Mort de Brunel, proche d’Epstein: "Dans cette affaire, il commence à y avoir beaucoup de suicides"

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Un cellule de prison (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 23.02.2022
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Jean-Luc Brunel, figurant français de la vaste affaire de pédophilie du milliardaire américain Jeffrey Epstein, a mis fin à ces jours dans une prison à Paris. Une avocate de la défense se penche sur un dossier à scandale.
Le volet "français" de l’affaire Jeffrey Epstein, milliardaire américain accusé d’agressions sexuelles, est clos avec la pendaison en prison de Jean-Luc Brunel, ex-agent de mannequins. Les faits se sont déroulés le 19 février dans la prison parisienne de la Santé. Brunel était en détention provisoire depuis 2020 à la suite d’accusations de "viols sur mineurs de plus de 15 ans" et de "harcèlement sexuel" en lien avec l’affaire Epstein. Ce dernier ayant été retrouvé aussi pendu dans sa cellule aux États-Unis en 2019.
Les avocats de Jean-Luc Brunel laissent entendre que leur client, qui a toujours clamé son innocence, aurait mis fin à ses jours suite à sa "détresse", "celle d’un homme de 75 ans broyé par un système médiatico-judiciaire". Les circonstances de sa mort n’ont pas encore été rendues publiques. Toutefois, certains ne cachent pas leur scepticisme tant l’affaire Epstein fourmille de noms connus. Par exemple, Bill Clinton, le prince Andrew et bien d’autres que le financier américain a côtoyés au long d’une vie agitée.
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"C’est vrai, dans cette affaire, il commence à y avoir beaucoup de suicides", remarque au micro de SputnikAnastasia Pitchouguina, présidente de la commission Enfance de l’Alliance des avocats pour les droits de l'homme (AADH).
"S’il n’y a pas de complices, plus de procès. Il n’y aura pas de procédure pénale contre Brunel. Le procureur va constater l’extinction de l’action publique à son encontre et la procédure sera fermée", explique l’avocate.
Elle souligne que "c’est désespérant pour tout le monde". Jean-Luc Brunel devait être confronté à ses victimes présumées le 11 mars prochain. Désormais, les femmes en question pourraient s’adresser aux institutions judiciaires des États-Unis, patrie d’Epstein, mais "il faut qu’elles soient personnellement concernées par les faits qu’on pourrait imputer aux Américains impliqués dans l’affaire". Peu d’espoirs donc.

Le "tribunal médiatique" contre le tribunal judiciaire

L’avocate souligne que "le problème" des affaires retentissantes est que, "avant même qu’il y ait un jugement et une condamnation définitive, siège un tribunal médiatique". Celui-ci ne laisse pas de place à la présomption d’innocence. Dès que la personne est mise en cause dans les articles, elle est "condamnée pratiquement d’une façon automatique" aux yeux du public.
"Tout le monde ne craque pas forcement, mais tout le monde n’a pas le même parcours, ni la même sensibilité, ni la même résistance à l’opinion publique. L’entourage compte beaucoup… [Jean-Luc Brunel] ne s’est-il pas retrouvé totalement isolé, alors qu’il pensait être soutenu?" suppose Me Pitchouguina.
Sans renier des "choses positives" de la médiatisation, telles la libération de la parole des femmes ou des victimes d’inceste, Anastasia Pitchouguina regrette, en tant qu’avocate de la défense, "cette mise au pilori qu’on peut voir dans certains dossiers".
"À la lecture d’articles parus dans la presse sur Jean-Luc Brunel, on voit très peu de marge de manœuvre pour la présomption d’innocence. Beaucoup de choses sont dites au moment de la mise en examen", détaille l’avocate.
Les gros titres au début et plus du tout d’articles au moment de la relaxe, tel est le drame de la couverture médiatique d’affaires retentissantes, pour notre interlocutrice. "Même s’il y a relaxe, on a du mal à effacer ce qui a été dit au début dans les médias", regrette-t-elle.

Les victimes "n’auront jamais de réponses"

De surcroît, un suicide présumé peut "confirmer" dans une partie de l’opinion publique que le coupable désigné avait quelque chose à se reprocher. "Les gens finissent par se dire: ‘S’il n’avait rien eu à se reprocher, il n’aurait pas fait ça.’ Ce qui n’est pas forcément vrai", soutient l’avocate. Elle donne un exemple très concret de l’affaire d’Outreau ayant débouché sur l'acquittement de la plupart des accusés d’agression sexuelle sur mineurs. Mais l’un d’entre eux s'est suicidé en prison lors de sa détention préventive. À l’époque, "quand la machine judiciaire s’est emballée, toute la presse avait déjà désigné des coupable et des victimes".
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"Le fait que vous ayez quelque chose à vous reprocher dans votre conscience n’est pas le seul facteur déclencheur [d’un suicide]. Il y a toute la pression, le fait de se retrouver en détention, le regard des autres, toute la cavalcade qui vient avant le jugement", développe Me Pitchouguina.
La juriste admet que, si cette pression "est extrêmement difficile à gérer pour des personnes mises en cause", elle l’est également pour les familles des victimes présumées.
"Pour les victimes, c’est terrible aussi. Ils se retrouvent sur la place publique sans qu’ils le demandent. Les mineurs sont plus protégés, il y a un certain nombre de règles de précaution. Mais, même si on ne peut pas donner leurs noms, l’entourage proche peut les identifier", prévient Anastasia Pitchouguina.
Mais, surtout, suite au suicide de Jean-Luc Brunel, les victimes "se retrouvent dans une impasse judiciaire". Elles n’auront jamais de réponses, car "il ne pourra répondre de quoi que ça soit".
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