Croissance: "L’économie française n’est pas encore revenue à son niveau d’avant crise"

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Magasin fermé - Sputnik Afrique, 1920, 28.01.2022
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Après une chute de 8% en 2020, la croissance française est remontée à 7% en 2021, selon les premiers calculs de l’Insee. Un chiffre à remettre en perspective, analyse l’économiste Éric Berr, d’autant que cette reprise doit encore être consolidée.
"Un rebond spectaculaire" selon Bruno Le Maire: la croissance française a atteint 7% en 2021 d’après les premières estimations de l’Insee, publiées ce 28 janvier. Chose inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, l’économie hexagonale avait connu une récession historique de 8% en 2020 du fait de la crise sanitaire.
Le chiffre de l’Insee dépasse ainsi les projections de la Banque de France, qui tablait en décembre sur 6,7%. De quoi faire dire au ministre des Finances, invité sur France 2, que ce rebond "efface la crise économique" et "prouve que la politique du gouvernement est efficace".

"Il est totalement absurde de dire que l’économie est remise", tempère l’économiste Éric Berr, joint par Sputnik.

Maître de conférences à l’université de Bordeaux, il fait remarquer qu’"il n’y a pas besoin d’être un génie des mathématiques pour comprendre que quand on baisse de huit points et qu’on remonte de sept, on reste en dessous de l’avant-crise. Se réjouir comme le fait le ministre n’aurait de sens que si l’on était dans une année normale".
Et de préciser, métaphore à l’appui: "On est face à un effet rebond, et tant mieux. Encore heureux que l’économie soit repartie. Mais quand on lâche une balle, elle rebondit plus haut si vous la lâchez de plus haut". Ainsi l’économie américaine connaît-elle une croissance moins forte que la France en 2021, à 5,7% selon une estimation provisoire du département du Commerce, mais elle n’avait reculé "que" de 3,5% en 2020. "Les États-Unis sont aujourd’hui au-dessus de leur niveau d’avant crise, mais pas nous", insiste Éric Berr.
Le spécialiste de la pensée keynésienne et post-keynésienne est en revanche d’accord avec Bruno le Maire sur l’efficacité du soutien public: "Grâce aux mesures exceptionnelles, on voit bien que les marchés tout seuls ne fonctionnent pas". Sans surprise, le déficit public tutoie "quoi qu’il en coûte" les 7% du PIB et la dette publique avoisine les 113%. Ce qui ne pose pas de problème en soi pour le co-auteur de La dette publique: précis d’économie citoyenne (Seuil, 2021), puisque la France n’a pas de difficultés de soutenabilité et peut facilement faire "rouler sa dette" en empruntant à des taux particulièrement bas.
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Reste à savoir si cette reprise va se poursuivre en 2022. "L’exécutif est dans son rôle quand il se réjouit de ces chiffres, c’est de bonne guerre", ironise celui qui est par ailleurs membre du Parlement de l’Union populaire, chargé d’étoffer le programme de Jean-Luc Mélenchon. "Mais si les aides ne sont pas maintenues après la présidentielle, rien ne dit que le caractère durable de cette reprise soit garanti. D’après ces estimations de l’Insee, on voit déjà que la consommation des ménages ne compense pas la baisse de 2020, et que le déficit commercial reste très élevé", soupire-t-il.
Le retour des politiques de rigueur, développe Éric Berr, "fut précisément l’erreur faite en 2011-2012 après la crise de 2008". L’urgence consisterait donc notamment à "augmenter les salaires, sans quoi, avec la hausse de l’inflation, la demande ne suivra pas et l’on risquera de retomber dans une situation de croissance faible, de stagnation voire de récession".
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