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"Il est où, l’espion français?": traqué par les Talibans, cet auxiliaire afghan a vécu l’enfer
"Il est où, l’espion français?": traqué par les Talibans, cet auxiliaire afghan a vécu l’enfer
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Sur fond de crise humanitaire et sécuritaire, des milliers d’Afghans tentent de rejoindre l’Iran. Auxiliaire afghan ayant travaillé pour l’armée française... 12.01.2022, Sputnik Afrique
2022-01-12T17:02+0100
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Ahmad*, auxiliaire afghan ayant aidé la France durant ses années d’engagement contre les Talibans**, peut respirer. Traqué depuis le départ chaotique des forces américaines et la prise de pouvoir par les "étudiants en religion" au mois d’août, il est finalement sorti de Kaboul.Comme lui, ils sont des milliers à tenter de quitter l’Afghanistan chaque jour pour échapper au joug des Talibans** ou à la catastrophe humanitaire qui frappe le pays. Selon le bureau de coordination humanitaire des Nations unies, la moitié de la population est aujourd’hui confrontée à une faim aiguë, plus de neuf millions de personnes ont été déplacées et des millions d’enfants ne sont pas scolarisés.Au mois d’août, Ahmad* avait déjà tenté de s’échapper avec sa famille. C’était au cours de la grande débandade, à l’arrivée des Talibans*. Mais dans le chaos ambiant, cette tentative s’était soldée par un échec. S’il avait pu s’échapper un temps de la capitale, il avait dû revenir auprès de sa famille courant septembre."Ils ont menacé de tuer ma famille"Seulement, à son retour, Ahmad* découvrit une lettre officielle de l’Émirat islamique d’Afghanistan lui enjoignant de se rendre à la direction de sécurité du 2e district de Kaboul, à la suite d’une plainte d’un certain Mohammad Hamed. Le document, auquel Sputnik a eu accès, ne précise aucun motif.Pas de doute cependant: malgré l’amnistie promise par les nouveaux maîtres de l’Afghanistan, Ahmad* avait toujours une cible sur sa tête: les Talibans** le considéraient comme un traître pour avoir travaillé avec la France. Ce père de famille avait longtemps été chauffeur et interprète pour l’armée française, l’Otan et des entreprises françaises. Il leur avait également loué des véhicules à de nombreuses reprises."Après avoir reçu la lettre des Talibans**, je me suis enfui de chez moi et les membres de ma famille sont restés à la maison", explique-t-il. Trois autres lettres sont alors envoyées à son domicile. Sans réponse à ces convocations, les nouvelles autorités se sont rendues chez lui.Ce jour-là, après de longues négociations, la famille d’Ahmad* assure qu’ils le dénonceraient dès qu’il serait de retour. "C’était la seule manière de les faire partir", explique Ahmad* qui dit comprendre la réaction de sa famille. "Ils ont fini par s’en prendre à ma maison et aux membres de ma famille, détruisant nombre de mes biens et en emportant quelques-uns", ajoute l’ancien chauffeur des forces armées françaises.Après cette perquisition musclée, "les membres de ma famille sont immédiatement partis de mon domicile", raconte-t-il. "Aussitôt, avec l’aide d’un ami pachtoune [ethnie majoritaire chez les Talibans**, ndlr], j’ai vendu ma maison et ma voiture.""J’ai payé un bakchich"Dans un Afghanistan fragmenté, l’ethnie est encore centrale. Issu des minorités tadjike et panshirie, Ahmad* n’est guère l’égal de ses concitoyens pachtounes. Surtout qu’il a de la famille originaire de la vallée du Panshir, d’où viennent Ahmad* Chah Massoud et son fils, ennemis mortels des talibans*.Avec ce qu’il a touché de la vente de sa maison et de sa voiture, Ahmad* a désespérément tenté d’obtenir un visa pour l’Iran, première étape avant de se rendre en France, son objectif final. L’ambassade iranienne a d’abord refusé par trois fois ses demandes de visa. En effet, l’Iran, qui partage une frontière de plus de 900 kilomètres avec l’Afghanistan, accueille déjà environ 800.000 Afghans sur son sol. Beaucoup tentent d’ailleurs de s’y rendre sans visa. Face à cette pression migratoire, une délégation talibane menée par le ministère des Affaires