Le français condamné à disparaître au Québec? "Nous avons raté la fenêtre historique qui s’ouvrait"

CC BY 2.0 / Abdallahh / Montréal
Montréal - Sputnik Afrique, 1920, 21.01.2022
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Selon des projections, en 2022, le français continuera son déclin au Québec au profit de l’anglais. Frédéric Lacroix, spécialiste de la question linguistique, déplore le manque de volonté du gouvernement Legault pour redresser la situation.
Cette année sera-t-elle fatidique pour la langue française au Québec? Si la tendance se maintient, le français continuera à reculer dans la Belle Province, et particulièrement à Montréal, avertit Frédéric Lacroix, chercheur indépendant et spécialiste de la question linguistique.
Au micro de Sputnik, il fustige "l’effritement de l’illusion nationaliste de la Coalition Avenir Québec", le parti au pouvoir dans cette province:
"Il y a urgence. Ce n’est pas 2022 ou rien, mais la tendance va nous rattraper. […] Malheureusement, le gouvernement Legault ne veut rien faire de structurant pour la survie du français. Avec la loi sur la laïcité, le Premier ministre Legault avait haussé les attentes des nationalistes, mais la parenthèse va se refermer."
Au Québec, le poids des francophones n’était jamais descendu sous les 80% depuis 1871, alors qu’il se retrouve à moins de 78% aujourd’hui. Dans quinze ans, ils devraient représenter 69% de la population d’après les pronostics que le chercheur a compilés dans son ouvrage Pourquoi la Loi 101 est un échec (Boréal, 2020), qui a reçu le prix du livre politique de l’Assemblée nationale.

Les étudiants anglophones, nouvel angle mort du gouvernement Legault?

Pour Frédéric Lacroix, la survie de la langue de Molière est sérieusement menacée par le refus du gouvernement Legault d’étendre la Loi 101 dans les établissements d’enseignement collégial. Au cégep (collège d’enseignement général et professionnel)*, l’application de la Loi 101 (Charte de la langue française) obligerait les francophones et allophones à faire leurs études préuniversitaires en français, alors qu’ils sont toujours plus nombreux à se tourner vers des institutions anglaises. Le gouvernement a entrepris de réformer la loi mais les changements sont "cosmétiques", selon notre intervenant ainsi que plusieurs analystes.
"En 2018, sur l’île de Montréal, le nombre de diplômes d’études collégiales remis par les cégeps anglais a franchi le seuil historique de 52% du total", peut-on lire dans une lettre d’enseignants adressée ce 18 janvier au ministre québécois de l’Éducation, Jean-François Roberge.
((citation))
"Nous avons raté la fenêtre historique qui s’ouvrait. […] La Loi 101 au cégep serait une mesure minimaliste, alors si le gouvernement Legault n’est pas prêt à la prendre, c’est une indication qu’il n’est pas prêt à faire grand-chose. Il y a un débat assez intense sur cette question à l’intérieur du gouvernement, mais il semble terminé", se désole Frédéric Lacroix.
L’accueil d’étudiants étrangers dans les collèges et universités est aussi devenu un des principaux vecteurs d’anglicisation, précise notre interlocuteur. Il vient de publier sur cette question le livre Un libre choix? (Éd. du Mouvement Québec français).
Les impacts linguistiques de cette situation seraient largement sous-estimés par Québec:
"Le gouvernement Legault finance l’anglicisation du Québec en surfinançant les cégeps et les universités anglophones. C’est une politique suicidaire. […] Et grâce au gouvernement fédéral, plusieurs immigrés temporaires qui choisissent l’anglais se convertissent en immigrés permanents", avance le chercheur.
En 2018, le scrutin provincial qui a débouché sur l’élection de François Legault avait porté en grande partie sur l’immigration et la laïcité, et la prochaine, en octobre 2022, concernera surtout son bilan en matière de santé publique.
La crise sanitaire risque d’éclipser la problématique de la francophonie, déplore Frédéric Lacroix:
"Il y a une espèce d’hypnose collective qui est délétère pour la vie démocratique. Pendant ce temps, il y a plein de choses importantes dont on ne débat plus, comme la question linguistique", conclut-il.
*Dans le système d’éducation québécois, ce sont les études supérieures qui suivent les études secondaires et précèdent l’université.
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