Internet fixe et mobile, dans les zones blanches, "on est complètement exclus du système"

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Téléphone portable, image d'illustration  - Sputnik Afrique, 1920, 28.01.2022
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Si la 5G commence à s’implanter en France, certaines communes rurales ne disposent même pas d’une bonne couverture mobile 4 G. Une situation qui accentue la fracture numérique en France, estime Séverine Boucher Rezé, maire d’Auradou.

"Des personnes âgées sont complètement déconnectées du monde, car tout se fait par Internet."

Maire d’Auradou, dans le Lot-et-Garonne, Séverine Boucher Rezé s’inquiète pour bon nombre de ses administrés. Et pour cause, une partie de cette commune rurale de moins de 500 habitants n’est pas bien couverte par le réseau mobile 4G et n’a pas accès à Internet. "Quand j’entends dire qu’il n’y a plus de zone blanche en France, on est bien loin de la réalité", déplore l’édile.
Comme les Auratoriens, en 4G, 32% des consommateurs en zone rurale sont privés d’un "bon haut débit", une connexion Internet avec un débit supérieur à 8 mégabits par seconde, indique une étude menée par UFC-Que Choisir publiée le 27 janvier. Après avoir analysé les données partagées par les utilisateurs de l’application "Queldébit", l’association constate qu’il existe une "inégalité territoriale extrêmement marquée".
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Capture d'écran - DataFrance - Couverture réseau mobile 4G - Sputnik Afrique, 1920, 28.01.2022
Capture d'écran - DataFrance - Couverture réseau mobile 4G
Dans les zones urbaines en effet, les débits moyens sont 66% plus élevés qu’en zone rurale (55,3 Mbit/s contre 33,3 Mbit/s). Pire encore, "14,3% des débits relevés sont inférieurs à 3 Mbit/s, débit minimal pour accéder dans des conditions tout juste décentes aux services de base de l’Internet mobile, comme la navigation sur le Web", souligne l’association de défense des consommateurs. Quant au "bon débit", il n’est pas atteint dans 25% des cas au niveau national. Un comble lorsque la 5G commence à être déployée en France.

"Pédaler pour ouvrir une page Internet"

Résultats des courses, c’est la "débrouille" pour les habitants de sa commune, assure Séverine Boucher Rezé: "quand la 3 G a minima ou la 4 G ne passe pas, ils sollicitent les voisins aux alentours qui vont pouvoir bénéficier d’une connexion Internet un peu meilleure que la leur".

"Au pire, s’ils ne veulent demander de l’aide, ils se déplacent dans toutes les pièces de la maison, parfois il faut sortir, aller au bout du jardin, de l’impasse, cela devient un peu cocasse comme situation", décrit l’édile.

Séverine Boucher Rezé confie qu’elle est également concernée: "chez moi, je n’ai que mon téléphone portable qui me sert de modem, sauf qu’en une demi-heure, je suis déconnectée à peu près douze fois. Vous ne faites pas du bon travail dans ces conditions"."Je ne peux même pas installer une box Internet, car les techniciens m’ont prévenu: si j’en prends une, “il faudra pédaler pour ouvrir une page Internet”", raconte l’élue.
Si la recherche de connexion à tout prix peut prêter à sourire, l’impossibilité de naviguer sur Internet dans de bonnes conditions a des conséquences délétères sur la vie quotidienne des TPE, mais aussi des habitants.

Les seniors isolés du monde numérique

Avec la dématérialisation de nombreux services comme la sécurité sociale, vivre en zone blanche accentue considérablement la fracture numérique, notamment chez les personnes âgées.

"Ce sont des personnes démunies face à cette exclusion numérique. C’est handicapant, car ils sont complètement exclus du système", regrette l’édile.

La mairie tente donc de les assister en faisant avec elle les démarches administratives, "cependant, avec le RGPD [Règlement général sur la protection des données, ndlr]c’est un peu compliqué", précise Séverine Boucher Rezé. Puis, "il y a ceux qui ne font pas", souffle-t-elle, "On est passé à l’adressage normalisé, on aura donc un nombre de personnes conséquent qui ne recevra plus son courrier, car ils n’auront fait aucun changement d’adresse ni à la sécurité sociale, ni aux caisses de retraite, ou encore des impôts", prévient l’élue.
Une situation que fustige l’UFC-Que choisir. L’association souligne que "près de 10 ans après le lancement de la 4G, un haut débit de qualité demeure encore chimérique pour de nombreux consommateurs".

"New Deal Mobile", une chimère?

Elle appelle donc les pouvoirs publics à enfin "imposer aux opérateurs une qualité de service minimale permettant d’utiliser dans de bonnes conditions l’Internet mobile partout où la couverture mobile est prétendument assurée."
Pour tenter de résoudre cette problématique, le "New Deal Mobile", un accord entre le gouvernement, les régulateurs des télécoms et les opérateurs téléphoniques, a été signé en janvier 2018, visant à résorber d’ici 2022 les "zones blanches-centres bourgs". Selon la Fédération française des Télécoms, 98% des sites des opérateurs mobiles sont en 4G dont près de 37.394 sites passés en 4G depuis le début de l’accord.
La commune d’Auradou a-t-elle déjà pu en bénéficier? "Il y a eu une belle amélioration il y a deux ans ou trois ans, où tout le monde disait “c’est génial, on capte” puis maintenant on est en phase de descente: on capte de moins en moins bien", observe Séverine Boucher Rezé. "On est moins bien lotis, mais on n’est pas revenu au temps d’avant, car c’était catastrophique", nuance-t-elle. Une situation qui ne touche pas que l’accès au Web, la couverture de la commune étant aussi mauvaise pour le simple service téléphonique:

"Je crains qu’un jour il y ait une urgence et que les gendarmes et les pompiers m’appellent, sauf je ne pourrai pas répondre, car je ne capterai pas", prévient néanmoins Séverine Boucher Rezé, dépitée.

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