Inflation historique aux États-Unis: coup de pompe à la pompe pour Joe Biden

© REUTERS / Evelyn HocksteinJoe Biden prononce un discours à la Maison Blanche
Joe Biden prononce un discours à la Maison Blanche - Sputnik Afrique, 1920, 26.01.2022
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En baisse dans les sondages, en hausse sur les prix! L’Administration Biden ne maîtrise plus l’inflation. Les économistes libéraux Charles Gave et Philippe Herlin y voit le résultat logique d’une politique de fuite en avant monétaire.
Ces derniers mois, des autocollants peu flatteurs à l'effigie du président Biden ont fleuri dans les stations-service américaines. Ils ont été repérés en Géorgie, dans l'Ohio, ou dans l'Idaho. On y voit Biden pointer du doigt le prix de l'essence à la station en plastronnant: "J'ai fait ça!"
En cause, la hausse fulgurante du prix du carburant à la pompe: +58,1% en un an, selon l'office statistique du département du Travail. L’explosion est attribuée à l’actuel Président par ses adversaires, qui incriminent sa politique écologique. Dans le média The Hill, l’analyste conservatrice Liz Peek explique que l’Administration Biden a tout fait pour décourager la reprise du forage et de la production aux États-Unis. L’exécutif a annulé des pipelines, menacé les producteurs de pétrole et de gaz d’une augmentation des taxes, retiré des terres prometteuses de la liste des exploitations potentielles, comme la réserve naturelle de l'Arctique. En outre, le pouvoir a freiné des quatre fers sur l'octroi de baux et de permis de forage. Tout récemment, de nouvelles règles sur le méthane ont renchéri les coûts de forage… Bref, de quoi enrager les conducteurs de pick-up et autres camionneurs!

"Bidenflation"

Outre le coup de pompe à la pompe, les Américains subissent une inflation devenue préoccupante: 6,8% sur un an. Un record depuis 1982. Même en dehors des secteurs de l’énergie et de l’alimentation, la valse des étiquettes va bon train, à 4,9%. À titre d’exemple, le coût du logement a augmenté de 4,1%, tandis que celui des transports grimpait de 4,2%. L’ensemble de l’économie américaine est touché.
Les Américains imputent cette inflation à la Maison-Blanche. Au mois d’octobre, un sondage de Morning Consult Poll indiquait que 62% des électeurs pensent que la politique de Biden a provoqué cette hausse des prix. À tel point qu’un jeu de mots a fait florès: "bidenflation".
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Outre-Atlantique, le sujet est devenu délicat. Biden, sans doute un peu à fleur de peau à cause de sondages en berne, a injurié un journaliste de Fox News lorsque celui-ci lui a demandé s’il craignait que l’inflation puisse être un handicap politique pour les élections de mi-mandat à venir. "Non, c’est un très bon atout. Plus d’inflation", a répondu le Président sur un ton sarcastique. Avant d’ajouter: "Quel stupide fils de p*te!"
Pour l’économiste libéral Charles Gave, Joe Biden subit le contre-coup de politiques qui, selon lui, allaient inévitablement mener à des hausses de prix aussi spectaculaires.
"Biden et ses prédécesseurs ont créé un pouvoir d’achat non gagné. Sous leur impulsion, les États-Unis ont imprimé un tas de dollars, alors que l’appareil de production américain n’est pas dimensionné pour satisfaire cette demande", explique-t-il.
En effet, les augmentations massives des dépenses publiques au cours des deux dernières années ont été financées par la bonne vieille planche à billets. Or, plus d’argent imprimé signifie plus de dollars pour acheter pratiquement la même quantité de biens et de services, ce qui entraîne à échéance la hausse des prix que l’on déplore aujourd’hui, explique notre interlocuteur.
Sur l’ensemble des trois derniers exercices financiers, les dépenses fédérales ont bondi de près de 65%. Pour l'exercice 2019, le budget était d’environ 4.400 milliards de dollars. En 2020, puis en 2021, les dépenses sont passées respectivement à 6.600 milliards de dollars puis à 6.800 milliards de dollars, selon les chiffres officiels du gouvernement.

