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Affaire Valieva
La jeune patineuse artistique russe Kamila Valieva se trouve au coeur d'une affaire de dopage aux Jeux olympiques de Pékin.

L'affaire Valieva aux JO, une provocation? Les USA évoquent des poursuites, le Kremlin commente

© Sputnik . Alexandre Vilf / Accéder à la base multimédiaKamila Valieva lors d'une épreuve par équipe aux JO de Pékin (archive photo)
Kamila Valieva lors d'une épreuve par équipe aux JO de Pékin (archive photo) - Sputnik Afrique, 1920, 11.02.2022
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Alors que les USA entendent traduire en justice les personnes impliquées dans l’affaire de dopage présumé d’une patineuse russe aux JO d’hiver de Pékin, le Kremlin et le Comité olympique russe ont réagi. Une experte britannique dit à Sputnik comprendre pourquoi l’indépendance des organisations sportives internationales peut être remise en question.
Le résultat positif du test antidopage de la patineuse olympique russe Kamila Valieva, dévoilé plus tard que prévu par les normes, aurait pu être délibérément retardé jusqu'à la fin du tournoi par équipes aux JO de Pékin où la Russie a décroché l’or, a déclaré ce vendredi 11 févier le président du Comité olympique russe (ROC), Stanislav Pozdniakov.
"J'ai de sérieuses questions sur le laps de temps qui s'est écoulé entre le 25 décembre, date à laquelle l'échantillon a été prélevé à Saint-Pétersbourg, et le 8 février, date à laquelle il a été rendu public […]. Il semble très étrange que l'échantillon ait voyagé de Saint-Pétersbourg à Stockholm pendant près d'un mois […]. Il est très probable que quelqu'un l’ait retenu jusqu'à la fin de la compétition des patineurs de l'équipe" remportée par la Russie, a indiqué M.Pozdniakov.
Conformément aux normes internationales, les laboratoires de l'Agence mondiale antidopage (AMA) doivent fournir leurs résultats dans un délai de 20 jours, a-t-il rappelé.

L’indépendance des organisations sportives en question?

Pour la présidente du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) Valentine Matvienko, les spéculations concernant le dopage présumé de la patineuse artistique âgée de 15 ans seraient le résultat d’activités de services secrets.

"Kamila Valieva a passé des tests à plusieurs reprises avant et après le 25 décembre, ainsi qu'aux championnats du monde et d'Europe en janvier et aux Jeux olympiques. Ils sont tous négatifs et ne donnent aucune raison de douter de sa probité. C'est un fait […]. Nous pensons que des manipulations de services secrets seraient derrière cette affaire", a déclaré ce vendredi 11 février Mme Matvienko aux journalistes.

La championne olympique de patinage de vitesse et députée à la Douma (chambre basse du parlement russe) Svetlana Jourova parle aussi de dessous politiques de ce scandale, relate Life.ru.
"On peut voir un ordre politique dans le fait que cela [le résultat positif du test, ndlr] n’a pas été signalé pendant si longtemps. Cela m’a surpris car de telles choses sont signalées assez rapidement".
L’idée de remettre en question l’indépendance des organisations sportives internationales est compréhensible, bien qu’il soit faux de supposer qu’elles sont utilisées à des fins politiques, a tempéré auprès de Sputnik Genevieve Gordon-Thomson, présidente de la UK Sports Association, vice-présidente de la British Association for Sport and Law et directrice du Centre de recherche et d'innovation pour le sport, la technologie et le droit de l'université De Montfort.
"En ce qui concerne l'importance de la transparence dans le sport au sens large et le travail réalisé par le Tribunal arbitral du sport (TAS), il serait faux de supposer que les organisations sont utilisées comme véhicules politiques, mais je peux voir pourquoi leur indépendance peut être remise en question", note Mme Gordon-Thomson.

Les États-Unis montrent de l'intérêt pour l’affaire Valieva

Selon le chef de l'Agence américaine antidopage (USADA) Travis Tygart, les États-Unis pourraient traduire en justice les Russes impliqués dans cette situation conformément à la "loi Rodchenkov" américaine.
M.Tygart s’est aussi indigné de la durée d’attente des résultats du test du 25 décembre.
"Celui qui s’en occupait, aurait certainement dû accélérer le processus, ce n'est pas si difficile à faire. Il n'aurait pas dû y avoir un délai de cinq semaines pour une telle substance. C’est un échec catastrophique du système, la star olympique a ignoré son résultat pendant si longtemps et l'a reçu un jour après avoir remporté l'or dans l'épreuve par équipe", a ajouté le chef de l'USADA, cité par Reuters.

Le Kremlin réagit

Dans ce contexte, le Kremlin s’est prononcé contre l’idée de l’application transfrontalière des lois des États-Unis, y compris dans les affaires de dopage sportif, tout en se disant persuadé que le cas de Valieva est le résultat "d’un malentendu".

"Vous savez que nous n’acceptons pas l’idée d’appliquer la loi américaine de manière transfrontalière, qu'il s’agisse de sport ou d’autres affaires. Et il ne peut y avoir de coopération ici. Mais nous avons un grand respect pour l'AMA et pour le CIO", a déclaré à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du Président russe.

