Algérie: Djamila Boupacha, l’héroïne de la guerre d’Indépendance qui veut "rester citoyenne"

CC BY-SA 4.0 / BRAHIM DJELLOUL Mustapha / Djamila Boupacha
Djamila Boupacha  - Sputnik Afrique, 1920, 17.02.2022
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Djamila Boupacha, combattante de la guerre d’Indépendance, a décliné le poste de sénatrice du tiers présidentiel. Torturée par l’armée française, elle a affirmé à Sputnik qu’elle n’attendait "aucune contrepartie" pour son engagement en faveur de l’indépendance de l’Algérie.
Héroïne de la guerre de Libération nationale, Djamila Boupacha a choisi de "rester citoyenne". Mardi 15 février 2022, le Président Abdelmadjid Tebboune désigne les membres du tiers présidentiel au Conseil de la Nation, la chambre haute du Parlement algérien. Le nom de la moudjahida (combattante), âgée de 84 ans, figure sur la liste des nouveaux sénateurs. Elle réagit le jour même pour annoncer publiquement sa décision de refuser ce poste. Le texte est diffusé sur Facebook par Nacera Douagui, la présidente de l'association "Chabab Mawahib Wa Afaq"(Jeunesse, talents et horizons)

Dignité

En refusant un poste particulièrement recherché par la clientèle du pouvoir, Djamila Boupacha a été saluée par l’opinion publique algérienne. Au-delà du rôle politique, le statut de sénateur du tiers présidentiel est devenu une forme de "récompense" attribuée par le chef de l’État. Ceux qui en bénéficient jouissent de plusieurs "avantages", notamment d’une indemnité de 270.549,41 dinars (environ 1.700 euros). Voici ce qui explique pourquoi la décision de la révolutionnaire est considérée comme un acte de bravoure et de dignité.
Contacté par Sputnik, Djamila Boupacha a affirmé avoir toujours refusé les postes à responsabilité. "Dieu m’a donné la conscience pour m’engager dans la libération de mon pays. Je n’ai rien attendu en retour".
"Qui aurait dit que j’allais sortir vivante de cette guerre. Personne n’aurait pensé que nous aurions un jour la vie sauve, dans notre situation c’était soit mourir par balle dans le maquis ou alors sous la torture pour celles et ceux qui agissaient dans les villes. C’était un engagement sans aucune contrepartie, même si l’indépendance n’est pas totale car la France dirige toujours l’Algérie, elle est encore là car nous n’avons pas réussi à la faire sortir complètement", précise Djamila Boupacha.
Née à Saint-Eugène, quartier de la côte ouest de la capitale, Djamila Boupacha grandit dans une famille pétrie de valeurs nationalistes. Parfaitement francophone, elle suit une formation de sténodactylographe. Dès les débuts de la guerre d’Indépendance, elle décide de rejoindre rapidement les rangs du Front de libération nationale (FLN) grâce à son frère Djamel Eddine. Djamila Boupacha est engagée dans une unité combattante de la wilaya 1, puis elle est mutée dans la zone autonome d’Alger. En février 1960, elle est arrêtée en compagnie de plusieurs membres de sa famille. Elle est accusée d’avoir posé un engin explosif quelques mois plus tôt à la Brasserie des facultés, dans le centre-ville d’Alger.
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L’enfer commence pour Djamila. Emprisonnée dans un lieu tenu secret par l’armée française, elle subit les pires tortures pendant plusieurs semaines. En mars 1960, l’avocate Gisèle Halimi, qui était membre du comité de défense des militants du FLN, se constitue en sa faveur. À travers ce cas,, elle parviendra à mettre à nu la répression de l’administration et de l’armée coloniales françaises. Le 2 juin 1960, Simone de Beauvoir publie "Pour Djamila Boupacha", une tribunedans les colonnes du journal Le Monde. Une campagne médiatique prend forme grâce à un comité auquel se joignent plusieurs intellectuels. Transféré en France métropolitaine où elle sera détenue à Fresnes et à Pau, Djamila Boupacha a plus tard été amnistiée en application des Accords d’Évian qui marquent la fin de la guerre d’Algérie. La combattante restera longtemps un symbole de la liberté et de la lutte pour l’indépendance. Le peintre Pablo Picasso l’a immortalisée en faisant son portrait.
"Après l’indépendance, j’ai décidé de reprendre une vie normale. C’est le destin choisi par les moudjahidines libres et dignes. Nous n’avons pas supporté la hogra [mot algérien qui désigne l’oppression et l’injustice], des Algériens ont tout abandonné pour combattre la France. Toute ma famille a repris ses activités après l’indépendance de l’Algérie. Mon frère, qui est décédé la semaine dernière, est revenu à son poste à la Régie algérienne des transports algérois (RSTA), après avoir combattu le colonialisme. Nous avons toujours refusé les postes à responsabilité", souligne-t-elle.
Une décision irrévocable qu’elle a maintenu soixante ans après l’indépendance du pays.
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