étrangères afghan s’est rendue à Téhéran ce 8 janvier pour discuter de cette crise, une première depuis la prise du pouvoir par les islamistes.Dans ce contexte, Ahmad* a tout de même préféré passer par les canaux légaux et l’ambassade plutôt que d’emmener sa famille sur les routes périlleuses de l’exil. Notre interlocuteur s’en est donc remis à l’une des seules façons de faire avancer les choses en Afghanistan: il a payé.Une fortune pour les sept membres de cette famille, Ahamd compris. À titre de comparaison, en 2019, alors que la situation économique était bien meilleure, le revenu mensuel moyen par habitant en Afghanistan s’élevait à 38,7 euros, soit 466 euros par an. C’est dire l’effort financier auquel a consenti le père de famille. Son pari s’est toutefois avéré payant, puisque l’ex-chauffeur a pu obtenir des visas pour l’Iran pour toute sa famille. Ainsi ont-ils pu se rendre le 23 décembre 2021 à l’aéroport de Kaboul pour s’envoler vers l’Iran:La plainte des nouveaux organes de sécurité à son encontre n’était pas encore remontée jusqu’aux autorités aéroportuaires, lui permettant ainsi de passer entre les gouttes et de fuir vers Téhéran. Avec la peur au ventre jusqu’au décollage.Arrivé en Iran, Ahmad* a loué un logement, le temps d’organiser son voyage en France. Il espère toujours y trouver une terre d’accueil après les services qu’il a rendus à ses armées. Ses "amis français" comme il les appelle, des agents des services de renseignement, lui ont promis qu’il était "sur la liste" et qu’il pourrait se rendre avec sa famille à l’ambassade de France de Téhéran lorsqu’il sera convoqué. Désormais, sa famille et lui attendent, enthousiastes et finalement en sécurité.*Le prénom a été modifié.**Les talibans sont une organisation terroriste interdite en Russie.
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"Il est où, l’espion français?": traqué par les Talibans, cet auxiliaire afghan a vécu l’enfer
Sur fond de crise humanitaire et sécuritaire, des milliers d’Afghans tentent de rejoindre l’Iran. Auxiliaire afghan ayant travaillé pour l’armée française, Ahmad* raconte comment, contre vents et marées, il a réussi à atteindre Téhéran. Récit.
"Avec l’aide d’un de mes amis qui est étudiant en Iran, j’ai finalement pu partir d’Afghanistan et louer une maison pour ma famille dans le nord de Téhéran, en attendant d’aller en France."
Ahmad*, auxiliaire afghan ayant aidé la France durant ses années d’engagement contre les Talibans**, peut respirer.
Traqué depuis le départ chaotique des forces américaines et la prise de pouvoir par les "étudiants en religion" au mois d’août, il est finalement sorti de Kaboul.
Comme lui, ils sont des milliers à tenter de quitter l’Afghanistan chaque jour pour échapper au joug des Talibans** ou à la
catastrophe humanitaire qui frappe le pays. Selon le bureau de coordination humanitaire des Nations unies, la moitié de la population est aujourd’hui confrontée à une faim aiguë, plus de neuf millions de personnes ont été déplacées et des millions d’enfants ne sont pas scolarisés.
Au mois d’août, Ahmad* avait déjà tenté de s’échapper avec sa famille. C’était au cours de la grande débandade, à l’arrivée des Talibans*. Mais dans le chaos ambiant, cette tentative s’était soldée par un échec. S’il avait pu s’échapper un temps de la capitale, il avait dû revenir auprès de sa famille courant septembre.
"Ils ont menacé de tuer ma famille"
Seulement, à son retour, Ahmad* découvrit une lettre officielle de l’Émirat islamique d’Afghanistan lui enjoignant de se rendre à la direction de sécurité du 2e district de Kaboul, à la suite d’une plainte d’un certain Mohammad Hamed. Le document, auquel Sputnik a eu accès, ne précise aucun motif.
Pas de doute cependant: malgré l’amnistie promise par les nouveaux maîtres de l’Afghanistan, Ahmad* avait toujours une cible sur sa tête: les Talibans** le considéraient comme un traître pour avoir travaillé avec la France. Ce père de famille avait longtemps été chauffeur et interprète pour l’armée française, l’Otan et des entreprises françaises. Il leur avait également loué des véhicules à de nombreuses reprises.
