi que l'épuration de toute dette allant dans ce sens", poursuit au micro de Sputnik Fabrice Ezo’o, enseignant et l’un des leaders du mouvement OTS.

Le ras-le-bol porté par l’opinion nationale

Pour manifester leur ras le bol, les éducateurs n’ont pas choisi la rue, mais l’enceinte des établissements scolaires. Leur démarche consiste depuis lors à "Se rendre dans son établissement, de s’abstenir de dispenser des leçons, de papoter avec les collègues sous l’arbre dans la cour, de maintenir l’ordre auprès des élèves au besoin, de lire et commenter les dispositions de la Loi du 5 décembre 2000 portant statut particulier des fonctionnaires des corps de l’Éducation nationale, de retourner chez soi après les heures dues", renseigne le mot d’ordre rendu public le 18 février. Un mouvement suivi par bon nombre d’établissements secondaires publics du pays: "Ce que nous vivons est tout simplement déplorable. Nous sommes dans un pays où le gouvernement fait des efforts pour d’autres secteurs d’activités, mais quand il s’agit des enseignants, on nous demande de patienter. Jusqu’à quand?", déclare Fulmine Pierre Wansi, enseignant dans un lycée de Douala, au micro de Sputnik.
"Nous n’allons pas nous arrêter jusqu’à l’obtention des principales revendications. La vie est de plus en plus chère dans le pays et nos familles doivent vivre", poursuit-il.
Comme une traînée de poudre, le mouvement s’est répandu dans le pays et au-delà de la profession. De nombreuses personnalités publiques, des célébrités et anonymes soutiennent la cause. Dans un communiqué partagé sur son compte Twitter, le député de l’opposition Cabral Libii souligne d’emblée qu’on "on ne saurait prétendre à un quelconque avenir en paralysant ou en délaissant le secteur de l’enseignement". Il demande par ailleurs au gouvernement "de prendre ses responsabilités en respectant dans les délais ses engagements, afin de permettre un retour rapide à la sérénité".
La sortie du député Cabral Libii
De nombreux internautes se sont aussi appropriés le mouvement et expriment leur solidarité face aux cris des enseignants qui racontent leur misère sur la Toile et dans les médias. À grand renfort de hashtags, de nombreux citoyens appellent à améliorer les conditions des éducateurs.

Une réaction "insuffisante" du gouvernement

Le 17 février dernier, à l’annonce du mouvement de grève, Yaoundé a tenté en vain de désamorcer la crise. Les principaux ministères en charge des enseignements et du travail ainsi que les leaders du mouvement s’étaient retrouvés autour du secrétaire général des services du Premier ministre pour trouver des solutions aux revendications. Yaoundé avait dit porter "une haute attention" à leur préoccupation et annoncé des "avancées notables" dans le traitement des cas. Tout en promettant d’analyser toutes les questions posées par le collectif, le gouvernement a aussi évoqué des lenteurs causées par la gestion de la pandémie et la crise dans les régions anglophones du pays. Une réponse jugée "insuffisante" par le collectif OTS, et qui n’a pas empêché le lancement de l’opération "craie morte".
"Par le passé, plusieurs mouvements ont été refroidis et archivés sur la table des négociations du gouvernement et sans réponse jusqu’ici. Donc seule un impact généreux sur les bulletins de solde peut marquer un retour temporaire aux activités des seigneurs de la craie", martèle Fabrice Ezo’o.
Et en ce qui concerne l’impact du mouvement sur le calendrier scolaire, ce représentant du mouvement rappelle que de nombreux événements, comme la crise sanitaire mondiale ou la coupe d’Afrique des nations (CAN), ont en leur temps perturbé les programmes et "les solutions ont été trouvées".
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"Le calendrier des enseignements secondaires peut être ajustable: l'urgence de l'enseignant aujourd'hui est à la nette amélioration de sa condition de vie. L’urgence est à l’amélioration de nos conditions", conclut-il.
Dans un communiqué rendu public le 27 février, le collectif OTS a décidé de prolonger le mot d’ordre de grève du 28 févier au 4 mars, car disent-ils, "aucune avancée notable n’a été observée jusqu’ici". Au contraire, les leaders se plaignent de subir à la place "des actes de menace et d’intimidation sur le terrain de la part des supérieurs hiérarchiques et des autorités administratives". Le collectif dit encore attendre "des mesures concrètes, pérennes et des réponses claires" à leur revendication.
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