Russie hors du SWIFT: le "dernier recours" ou une "balle dans le pied" du business européen?

© AFP 2024 JACQUES COLLETUn logo de SWIFT, image d'illustration
Un logo de SWIFT, image d'illustration  - Sputnik Afrique, 1920, 16.01.2022
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En cas de déconnexion de la Russie du SWIFT, cela provoquerait de gros problèmes pour l’économie de l’Occident, selon le chef du comité oriental de l’économie allemande. Ce scénario serait une "balle dans le pied" des entreprises européennes, confie à Sputnik un homme d’affaires et ancien diplomate français à Moscou.
Dans une interview au magazine d’affaires Wirtschaftswoche publiée ce 12 janvier, le chef du comité oriental de l’économie allemande, Oliver Hermes, parle des perspectives de la coopération économique avec la Russie, dont le futur risque d’être assombri par une nouvelle escalade de tensions géopolitiques.
La menace de débrancher la Russie du réseau SWIFT figure de nouveau parmi les sanctions antirusses.
La mesure pourrait devenir problématique non seulement pour Moscou et des banques et entreprises russes, mais aussi pour des acteurs économiques occidentaux, indique Oliver Hermes.
"La Russie est intégrée dans l’économie mondiale de manière beaucoup plus importante que par exemple l’Iran. C’est pourquoi une déconnexion du SWIFT causera de gros problèmes pour nos marchés également", répond le chef du comité à la question de Wirtschaftswoche qui voulait savoir si la déconnexion du SWIFT pourrait être le dernier recours en matière de sanctions économiques.
Des problèmes qui pourraient coûter des milliards de dollars pour les institutions financières occidentales, en premier lieu celles avec des intérêts économiques en Russie, et favoriser le rapprochement ultérieur entre Moscou et Pékin.
"Nous n’en tirerons aucun bénéfice", constate Oliver Hermes.

Comment faire remonter les profits?

Le point de vue du représentant du monde des affaires allemand est partagé par Philippe Pegorier, installé à Moscou depuis une dizaine d’années, actuellement partenaire de la société de conseil Kesarev et correspondant de Medef International en Russie, ancien PDG d’Alstom en Russie et diplomate.
Au micro de Sputnik, Philippe Pegorier met en avant le volume de fonds européens placés en Russie et qui se retrouverait isolé si le pays est exclu du réseau SWIFT.
"En termes d’investissements étrangers et de présence d’entreprises internationales, la Russie n’est sans doute pas l’Iran. En cas de débranchement du SWIFT, toutes les succursales des sociétés européennes qui réalisent en Russie des projets se fondant sur des investissements de 310 milliards d’euros risqueraient d’être débranchées elles-mêmes. Pour le monde international des affaires, un tel scénario serait comme se tirer une balle dans le pied", selon M.Pegorier.
Sans le SWIFT, comment les compagnies européennes vont-elles faire remonter les profits à leur maison-mère, se demande l’homme d’affaires français.

Une "déconnection reste très peu probable "

Au micro de Sputnik, un homme d’affaires français travaillant au développement des investissements européens en Russie, qui voudrait garder l’anonymat, ne voit pas non plus l'avantage d’un tel isolement économique de la Russie. Ni pour l’Europe, ni pour les États-Unis.

"Débrancher la Russie aurait un impact immédiat sur les potentiels investisseurs étrangers, notamment européens. Cela pénaliserait également tous les investisseurs déjà présents. Les grands perdants seraient les investisseurs européens et les échanges économiques russo-européens. La Russie se tournerait sans aucun doute encore plus vers la Chine, l’Inde et les Émirats qui peuvent proposer d’autres systèmes de financement interbancaire", dit-il.

Dans le même temps, selon ce Français vivant à Moscou, l’économie russe serait finalement peu ébranlée, car le pays développerait et utiliserait de nouveaux systèmes interbancaires, notamment pour pouvoir assurer le paiement des importations de produits énergétiques russes.
Par contre, l’Europe perdrait encore des parts de marché en Russie.

"Mais une telle déconnection reste très peu probable car elle aurait aussi pour conséquences, pour le Trésor américain, une grosse perte d’informations que le système SWIFT lui apporte actuellement et qu’il n’aurait plus si d’autres systèmes nationaux ou décentralisés étaient privilégiés", conclut notre interlocuteur.

La position de la société SWIFT

Ce n’est pas la première fois que Moscou est menacé de débranchement du réseau SWIFT. En 2014, après la réunification de la Crimée à la Russie, cette sanction avait déjà été sérieusement discutée par l’Occident.
Sauf que cette société coopérative de droit belge, qui depuis 1977 offre ses services financiers et interbancaires, préfère ne pas quitter le champ purement économique de ses activités pour se distancier des problèmes politiques.
Dans son communiqué du 6 octobre 2014, la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication a regretté une "pression politique" visant à imposer la déconnexion de son réseau de la Russie et d’Israël ainsi que les spéculations médiatiques concernées. La société a rappelé son caractère neutre et s’est dite prête à "ne pas répondre aux appels individuels et pressions" en dehors de la législation de l’UE.
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