Un implant russe permet à un singe de retrouver la vue – photos
11:54 13.02.2022 (Mis à jour: 21:03 13.02.2022)
© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
© Photo Le laboratoire Sensor-Tech
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Un implant élaboré dans le but de redonner la vision à des millions d’aveugles a été implanté dans le cerveau d'un singe en Russie, début 2022. Ainsi, la technique russe d'implant cortical visuel est passée au stade final des essais précliniques, relate à Sputnik le directeur du laboratoire derrière l’invention.
Des scientifiques russes ont réussi à implanter un implant cortical visuel dans le cerveau d’un singe. L’animal va bien après cette opération insolite, ce qui donne l’espoir que cette technique pourra aider des millions de personnes, non seulement en Russie mais partout dans le monde. Le directeur du laboratoire Sensor-Tech, Denis Koulechov, a raconté à Sputnik quelles seront les étapes suivantes pour que le dispositif puisse être testé sur des volontaires dès 2024.
© Photo Le laboratoire Sensor-TechLe directeur du laboratoire Sensor-Tech, Denis Koulechov
Le directeur du laboratoire Sensor-Tech, Denis Koulechov
© Photo Le laboratoire Sensor-Tech
Il n'existe pas de remède, de thérapie ou d'opération qui permettrait à une personne non voyante de voir à nouveau, rappelle Denis Koulechov, et les scientifiques se battent contre cela depuis des années, en essayant la génétique et les greffes.
© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
Un implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
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"La tendance la plus prometteuse est celle des neuro-implants, qui pourraient réellement rendre la vue aux gens. Elle sera électronique, pas comme ce que les gens avaient avant", précise l’interlocuteur de Sputnik.
© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
Un implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
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De quoi s’agit-il?
"Le dispositif médical se présente sous la forme d'un cerceau, fixé à la tête et doté de caméras intégrées. Un ordinateur spécial est porté à la ceinture, où se trouvent les algorithmes complexes qui alimentent tous les systèmes. Une troisième partie de l'ensemble du système est implantée directement dans la tête. Il y a un microprocesseur compact et une matrice d'électrodes, une plaque avec beaucoup de terminaisons électriques qui stimulent le cortex visuel. Tout fonctionne sans fil, et la technologie moderne permet de rendre le tout presque invisible. Nos futurs patients porteront un cerceau futuriste sur la tête de la partie visible", détaille le directeur du laboratoire qui a inventé l’implant.
© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
Un implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
© Photo Le laboratoire Sensor-Tech
Ce neuro-implant russe a été mis au point par le laboratoires Sensor-Tech avec le soutien de la charitable Fondation So-Edinenie, et grâce aux efforts conjoints de médecins, d'ingénieurs et de scientifiques. Le projet baptisé ELVIS, soit l’abréviation d’ELectronic VISion consiste en un développement biomédical qui consolide le savoir-faire scientifique des meilleurs spécialistes russes.
© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
Un implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
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© Photo Le laboratoire Sensor-TechUn implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
Un implant cortical visuel inventé en Russie et implanté dans le cerveau d’un singe
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Ainsi, ELVIS permet littéralement de "connecter" des caméras au cerveau et de lui transmettre des images directement, sans l'aide des yeux. Il est basé sur la technique de l'implant cortical, qui permet de reproduire littéralement l'image transmise par la caméra dans le cerveau au moyen d'impulsions électriques. Cela permet à une personne de voir le monde qui l’entoure.
De quelle vision bénéficieront les aveugles grâce à cela?
La vision que les gens pourront regagner grâce à cette technique dans le futur est très différente de celle que des personnes auront perdue.
"Le principe de fonctionnement de tous les implants en cours de développement est le suivant: pour traiter une image, ni les yeux ni le nerf optique ne sont nécessaires, tout le traitement de l'image se fait dans le cerveau. Il a été vérifié depuis longtemps dans la pratique que si la zone du cortex visuel est stimulée par des impulsions de courant électrique, une personne aveugle aura des éclairs de lumière dans sa conscience. Si vous prenez plusieurs de ces fils et que vous les mettez en ligne, ces éclairs de lumière formeront une ligne", dit Denis Koulechov.
Il ajoute qu’ainsi, en utilisant des centaines de stimulations de ce type, il serait possible de "dessiner" des images dans le cerveau d’une personne.
"La vision sur laquelle de nombreuses équipes, dont la nôtre, travaillent actuellement est électronique, et elle s'appelle la vision des contours. Vous pouvez voir la silhouette d'une personne ou d'une voiture, mais vous ne pouvez pas savoir de quelle marque de voiture il s'agit, ni quel visage a cette personne", détaille le directeur du laboratoire.
Il explique que le cerveau ajoute généralement les couleurs par lui-même, sur la base de l'expérience vécue.
"Mais d'un point de vue purement biologique, la vision est monochrome, soit vous avez un flash, soit vous n'en avez pas. Il n’est pas encore possible d’utiliser l'électronique pour traduire les couleurs", conclut-il.
Quand sera-ce le tour des humains?