"Plan de sauvetage"

Or, toujours selon Charles Gave, comme le gouvernement emprunte davantage pour payer ses dépenses et que la Fed crée de l'argent pour racheter cette dette, le bilan de la Banque centrale a plus que doublé entre mars 2020 et novembre 2021. L'offre de dollars a augmenté de près de 40% au cours des deux dernières années. Un autre record battu par le successeur de Donald Trump.
Les démocrates sont coutumiers de ce type de fuite en avant. En son temps, face à la crise des subprimes, Obama avait abusé sans barguigner du quantitative easing (rachat de la dette publique par la Fed afin de réinjecter des liquidités dans l’économie). Mais la démarche a "pris des proportions gigantesques depuis le Covid-19", constate Charles Gave.

"Les politiques monétaires suivies par les États-Unis et l’Europe depuis dix ans sont profondément inflationnistes."

L’économiste fait notamment référence aux "plans de sauvetage" mis en place des deux côtés de l’Atlantique face à la pandémie de Covid-19. Aux États-Unis particulièrement, les dimensions des différents dispositifs dépassent le PIB de certains pays, comme l’Italie: 2.200 milliards en mars 2020, suivis d’un autre plan de 900 milliards en décembre 2020, précédant une "relance" de 1.900 milliards de dollars en mars 2021. La Fed a ainsi fait tourner la planche à billets à une vitesse vertigineuse afin d’assurer aux ménages une forme de continuité dans leur capacité de consommation. Et ce alors que la pandémie de Covid-19 paralysait l’activité économique réelle.
Des mesures justifiées par l’urgence pandémique, afin de permettre une reprise économique éclair et d’éviter une installation du chômage. Les États-Unis comptaient ainsi 6,4% de chômeurs en janvier 2021, contre seulement 3,9% douze mois plus tard.
Le problème est que cette générosité a un prix, explique Charles Gave. Et ce prix se paye sur le long terme.
"La particularité d’une politique inflationniste est qu’elle est durable. Il n’y a pas de retour à une moyenne stable", affirme-t-il.
Or "je ne connais pas dans l’histoire, un seul cas d’une inflation déclenchée par une banque centrale volontairement qui ait eu des effets heureux. L’idée que l’inflation est une bonne chose est une imbécillité", poursuit l’économiste.

Dévaluation du dollar et printemps arabes

Ce "court-termisme" catastrophique vaut aussi pour les Européens:
"Comme on fait la même connerie, le déficit de la France va se creuser aussi. Mais nous on ne peut pas dévaluer, car on dépend de l’euro. Donc ça veut dire que nos sociétés vont faire faillite, puisqu’elles vont être concurrencées par des sociétés qui ont des coûts plus bas, sans pouvoir ajuster. Aux États-Unis, on va vers l’inflation. Et, en Europe, on va vers la récession", prévient Charles Gave.
En effet, une inflation galopante aux États-Unis engendre des remous bien au-delà des frontières américaines. Notamment en raison de l’importance du dollar comme monnaie d’échange pour les matières premières, nous explique pour sa part Philippe Herlin. Ceux qui possèdent des matières premières "augmentent leurs prix lorsqu’ils voient la valeur du dollar diminuer", explique-t-il. Cela détériore automatiquement le pouvoir d’achat des Américains.
Pour les produits alimentaires, l’inflation américaine impacte considérablement les pays pauvres. Et Philippe Herlin de rappeler notamment l’exemple des printemps arabes: avant que ces révolutions n’éclatent, l’indice mondial des prix alimentaires (mesure de la variation mensuelle des prix internationaux d’un panier de produits alimentaires de base) était passé de 188 en 2010 à 230 en 2011, le plus haut niveau jamais atteint. Notamment, le prix du maïs avait flambé (+63%) ainsi que le cours du blé, un élément essentiel de l'alimentation quotidienne au Moyen-Orient (+84%).
"Les premières manifestations ont débuté à un moment où les matières premières grimpaient. C’étaient des émeutes de la faim. On ne va pas réduire les printemps arabes au prix du blé, mais c’est un élément qui a compté", observe Philippe Herlin.
Cet embrasement a conduit à bien des déstabilisations… Et par ricochet à plusieurs interventions militaires américaines à travers la région.
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