À Paris, création du prix Oscar Rabine, peintre anticonformiste, pour les jeunes artistes
© Photo Oscar Rabine / La Nativité à Barbès, 1986, huile sur toile, 100 x 81 cm Oscar Rabine. La Nativité à Barbès, 1986, huile sur toile, 100 x 81 cm
© Photo Oscar Rabine / La Nativité à Barbès, 1986, huile sur toile, 100 x 81 cm
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La soirée à la mémoire d’Oscar Rabine, peintre soviétique, a été l’occasion d’annoncer la création d’un prix au nom de l’artiste anticonformiste décédé en 2018. Les fondateurs de l’association à l’origine du prix ont partagé leurs plans avec Sputnik.
"Je grandirai toujours par la gloire qui me suivra", écrivit Horace. Cet antique manifeste artistique a trouvé un écho ce 25 janvier dans l’annonce faite lors de la soirée à la mémoire du peintre russo-français Oscar Rabine. À la résidence de l’ambassadeur de Russie à Paris, les organisateurs ont annoncé la création d’un prix portant le nom de l’artiste, devant des représentants du milieu culturel français et des membres du corps diplomatique russe.
"Créée en janvier 2019, l’association Oscar Rabine a pour vocation de mettre en place un prix à son nom pour les jeunes créateurs. Nous espérons réunir sous cette égide des artistes qui adhèrent à sa vision de la liberté, un point cardinal de sa peinture et de sa vie", explique à Sputnik Tatiana Lysak-Polishchuk, la veuve de l’artiste.
Impossible de confondre la peinture d’Oscar Rabine avec une autre. Cet artiste, classé –pour simplifier les choses– parmi les non-conformistes, a trouvé un style particulier pour révéler l’image de la Russie.
Ses peintures sont remplies de symboles du quotidien: les objets de la vie de tous les jours sont mis au premier plan de la toile. Entre poissons, journaux, chats ou violons qui sautent aux yeux, on devine tout à coup la silhouette d’un loup. Ce thème de la meute de loups, silencieuse et immobile, présente au fond de la toile et scrutant le spectateur, a un lien direct avec la biographie de l’artiste.
Un peintre poussé à l’exil
La symbolique du loup n’est en effet pas due au hasard. Dans l’URSS des années 1970, tous les jeunes artistes regroupés autour d’Oscar Rabine qui ne voulaient pas s’inscrire dans l’esthétique du réalisme socialiste, courant artistique dominant à l’époque, étaient en permanence surveillés par les services de sécurité intérieure. Pour ces peintres, souvent accusés de "formalisme dans l’art", exposer leurs œuvres était quasi-impossible.
"Aujourd’hui, on qualifie Oscar Rabine “de légende, de maître de l’art russe”. Mais nous le connaissions comme un homme d’une modestie intérieure, d’une gentillesse et d’une humanité incroyables. En même temps, il était un combattant infatigable pour la liberté de création et d’expression de soi. Ses œuvres reflètent la tragédie de son parcours créatif. Ce sont des preuves éclatantes de ce que l’artiste a vécu", a déclaré Alexeï Mechkov, ambassadeur russe en France, dans son allocution.
Le 15 septembre 1974 a marqué un point de bascule dans le destin du peintre. Dans la capitale soviétique, une exposition en plein air de jeunes artistes d’avant-garde, dont Oscar Rabine était l’un d’organisateurs, a été démantelée dix minutes après son installation à coup de bulldozers et d’engins de nettoyage. Entré dans les annales de l’histoire de l’art underground au temps de l’URSS sous le nom d’"Exposition Bulldozer", cet événement a constitué le premier pas du peintre vers un exil forcé.
15 сентября 1974 в Москве состоялась "Бульдозерная выставка" - нашумевшая выставка картин художников-авангардистов. pic.twitter.com/59EcQmZaEa
— Павел Князев (@knyazpavel) September 15, 2016
En 1978, le peintre a été privé de sa citoyenneté soviétique. Le chef de longue date du groupe d’artistes non conformistes de Moscou a ainsi été sanctionné "pour actions incompatibles avec le statut de citoyen de l’URSS".
Accueilli par la France
"Quand on me demande si je pense être un artiste russe ou français, je réponds: soviétique", soulignait Oscar Rabine dans une interview donnée à l’occasion de la grande exposition rétrospective, "Born in the USSR. Made in France", de 2010. Mais, au fil des ans, Paris est pleinement devenu l’atelier de l’artiste.
Oscar Rabin - Nature morte d'immigrant (1990). pic.twitter.com/WSRWEpNqSQ
— Mordecai (@MenschOhneMusil) November 8, 2018
Tout comme à Moscou, Oscar Rabine ne s’intéresse pas à la façade de la cité. Son Paris n’est ni la Ville lumière qui ravit les touristes ni une banlieue ouvrière. C’est un Paris ordinaire, peint avec amour, toujours dans son propre style néo-expressionniste.
En 2006, grâce à l’intervention auprès de Vladimir Poutine d’Alexandre Avdeev, alors ambassadeur de Russie en France, Moscou restitue au peintre son passeport russe. Et il fait son retour artistique tant attendu dans sa patrie. Une véritable consécration, avec une exposition au musée moscovite des Beaux-arts Pouchkine, une rétrospective à la Galerie Tretiakov, des œuvres graphiques à la Maison moscovite de la photographie, qui ont attiré des milliers d’amateurs d’art. Aujourd’hui, grâce à l’association parisienne, un espace d’exposition accueille une partie de son œuvre à Saint-Pétersbourg:
"Cette salle porte le nom d’Art Prostranstvo (Espace d’art). À l’avenir, nous pensons commémorer plusieurs dates marquantes liées à Oscar Rabine et au groupe de peintres “Lianozovo”, dont il était l’inspirateur, à tout l’art des années 1960-70", précise au micro de Sputnik Igor Tsukanov, collectionneur.
"Le message de mes œuvres, c’est refléter la vie. La vie qui m’entoure", a déclaré Oscar Rabine à l’occasion d’une grande exposition en septembre 2018 à Ajaccio, quelque mois avant sa mort. L’impulsion donnée par le maître non-conformiste s’incarne dans les projets artistiques autour de son nom. La vie continue.
Une vrai fête pour fêter les 90 ans d’Oscar Rabine pic.twitter.com/kWNasivenX
— Oxana_Sputnik (@kastor_sputnik) March 22, 2018