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Covid-19 en Suisse: le vaccin Moderna, responsable du bon bilan de crise?

© Photo Pixabay/Susanne StöckliLa Suisse
La Suisse - Sputnik Afrique, 1920, 21.02.2022
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Après deux ans d’épidémie, la Suisse semble voir la fin de la crise sanitaire. Et si l’on compare à la France, elle s’en sortirait même mieux. Une réussite qui reposerait sur l’utilisation du sérum Moderna et… une meilleure stratégie de dépistage.
Depuis le 17 février, on assiste au retour à la vie "d’avant" en Suisse. La plupart des mesures sanitaires –dont le certificat Covid (équivalent au pass sanitaire) et le port du masque obligatoire– ont été supprimées, les Helvètes en sont désormais dispensés pour entrer dans les magasins, restaurants et établissements culturels.
Cette levée des restrictions vient conclure un hiver de crise sanitaire… et peut-être même les deux années de pandémie. Et à l’heure du bilan, la Suisse figure parmi les bons élèves en Europe, comme en témoigne son taux de mortalité.

"Depuis le début de l’épidémie, il y a 146 décès pour 100.000 habitants en Suisse. En France, le chiffre atteint 230 morts pour 100.000 personnes [données du 18 février via l’outil ‘Covid-19-Forecasting’ de l’Institut de santé globale à Genève, ndlr], quand l’Italie en dénombre 253", détaille au micro de Sputnik l’épidémiologiste Antoine Flahault.

Une bonne performance qui pourrait, selon notre interlocuteur, être liée à l’utilisation beaucoup plus importante du vaccin Moderna. Un sérum plus dosé que celui de Pfizer en ARN messager. En primo-vaccination en effet, il contient 100 microgrammes d’ARN contre 30 microgrammes pour le Comirnarty.
"Certains chercheurs disent que le Moderna est peut-être un peu plus efficace. C’est une hypothèse qui est soulevée, elle n’est pas encore validée par la science mais elle mériterait d’être explorée car c’est une différence qui est notable par rapport aux autres pays européens", observe-t-il.

Les Suisses moins vaccinés et pourtant…

Et pour cause, le Pr Flahault rappelle qu’environ 60% de la population suisse s’est vu inoculer ce sérum, alors qu’en France, la proportion se situe un peu au-dessus des 10% (contre 80% pour Pfizer). Une faiblesse qui s’explique notamment par une décision de la Haute autorité de santé (HAS). L’instance avait fait le choix le 15 octobre dernier de ne plus autoriser de manière temporaire l’injection du produit développé par Moderna pour les doses de rappel, en attendant l’avis de l’Agence européenne du médicament (EMA).
En effet, à cause de risques cardiaques tels que les myocardites et péricardites, des pays comme la Suède et la Finlande ont suspendu son utilisation pour les moins de 30 ans. Le Danemark et la Norvège l’ont quant à eux déconseillé pour les moins de 18 ans. Actuellement en France, le sérum développé par Moderna est toujours interdit aux adultes de moins de 30 ans dans le cadre du rappel vaccinal.

"Or les Suisses sont moins vaccinés que les Français: 80% ont reçu une première dose en France, on est à 70% en Suisse, et pourtant ils ont une performance presque surprenante, lorsque l’on regarde les chiffres, sur le plan de la mortalité."

L’épidémiologiste tient néanmoins à nuancer le bilan. Ainsi, il souligne que ces bons résultats sont en partie "liés au démarrage de la pandémie" qui a permis d’éviter les nombreux décès durant la première vague. "Les vagues suivantes ont un peu plus nivelé les différences entre les pays européens, et les politiques se sont alignées aussi", décrit le Pr Flahault.
© Photo Our World in DataCapture d’écran -Our World in Data : nombre décès liés au covid-19 par million d’habitants en moyenne sur sept jours
Capture d’écran -Our World in Data : nombre décès liés au covid-19 par million d’habitants en moyenne sur sept jours - Sputnik Afrique, 1920, 21.02.2022
Capture d’écran -Our World in Data : nombre décès liés au covid-19 par million d’habitants en moyenne sur sept jours
Par ailleurs, le directeur de l’Institut de santé globale de Genève explique que la stratégie de dépistage a également pu jouer un rôle déterminant. "Lors de la première vague, les Français testaient essentiellement les gens qui étaient très malades […]. Cela a eu un impact sur la mortalité", estime le Pr Flahault.
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Si le bilan est peut-être flatteur au niveau national, reste qu’il existe de très fortes disparités entre les cantons. En effet, en reprenant l’indicateur du taux de mortalité, il varie du simple ou double. À Zurich, par exemple, on recense 108 décès pour 100.000 habitants, 170 pour 100.000 à Genève, mais 266 dans le canton italophone du Tessin.

"C’est très intéressant car les cantons ressemblent à leur pays ‘frère de langue’, si on peut le dire ainsi. C’est-à-dire que la Suisse romande ressemble un peu, sur le plan de la mortalité, à la France, la Suisse italienne à l’Italie, et la Suisse allemande à l’Allemagne", constate le Pr Flahault.

Des tendances similaires qui pourraient s’expliquer par le fait que "la Suisse est très interconnectée avec le reste de l’Europe, il y a beaucoup de travailleurs frontaliers et donc il y a une forme d’homogénéisation avec le pays dans lequel on travaille", avance l’épidémiologiste.

Les limites de la décentralisation

Cependant, tout n’a pas été idyllique dans la gestion de l’épidémie, confirme le Pr Flahault. Au rang des difficultés: le fédéralisme. "Le modèle politique suisse très décentralisé est avancé dans de nombreux domaines, notamment économiques et sociaux. En revanche pour la pandémie, c’était compliqué car l’important c’était d’agir très rapidement, il fallait être agile", fait-il valoir.

"À tel point que lors de la première vague, le Conseil fédéral [le gouvernement, ndlr] a dû reprendre la main en utilisant un article constitutionnel qui n’était pas du tout fait pour la gestion de pandémie, mais la gestion du terrorisme. Cela n’a pas été très bien accepté par les cantons", explique l’épidémiologiste.

Or, à l’image de la France, les décisions gouvernementales ont également cristallisé les tensions. "Même si c’était en partie normal, l’exécutif a pris le pouvoir et gouverne encore beaucoup par ordonnance. Le Parlement s’est effacé et n’a pas su prendre ses responsabilités assez tôt dans la crise. Nous assistons à un inquiétant effondrement de l’État de droit", a fustigé dans LeTemps Jean-Luc Addor, conseiller national de l’Union démocratique du centre (UDC), un parti conservateur et nationaliste.

"Nous n’avons pas suffisamment confronté les mesures, parfois disproportionnées, avec la réalité", a-t-il poursuivi.

Malgré cette apparente bonne gestion, les dispositifs anti-Covid tels que le pass sanitaire ont provoqué leur lot de manifestations. Le 23 octobre à Berne, plus de 10.000 personnes étaient mobilisées contre la loi Covid. À Zurich et Genève, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées, toujours pour dénoncer ce projet de loi. Plus récemment, le 22 janvier à Berne, ce sont 2.500 manifestants qui avaient fait part de leur colère face aux restrictions sanitaires. Des protestations qui ne sont pas sans rappeler celles qui ont essaimé partout en France, réunissant depuis plusieurs mois, chaque samedi, des antipass sanitaires.
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