Il a aussi noté que les "fonctionnaires sportifs russes [avaient] des questions à poser concernant les délais d’analyse des échantillons de Valieva" et exprimé l’entier soutien du Kremlin à la jeune patineuse.
"Nous soutenons notre Kamila Valieva de manière illimitée, absolument illimitée et complète. Et nous appelons tout le monde à la soutenir".

"Le bien-être d’un enfant" mis en danger

Le délai de 45 jours accordé à l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour signaler l'échantillon indésirable "a en fait, aux yeux de beaucoup de gens, fait passer la question d'une question antidopage à celle du bien-être d'un enfant", estime l’experte britannique.
"Le statut de mineure de Valieva et le manque de détails entourant ses antécédents médicaux ont entravé la décision à mon avis", poursuit Mme Gordon-Thomson.
"Valieva est une personne protégée en vertu du Code de l'AMA et devrait donc recevoir le soutien nécessaire pour concourir sans être soupçonnée", estime Mme Gordon-Thomson.

Que sait-on sur le test positif?

Le Comité olympique russe a publié ce vendredi 11 février un communiqué pour mettre les points sur les i après la publication par l’Agence internationale de contrôle (ITA) des données sur la jeune sportive.

"Le 8 février, après la fin de la compétition de patinage artistique par équipe aux XXIVe Jeux Olympiques d'hiver de 2022, le Comité olympique russe a été informé par l'Agence internationale de contrôle (ITA) de la suspension provisoire de l’athlète Kamila Valieva sur décision de l'Agence antidopage russe RUSADA à partir du 8 février 2022, 11h36 (heure de Pékin)".

Le comité explique que cette suspension provisoire a été décidée suite à la réception d'une notification du Laboratoire antidopage de Stockholm concernant un résultat défavorable au test antidopage, effectué le 25 décembre 2021 lors des championnats de Russie de patinage artistique à Saint-Pétersbourg.
"L'échantillon de l'athlète contenait la trimétazidine, une substance de la classe S4.4 figurant sur la Liste des interdictions 2021 de l'AMA. Cet échantillon ne fait pas référence à la période des Jeux Olympiques. Au cours de la période avant et après le 25 décembre 2021, l'athlète a passé de nombreux tests antidopage, elle les a également passés à Pékin lors du tournoi de patinage artistique. Tous les résultats ont été négatifs", note le Comité.

Levée de la suspension provisoire

Conformément au Code international antidopage, Kamila Valieva a demandé à RUSADA de tenir une audience urgente à propos de sa suspension provisoire.
"Les audiences ont eu lieu le 9 février. La commission de discipline du RUSADA a annulé la suspension temporaire appliquée à l'athlète. La décision est entrée en vigueur immédiatement", ajoute le Comité olympique.
Ainsi, Kamila Valieva "a le droit de s'entraîner et de participer aux compétitions sans restriction jusqu'à ce que le Tribunal arbitral du sport (TAS) en décide autrement concernant son statut par rapport aux Jeux Olympiques", précise le comité.
L’ITA explique pour sa part que cette "affaire ne relève pas de la compétence du CIO et n'est donc pas directement gérée par l'ITA", puisque l'échantillon avait été prélevé avant les Jeux d'hiver.
"L’ISU ne peut prendre une décision sur les résultats de l'équipe ROC dans l'épreuve de patinage artistique par équipes qu'après qu'une décision finale sur tous les aspects de l'affaire a été prise. La procédure actuellement en cours ne peut porter que sur la suspension provisoire", explique l’ITA dans un communiqué.
L’Agence de contrôle se refuse à tout autre commentaire l’expliquant par le fait que la procédure judiciaire pour cette affaire n'est pas définitivement terminée.
Le 10 février, le porte-parole du Comité international olympique (CIO), Mark Adams, a déclaré à Pékin qu’il "ne commenterait pas les spéculations" concernant l’histoire des tests de Valieva.

La favorite de l’épreuve individuelle dans la tourmente

Kamila Valieva, 15 ans, championne de Russie et d’Europe de patinage artistique et s’entraînant sous la direction d’Eteri Tutberidze, serait la favorite de l’épreuve individuelle qui débute le 15 février à Pékin.
Le 7 février, elle est devenue la première patineuse à réussir un quadruple saut aux Jeux olympiques durant une épreuve de la compétition par équipe qui combine des pointages des patineurs en simple masculin et féminin, ainsi que des patineurs en couple et des danseurs sur glace. L’équipe russe a remporté l’or.
Le TAS devrait prendre une décision sur sa participation aux Jeux avant le 15 février. La Russie risque ainsi de se voir privée d’une patineuse à l’épreuve individuelle de patinage, puisqu’elle peut ne pas avoir le temps de remplacer Kamila Valieva. Selon les règles de remplacement tardif publiées lors des Jeux olympiques de Tokyo, un pays peut remplacer son athlète notamment en cas de son disqualification officielle. Tant que l’athlète reste suspendu, il n’est pas concerné par ces normes et ne peut donc pas être remplacé.
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