Coup d'État au Burkina Faso: "soulagement" de la rue, mais pas de blanc-seing aux militaires

© REUTERS / Vincent BadoCoup d'État au Burkina Faso
Coup d'État au Burkina Faso  - Sputnik Afrique, 1920, 25.01.2022
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Place de la Nation à Ouagadougou et dans plusieurs autres grandes villes, ils sont des milliers à s’être rassemblés pour exprimer leur soutien à la junte militaire qui a mis fin au pouvoir de Roch Kaboré. Et désormais, leurs espoirs et attentes reposent sur ces nouveaux hommes forts du pays, qui ne disposent pas pour autant d'un blanc-seing.
"Nous nous sommes retrouvés place de la Nation pour manifester notre immense joie. Il est vrai qu’un coup d’État n’est pas à saluer, mais dans ce cas précis, il faut se le dire, c’est un coup d’État salvateur", exulte Valentin Yambkoudougou, porte-parole du mouvement citoyen "Sauvons le Burkina Faso", interviewé par Sputnik.
La veille déjà, dans la foulée de la déclaration télévisée de la junte annonçant le renversement du Président Roch Kaboré, il y a eu des rassemblements spontanés de plusieurs dizaines de personnes en liesse, notamment place de la Nation et devant les locaux de la télévision nationale. Et les rues de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et d’autres villes retenti des klaxons des deux-roues et autres démonstrations de joie.
"Pour nous qui appelions depuis plusieurs mois à la démission du Président Kaboré, et dont les manifestations ont toujours été dispersées dans la violence, avec nos droits élémentaires bafoués, cette action de ces militaires qui ont décidé de prendre leurs responsabilités, est un soulagement. Aujourd’hui nous avons pu occuper la place de la Nation sans autorisation et surtout sans être inquiétés, une telle liberté n’était plus possible depuis longtemps", poursuit Valentin Yambkoudougou.
Le soulagement exprimé par l'activiste ne veut pas dire que les militaires ont un blanc-seing de la part de la population, estime-t-il.
"Ceci étant, il nous reste, à nous autres citoyens, de suivre ces militaires pour voir si et comment ils vont se mettre à la tâche pour permettre aux Burkinabè de jouir de la liberté dont ils étaient privés sous le régime de Roch Kaboré, mais aussi et surtout de retrouver la sécurité et l’intégrité de leur territoire", conclut Valentin Yambkoudougou.
En attendant, au rang de leurs premières actions, les putschistes ont rétabli la connexion Internet qui était plus ou moins suspendue depuis le 10 janvier.

Fer de lance de la contestation

Ces derniers mois, "Sauvons le Burkina Faso" est la plateforme de la société civile qui aura véritablement fait figure de poil à gratter pour le gouvernement burkinabè, en organisant plusieurs manifestations.
"Cela faisait longtemps que le peuple burkinabè en avait ras-le-bol de la gouvernance catastrophique de ses dirigeants et recherchait des gens courageux pour le sortir d’affaire. Les partis politiques d’opposition ne jouaient plus leur rôle, de même que la société civile qui restait passive. Et pendant ce temps, les populations continuaient de mourir, de se déplacer par milliers vers des zones plus sûres. Nous avons donc décidé de prendre notre courage à deux mains, sachant pertinemment les risques encourus. Toutes ces années, Roch Kaboré a enchaîné les changements, tant au sein de l’armée que du gouvernement, mais sans résultats significatifs. Après analyse, nous sommes arrivés à la conclusion implacable que c’était lui le véritable problème. Alors nous avons décidé d’exiger son départ", explique Valentin Yambkoudougou.
Le 16 novembre dernier, soit seulement deux jours après l’attaque sanglante d’Inataau cours de laquelle 53 gendarmes (pire revers jamais enregistré par l’armée) et 4 civils ont péri, le mouvement a initié une première marche à Ouagadougou pour réclamer la démission du Président.
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Celle-ci fut suivi le 27 novembre d’une autre -dont le chef de l’État Roch Kaboré avait expressément demandé dans une adresseà la Nation à surseoir, sans succès- qui a concerné plusieurs villes et rassemblé plusieurs milliers de personnes à travers le pays.
"Les manifestations du 27 novembre ont été violemment réprimées. Plusieurs de nos compagnons ont été arrêtés avant d’être libérés les jours suivants. Mais le message de notre détermination est parvenu aux autorités", poursuit le militant.
Le 22 janvier, soit quelques heures avant le début du putsch, le mouvement a initié de nouvelles marches, cette fois en soutien aux forces de défense et de sécurité, engagées dans la lutte contre les groupes armés terroristes à travers le pays. Interdite par les autorités, ces manifestations ont également été dispersées et plusieurs personnes interpellées.

Une nouvelle ère

Épilogue d’un mouvement initié dans la nuit du 22 au 23 janvier, tantôt présenté par le gouvernement burkinabè comme une mutinerie, un groupe de militaires a solennellement annoncé à la télévision nationale, en début de soirée du 24 janvier, avoir renversé Roch Kaboré, au pouvoir depuis décembre 2015.
Ces militaires, qui se sont présentés sous la bannière du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), ont également annoncé la suspension de la Constitution, ainsi que la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement.
Le MPSR est présidé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce dernier, qui était depuis sa nomination en décembre par décret présidentiel le commandant de la troisième région militaire, est désormais le nouvel homme fort du Burkina Faso.
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Plusieurs organisations africaines et internationales ont d’ores et déjà condamné ce coup d’État, appelant les militaires à retourner dans les casernes et à privilégier le dialogue avec les autorités.
Actuellement, le Président déchu Roch Kaboré se trouve entre les mains des militaires. Et pendant ce temps, d’après ce qu’a affirmé une source sécuritaire à Sputnik, Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major particulier de l’ancien Président Blaise Compaoré, accusé d’avoir commandité le putsch manqué de septembre 2015, aurait été tiré de sa geôle par la junte.
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