"Après avoir reçu la lettre des Talibans**, je me suis enfui de chez moi et les membres de ma famille sont restés à la maison", explique-t-il. Trois autres lettres sont alors envoyées à son domicile. Sans réponse à ces convocations, les nouvelles autorités se sont rendues chez lui.
"Les Talibans** sont arrivés chez moi et ont demandé: “il est où l’espion français?” Ils ont menacé de tuer ma famille s’ils ne me livraient pas aux autorités talibanes", affirme-t-il dans un français approximatif.
Ce jour-là, après de longues négociations, la famille d’Ahmad* assure qu’ils le dénonceraient dès qu’il serait de retour. "C’était la seule manière de les faire partir", explique Ahmad* qui dit comprendre la réaction de sa famille. "Ils ont fini par s’en prendre à ma maison et aux membres de ma famille, détruisant nombre de mes biens et en emportant quelques-uns", ajoute l’ancien chauffeur des forces armées françaises.
Après cette perquisition musclée, "les membres de ma famille sont immédiatement partis de mon domicile", raconte-t-il. "Aussitôt, avec l’aide d’un ami pachtoune [ethnie majoritaire chez les Talibans**, ndlr], j’ai vendu ma maison et ma voiture."
Dans un Afghanistan fragmenté, l’ethnie est encore centrale. Issu des minorités tadjike et panshirie, Ahmad* n’est guère l’égal de ses concitoyens pachtounes. Surtout qu’il a de la famille originaire de la vallée du Panshir, d’où viennent Ahmad* Chah Massoud et son fils, ennemis mortels des talibans*.
Avec ce qu’il a touché de la vente de sa maison et de sa voiture, Ahmad* a désespérément tenté d’obtenir un visa pour l’Iran, première étape avant de se rendre en France, son objectif final. L’ambassade iranienne a d’abord refusé par trois fois ses demandes de visa. En effet, l’Iran, qui partage une frontière de plus de 900 kilomètres avec l’Afghanistan, accueille déjà environ
800.000 Afghans sur son sol.
Beaucoup tentent d’ailleurs de s’y rendre sans visa. Face à cette pression migratoire, une délégation talibane menée par le ministère des Affaires étrangères afghan s’est rendue à Téhéran ce 8 janvier pour discuter de cette crise, une première depuis la prise du pouvoir par les islamistes.
Dans ce contexte, Ahmad* a tout de même préféré passer par les canaux légaux et l’ambassade plutôt que d’emmener sa famille sur les routes périlleuses de l’exil. Notre interlocuteur s’en est donc remis à l’une des seules façons de faire avancer les choses en Afghanistan: il a payé.
"J’ai payé un bakchich [pot-de-vin en arabe, ndlr] à quelqu’un que je connais, qui connait quelqu’un à l’ambassade, pour pouvoir avoir mon visa. Pour ma famille et moi, j’ai payé 300 euros par personne."
Une fortune pour les sept membres de cette famille, Ahamd compris. À titre de comparaison, en 2019, alors que la situation économique était bien meilleure,
le revenu mensuel moyen par habitant en Afghanistan s’élevait à 38,7 euros, soit 466 euros par an. C’est dire l’effort financier auquel a consenti le père de famille. Son pari s’est toutefois avéré payant, puisque l’ex-chauffeur a pu obtenir des visas pour l’Iran pour toute sa famille. Ainsi ont-ils pu se rendre le 23 décembre 2021 à l’aéroport de Kaboul pour s’envoler vers l’Iran:
"J’avais très peur. Heureusement j’avais les visas iraniens, donc nous sommes passés", se souvient-il.
La plainte des nouveaux organes de sécurité à son encontre n’était pas encore remontée jusqu’aux autorités aéroportuaires, lui permettant ainsi de passer entre les gouttes et de fuir vers Téhéran. Avec la peur au ventre jusqu’au décollage.
Arrivé en Iran, Ahmad* a loué un logement, le temps d’organiser son voyage en France. Il espère toujours y trouver une terre d’accueil après les services qu’il a rendus à ses armées. Ses "amis français" comme il les appelle, des agents des services de renseignement, lui ont promis qu’il était "sur la liste" et qu’il pourrait se rendre avec sa famille à l’ambassade de France de Téhéran lorsqu’il sera convoqué. Désormais, sa famille et lui attendent, enthousiastes et finalement en sécurité.
*Le prénom a été modifié.
**Les talibans sont une organisation terroriste interdite en Russie.