Les essais précliniques, ceux sur les animaux, permettront aux scientifiques de tester l'implant et d'évaluer la biocompatibilité du tissu cérébral et des composants d'ELVIS, de s'exercer à la pose des électrodes et, éventuellement, de préparer des dizaines de singes pour l'opération. Celle-ci aura lieu dans les deux prochaines années et permettra d'estimer la capacité d’adaptation à la vision électronique des animaux.
Denis Koulechov a expliqué que la phase active de leurs recherches avait commencé en 2019, "puis notre mécène, la Fondation So-Edinenie, qui soutient les sourds et les aveugles en Russie, s’est présenté comme porte-drapeau en matière de soutien financier et organisationnel, et a rendu possible la réalisation de ce projet en Russie".
"En 2019, nous avons réalisé des prototypes et conceptualisé des logiciels et de l'électronique. En 2020 et 2021, nous avons fait beaucoup de tests sur des animaux, mais pas sur des singes. Et maintenant, nous sommes passés à une étape très importante des deux prochaines années, qui consiste à tester les composants invasifs sur des singes. Comme il s'agit de neuro-implants placés dans le cerveau, le cerveau du singe a l'anatomie la plus proche, en matière de chirurgie et d'autres aspects, de celui de l’humain", explique l’interlocuteur de Sputnik.
Il n'est pas possible de tout tester en un seul essai, mais la première expérience a déjà donné beaucoup d'informations, ajoute le scientifique. Il a précisé que choisir un babouin a été très important, parce que "c'est un singe assez grand et que concernant la structure du crâne et du cerveau, il y avait beaucoup de choses que nous devions tester. Et à partir de maintenant, peut-être que nous allons changer, mais ce n'est pas sûr".
"Notre date cible est 2024 [pour les tests sur les humains] et cela est considéré comme un rythme rapide. Si nous ne rencontrons pas de difficultés majeures dans la phase de développement et que rien ne se passe dans la phase de recherche sur les animaux qui nous effraie et nous oblige à passer plus de temps dans les laboratoires, alors le délai est réaliste. Nous sommes convaincus que nous ferons des essais sur des singes pendant les deux prochaines années, et nous verrons ensuite", conclut-il.
Tout le monde ne pourra pas en profiter
Interrogé pour savoir si cette technique pourrait aider tous ceux qui ont perdu la vue, Denis Koulechov a expliqué qu’ils existaient des contre-indications et que cela évinçait une grande partie des gens, même déjà parmi des volontaires qui voudraient participer aux essais cliniques.
"Les contre-indications les plus importantes sont que les aveugles doivent déjà se trouver au tout dernier stade terminal de la cécité, c'est-à-dire qu'ils doivent déjà avoir des difficultés à percevoir le jour et la nuit, lorsque la perception de la lumière est déjà complètement perdue. Ils ne doivent pas souffrir de maladies chroniques qui constituent une contre-indication directe à toute opération neurochirurgicale."
Il y a plus de 39 millions de personnes aveugles dans le monde et environ 300.000 en Russie. L'implant ELVIS pourrait rendre la vue à au moins 20% d'entre eux, selon les estimations des scientifiques russes.
"Parmi toutes les personnes, les enfants, malheureusement, ne pourront pas être opérés, et cela représente un nombre important de patients. De nombreux aveugles, bien que proches de perdre complètement la vue, n'en sont pas encore là. Certains sont aveugles de naissance. Nous pensons qu'un tel implant serait également utile pour les personnes aveugles de naissance, mais cela nécessiterait davantage d'expérimentations et de tests. Et si vous prenez la catégorie des aveugles, il y a beaucoup de personnes âgées et elles ont beaucoup de maladies chroniques", énumère le directeur du laboratoire Sensor-Tech.
Y a-t-il des projets pareils dans d'autres pays?
"Tous les implants sont légèrement différents et il y a très peu de projets liés à la vision. Tout d'abord, c'était important pour notre pays, car un dispositif entièrement russe, sans élément étranger, a pour la première fois été implanté dans le cerveau d’un singe. Il s'agit d'un événement unique pour la Russie", se réjouit le scientifique.
Il ajoute que l’équipe russe est en contact permanent avec ses collègues étrangers et leur a déjà parlé du projet.
"Nous sommes en contact avec toutes les équipes, nous participons aux congrès. Ainsi, toutes les équipes impliquées dans ce projet, nous nous connaissons tous bien, nous apprenons beaucoup les uns des autres afin de ne pas marcher sur le même râteau", explique Denis Koulechov.
Il résume que sur le site de leur laboratoire, il existe un formulaire à remplir par ceux qui voudraient prendre part aux essais cliniques. Selon lui, plusieurs personnes d’autres pays ont aussi déjà laissé des messages et montré leur intérêt face à cette technique russe.
"Certaines personnes ont raconté leur vie et souhaiteraient également participer à des essais cliniques. Parfois, les aveugles sont prêts à voyager et à s'installer dans un autre pays pour participer à des essais et de telles histoires nous ont également été racontées."