La communauté chrétienne palestinienne entre le marteau israélien et l’enclume de l’islamisme

© Photo Pixabay / Buecherwurm_65Jérusalem
Jérusalem  - Sputnik Afrique, 1920, 10.01.2022
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La population chrétienne en Palestine se réduit comme peau de chagrin. Le clergé reproche aux Israéliens de vouloir les chasser de Jérusalem. Entre l’occupant israélien et l’islamisme rampant de la société, la communauté chrétienne est prise en étau.
"Notre présence à Jérusalem est menacée". À l’occasion du Noël orthodoxe, Theophilos III, le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, a averti la communauté internationale des risques qui pèsent sur sa communauté.
"Nos églises sont menacées par des groupes marginaux radicaux israéliens. Aux mains de ces extrémistes sionistes, la communauté chrétienne de Jérusalem souffre énormément", a-t-il ajouté. Les différentes Églises de Jérusalem font en effet état d’une recrudescence d’actes de vandalisme. Les bâtiments religieux sont tagués ou dégradés et les croyants sont humiliés verbalement et physiquement.
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Jérusalem-Est a été annexé par les troupes israéliennes lors du conflit de 1967. À l’exception des États-Unis, aucun pays n’a reconnu cette annexion. Depuis, la communauté chrétienne palestinienne se réduit comme peau de chagrin. Ils ne sont plus qu’environ 2.000 âmes dans la ville trois fois sainte et 47 000 sur l'ensemble du territoire. À titre de comparaison, les chrétiens représentaient à peu près 10% de la population de la Palestine avant la création de l’État hébreu en 1948, soit environ 150 000 personnes.

Judaïser Jérusalem

L’étiolement de la population chrétienne palestinienne s’expliquerait en partie par les politiques de judaïsation de l’espace public. "Les chrétiens sont aujourd’hui considérés comme des intrus", explique Tigrane Yégavian, auteur de Minorités d’Orient(Éd. du Rocher).
"Aujourd’hui, la question chrétienne se centralise sur Jérusalem, lieu très exigu. Les autorités israéliennes veulent mettre la main sur le foncier détenu par les Églises. De riches d’hommes d’affaires juifs rachètent par des moyens financiers opaques de nombreux terrains", souligne-t-il au micro de Sputnik.
Le clergé de Jérusalem alerte sur ce phénomène de rachat de terres depuis plusieurs années. Le 13 décembre, dans une tribune commune, les évêques des différentes églises présentes en Palestine ont affirmé que "des groupes radicaux continuent d’acquérir des biens immobiliers stratégiques dans le quartier chrétien, dans le but de faire baisser la proportion de chrétiens". Ce à quoi le ministre israélien des Affaires étrangères a rétorqué que ces accusations étaient "sans fondement et déforment la réalité de la communauté chrétienne en Israël".
Mais cette acquisition de biens fonciers est bien réelle. En 2019, les autorités chrétiennes avaient protesté contre la vente au groupe juif Ateret Cohanim de trois immeubles en plein cœur de la vieille ville, appartenant à l’Église grecque orthodoxe. La compagnie israélienne travaille à "judaïser" Jérusalem dans son intégralité en achetant les biens immobiliers des différentes églises. Reste que les autorités chrétiennes elles-mêmes sont en partie responsables de ce phénomène.
"La vénalité des patriarches y est pour quelque chose. Ils préfèrent vendre des appartements au prix fort, quitte à se rendre impopulaires auprès de leur communauté", indique Tigrane Yégavian.
Une politique de grignotage territorial qui ne s’arrête pas à Jérusalem. En Cisjordanie, les évangélistes américains acquis à la cause de la droite israélienne rachètent de nombreuses terres agricoles au profit du projet sioniste. En effet, pour ce courant de pensée très présent outre-Atlantique, la présence de l’État d’Israël correspond à des prophéties bibliques qui annoncent le retour de Jésus en terre sainte.
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En réaction à la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les chrétiens –dont de nombreux évêques– de Palestine ont signé en 2009 le document "Kairos Palestine". Cet appel aux chrétiens dans le monde et à la communauté internationale vise à combattre l’occupation israélienne, présentée comme un "péché contre Dieu et l’humanité" et invite ainsi tous les chrétiens à la condamner. De surcroît, le document stipule que la fin de l’occupation est une condition préalable à la fin de la résistance palestinienne, et non l’inverse. D’ailleurs, il décrit le processus révolutionnaire non violent comme étant "un devoir", y compris pour les chrétiens.

"Islamisation rampante"

Malgré cette tentative de médiation avortée, les chrétiens palestiniens sont plus que jamais pris en étau dans un conflit qui les dépasse. C’est notamment le cas de la petite communauté à Gaza. En 2015, ils n’étaient pas moins de 3.500 fidèles, aujourd’hui il n’en reste plus que 1.077. Entre les guerres à répétition en 2008, 2014, 2021, les conditions désastreuses avec le blocus économique et la mainmise du Hamas sur l’enclave gazaouie, la communauté chrétienne se fait de plus en plus discrète. "Le mouvement palestinien considère les chrétiens comme des dhimmis", estime Tigrane Yégavian.
Toutefois, 500 chrétiens ont tout de même obtenu un laissez-passer de la part du Hamas et de l’armée israélienne pour se rendre à Bethléem, la ville de naissance de Jésus en Cisjordanie. À en croire notre interlocuteur, ces autorisations occasionnelles ne cacheraient pas la réalité sur place.
"Les chrétiens sont soumis à l’islamisation rampante de la société par le Hamas, qui a également des relais locaux en Cisjordanie. Alors qu’ils (les chrétiens palestiniens ndlr) disposent d’une représentativité dans les rangs du parlement de l’Autorité palestinienne à Ramallah et qu’ils étaient les premiers défenseurs de la Palestine", souligne Tigrane Yégavian.
En effet, les chrétiens palestiniens ont joué un rôle central dans la résistance contre Israël. Outre Georges Habache, fondateur du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) dans les années 1960, mentionnons Wadie Haddad, qui créa le Mouvement nationaliste arabe (MNA) ou encore Nayef Hawatmeh, cofondateur du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP).
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Aujourd’hui encore, les chrétiens s’activent. Mgr Atallah Hanna, évêque grec orthodoxe de Jérusalem, a été empoisonné en 2019 par les autorités israéliennes. Mgr Hilarion Cappucci, archevêque grec melkite catholique de Jérusalem, a quant à lui été emprisonné douze ans pour transport illégal d’armes pour le compte de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). "Ce sont malheureusement des figures qui sont marginalisées, ils représentent un symbole qui est utilisé parce que les musulmans ne veulent pas s’aliéner les chrétiens", souligne l’auteur de Minorités d’Orient.
Aujourd’hui, compte tenu de la polarisation du conflit israélo-palestinien sous le prisme Hamas-Tsahal et du déclin démographique, la communauté chrétienne vit son crépuscule.
"Il y a une réelle hémorragie. À terme, cette population risque de disparaître", déplore Tigrane Yégavian.
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