En Syrie, "Noël est une micro-parenthèse dans notre malheur quotidien"

© AFP 2023 -Sapin de Noël à Alep
Sapin de Noël à Alep - Sputnik Afrique, 1920, 24.12.2021
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C’est un Noël bien morose qui s’annonce en Syrie. Malgré la fin du conflit, les difficultés se multiplient: entre le froid, les nombreuses pénuries et le poids des sanctions américaines, les Syriens peinent à sortir la tête de l’eau. Témoignages.
Noël ne rime pas avec fête pour tout le monde. Après une décennie de conflit au cours de laquelle le pays a été meurtri, divisé et détruit, la Syrie tente tant bien que mal de panser ses cicatrices. Cette année, malgré l’accalmie sécuritaire dans la majeure partie du territoire, le peuple syrien ne vivra pas Noël comme les autres.
À Homs, à Alep, à Damas, le sapin est décoré, la préparation des messes du 24 décembre s’active selon les différents rites chrétiens.
"C’est un moment important pour oublier tout ce qu’on a pu subir pendant dix longues années. On se retrouve, on festoie, c’est une sorte d’échappatoire que tout le monde attend, y compris les musulmans", souligne Nour, une jeune musulmane habitant dans la banlieue de Homs.
La Syrie multiconfessionnelle est laïque, donc les religions se côtoient entre elles dans les principales villes du pays. La syrianité est en effet censée supplanter l’appartenance religieuse.
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Tout paraît donc normal, mais derrière ces festivités se cache une tout autre réalité. La communauté chrétienne, qui représentait environ 10% de la population avec 1,3 million d’habitants en 2011, a depuis été plus que divisée par deux. La plupart ont fui la guerre à l’étranger et ne comptent pas revenir pour le moment. Pour ceux qui sont restés, la situation est, c’est le moins que l’on puisse dire, difficile.

En Syrie, le salaire minimum est de 50 dollars

Selon les données de l’Onu, 83% des Syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Plus de 11 millions de personnes, soit plus de deux tiers de la population, ont besoin d’aide humanitaire. 60%ne peuvent pas s’offrir un repas par jour. Et l’hiver aggrave encore plus la situation.
"En Syrie, les températures sont négatives, il neige, il fait froid et la plupart des habitants dorment dans la même pièce pour se tenir chaud", déplore Firas, un habitant de Damas, avant d’ajouter que "tout est devenu plus cher, c’est de la survie quotidienne".
Dans le pays, le système de la débrouille, de la récupération et de l’entraide prend le dessus. Le salaire minimum ne cesse de chuter et atteint à peine les 50 dollars alors que la monnaie plonge par rapport au billet vert. Cette crise économique est liée en partie à l’effondrement du système bancaire libanais. Pendant des décennies, les Syriens mettaient leur argent dans les banques libanaises plus rentables. Mais compte tenu de la situation au pays du Cèdre, des milliards de dollars ont disparu. Selon le Président Bachar el-Assad, entre 40 et 60 milliards de dollars ont été gelés à cause de la crise libanaise.
À cela s’ajoute le poids des sanctions américaines qui impactent grandement le quotidien des Syriens. Même à la veille de la célébration de Noël, cela se fait sentir. "Les guirlandes du sapin ne peuvent s’éclairer qu’une heure dans la journée, les groupes électrogènes coûtent trop cher", nous raconte Karim, un habitant dans la banlieue de Homs.
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Du fait des mesures coercitives prises par Washington, l’essence, l’électricité, le mazout… tout est rationné en Syrie. En cette période de grand froid, les Syriens se ruent vers les bouteilles de gaz et attendent d’innombrables heures. "Quand le camion chargé de bouteilles de gaz arrive, c’est une sorte de délivrance pour les populations qui savent qu’elles vont pouvoir cuisiner ou se chauffer pendant quelques jours", raconte un habitant d’Alep.

La Russie offre des cadeaux aux familles des victimes

De surcroît, contre son gré, le gouvernement syrien ne peut fournir qu’une heure d’électricité par jour. "On s’éclaire comme on peut, avec le flash de nos téléphones ou avec le poêle à bois de la pièce principale", décrit le jeune Firas. En effet, les sanctions empêchent le simple artisan de vendre ses produits à l’étranger, l’entreprise syrienne de commercer avec l’extérieur, l’ambulance d’aller chercher des malades à l’autre bout de la ville à cause des pénuries. En somme, tout est plus compliqué.
"Noël est une micro-parenthèse dans notre malheur quotidien", confie Nour.
Mince consolation pour les Syriens: le travail de certaines associations qui essaient tant bien que mal d’égayer cet heureux événement. Plusieurs organisations chrétiennes européennes participent à des projets locaux pour rénover un édifice religieux, fournir un groupe électrogène, distribuer des cadeaux aux familles des victimes. Moscou n’est pas en reste pour prendre part à la fête. Avec la participation d’une délégation russe, le ministère syrien de l’Éducation a organisé une cérémonie artistique intitulée "Matriochka et l’arbre de Noël" en l’honneur de 700 enfants à Damas ayant perdu un proche au cours de la guerre. À cette occasion, le président du Comité d’amitié russo-syrienne de la Douma d’État russe, Dmitri Sablin, a confirmé que la cérémonie était un message symbolisant l’amitié entre les deux pays. Outre les nombreux présents, la Russie a tenu à offrir l’arbre du Nouvel An.
Mais malgré ces initiatives louables, c’est bien plus qu’un père Noël dont aurait besoin la Syrie pour se relever.
"Nous sommes là depuis 2000 ans mais si rien ne change, il n’y aura plus de chrétiens en Syrie dans quelques années", avertit Georges, un chrétien de Maaloula.
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