L’Égypte, terre de concurrence pour les ventes d’armes entre Washington, Moscou et Paris

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base navale Egypte  - Sputnik Afrique, 1920, 26.01.2022
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Candidat, Biden exigeait des efforts du Caire sur les droits de l’homme. Un an plus tard, l’Administration américaine a vendu pour 2,5 milliards de dollars d’armes à l’Égypte et entend garder son avantage concurrentiel sur Moscou et Paris.
Un joli virage à 180 degrés! Durant sa campagne, Joe Biden avait menacé: "Il n’y aura plus de chèque en blanc pour “le dictateur favori” de Trump." Dès son arrivée au pouvoir, il avait gelé une partie de l’aide militaire, invoquant la question des droits de l’homme. En septembre dernier, néanmoins, Washington est revenu partiellement sur cette décision en débloquant 170 des 300 millions bloqués. Et voici que l’Administration américaine vient d’autoriser une vente d’armes de 2,5 milliards de dollars à l'Égypte du même Abdel Fattah al-Sissi.
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Selon le département d’État, ce contrat porte sur douze avions C-130J Super Hercules et trois radars terrestres SPS-48. Ces échanges "soutiendront la politique étrangère et la sécurité nationale des États-Unis en contribuant à améliorer la sécurité d'un pays allié non membre de l'Otan qui continue d'être un partenaire stratégique important au Moyen-Orient", commente Washington. En effet, depuis le gouvernement Reagan (1981-1989), les États-Unis fournissent annuellement 1,3 milliard de dollars à l’armée égyptienne. L’Égypte est ainsi le deuxième bénéficiaire de la munificence de l’oncle Sam derrière Israël, particulièrement gâté avec 3,8 milliards par an.

Les leçons de morale, c’est terminé!

Ce rétropédalage américain à l’égard des ventes d’armes s’expliquerait en partie par la position stratégique du Caire dans la région. "Washington est obligé de mettre de l’eau dans son vin", estime Roland Lombardi, spécialiste du Moyen-Orient.
"Les Américains ont eu des mots très durs, très moralisateurs à l’égard d’al-Sissi. C’était un positionnement idéologique prévisible de la part des démocrates contre les autocrates de la région. Mais ils ont été rattrapés par la réalité. Le plus bel exemple est la guerre de Gaza", souligne l’historien et géopolitologue au micro de Sputnik.
En effet, en mai 2021, le conflit opposant le Hamas à l’armée israélienne, a pris la Maison-Blanche de court. Washington hésitait sur la position à adopter entre un alignement inconditionnel sur Tel-Aviv et une discrétion diplomatique de bon aloi. Depuis, les Américains ont misé sur la médiation du Caire, qui entretient des relations avec les deux belligérants, dans la résolution de ce contentieux. D’ailleurs, peu de temps après la guerre, le secrétaire d’État, Antony Blinken, s’était rendu dans la capitale égyptienne pour appuyer le cessez-le-feu obtenu par le maréchal al-Sissi.
"Les États-Unis reviennent à une forme de réalisme politique avec Le Caire. Surtout qu’ils savent qu’ils ne sont pas les seuls sur ce marché", résume Roland Lombardi.

Et c’est peu dire, tant la concurrence fait rage sur le marché égyptien. "C’est vrai qu’al-Sissi a très bien joué sa partition. Quand il est en froid avec Washington, il se tourne davantage vers les Russes", ajoute le géopolitologue. La Russie s’est longtemps appuyée sur son allié égyptien du temps de Nasser pour contrebalancer au Moyen-Orient l’influence exercée par les Américains viaIsraël. Malgré le tournant pro-américain du Caire dans les années 1980, le pays reste un partenaire de premier ordre pour Moscou. Entre 2013 et 2017, l’armée égyptienne a acheté quarante-six avions de combat, des systèmes anti-aériens de type Buk-MI-2 et S-300 VM, et quarante-six hélicoptères d’attaque Ka-52.

Les Russes vont construire la première centrale nucléaire en Égypte

De surcroît, en 2019, Le Caire a acquis vingt-quatre Su-35. Cela n’avait pas manqué de provoquer l’ire des Américains. Pire, les deux pays ont de surcroît participé à des exercices militaires conjoints en mer Noire en 2020 et en Méditerranée en décembre dernier. "Le partenariat avec la Russie s’est renforcé ces dernières années avec le conflit libyen, où les deux pays partagent les mêmes vues", indique Roland Lombardi. Mais, au-delà de la Libye, Moscou et Le Caire coopèrent également dans le secteur agricole: la production russe représente près de 65% des besoins en céréales de l’Égypte. Dans le domaine énergétique, Rosneft est aussi présent dans l’exploitation de gisements de gaz offshore. Enfin, dans le nucléaire civil, les deux pays ont signé en 2017 un accord pour la construction de la première centrale nucléaire d’Égypte à Dabaa, ville située à l’ouest d’Alexandrie.
"L’Égypte est un gros marché, c’est le pays arabe le plus peuplé, avec 100 millions d’habitants. Elle dispose notamment de l’armée la plus sophistiquée. Elle a compris l’importance de diversifier ses partenaires pour ne pas être dans une dépendance géopolitique et économique", souligne le géopolitologue.
C’est ainsi que la France est aussi entrée dans la danse. Rien que sur la période 2010-2019, Le Caire a acheté pour plus de 7,7 milliards d’euros d’armes françaises. Outre l’achat des trente Rafale en mai dernier, qui devraient être livrés sur la période 2024-2026, "le package incluait également un satellite d’observation Pléiades, quatre radars Thales et deux ravitailleurs stratégiques A-330 MRTT d’Airbus EADS", précise le spécialiste du Moyen-Orient.
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Cet intérêt accru pour l’Égypte ne s’explique pas seulement pour des questions financières. Ce pays est aussi un très stratégique "pivot régional".
"Le Caire est à cheval sur plusieurs régions stratégiques: la bande sahélienne, le bassin nilotique, le Maghreb et le Moyen-Orient", précise Roland Lombardi.
Et le chef d’État égyptien en a bien conscience. D’où sa volonté de jouer de ses atouts pour faire monter les enchères auprès de la concurrence. "Le président Sissi est un maître de la realpolitik", conclut Roland Lombardi.
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