Sanctions, contre-sanctions, entre Washington et Téhéran, "une manière de négocier"

© AP Photo / Vahid SalemiNucléaire iranien (archive photo)
Nucléaire iranien (archive photo) - Sputnik Afrique, 1920, 09.12.2021
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Washington impose de nouvelles sanctions contre l’Iran. Dans le cadre des négociations sur le nucléaire iranien, les États-Unis veulent encore augmenter la pression sur Téhéran. Une politique jusque-là improductive.
Les États-Unis durcissent leur position à l’égard de l’Iran. Alors que les négociations sur le nucléaire iranien viennent tout juste de reprendre au palais Coburg de Vienne, Washington a imposé de nouvelles sanctions contre Téhéran. Le 7 décembre, le département du Trésor a cette fois-ci visé les unités spéciales des forces de l’ordre iraniennes (LEF) et les forces spéciales antiterroristes (NOPO), les accusant de violations des droits de l’homme. Plusieurs responsables iraniens associés aux deux organisations, dont les commandants Hassan Karami et Seyed Reza Mousavi Azami et le général de la milice Basij Gholamreza Soleimani, sont également sur la liste.
Des mesures qui n’ont pas manqué de provoquer l’ire des Iraniens. "Même en pleins pourparlers de Vienne, les États-Unis ne peuvent s’empêcher d’imposer des sanctions contre l’Iran", a lâché sur Twitter Saïd Khatibzadeh, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. "Le durcissement des sanctions ne créera pas un effet de levier [dans les négociations, ndlr.] et cela va à l’encontre du sérieux et de la bonne volonté proclamés" par les États-Unis, a-t-il poursuivi.

Washington pourrait sanctionner ses alliés

Rétorsion oblige, Téhéran envisage à son tour de sanctionner des personnalités américaines. Une "nouvelle liste d’individus et d’institutions américaines impliqués dans de graves violations des droits de l’Homme sanctionnées par l’Iran sera bientôt publiée", a indiqué Kazem Gharbabadi, le chef adjoint du pouvoir judiciaire.
Ces pénalités américaines n’ont rien de nouveau, elles font partie "de l’art des négociations", estime Hassan Maged, fondateur du cabinet D&S Consulting et spécialiste du Moyen-Orient.
"Chacun veut augmenter la pression sur l’autre. La mise en place des sanctions n’est pas un mécanisme novateur. C’est une manière de négocier. Les États-Unis ne changent pas de méthode", souligne-t-il au micro de Sputnik.
Mais Washington ne veut pas en rester là. Les États-Unis enverront la semaine prochaine aux Émirats arabes unis une délégation de haut niveau, dont la responsable du Bureau du contrôle des actifs étrangers du Trésor, Andrea Gacki. Abou Dhabi est un allié de Washington, mais également le deuxième partenaire commercial de l’Iran. Dubaï est un canal pour les transactions commerciales et financières iraniennes avec d’autres pays.
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Les responsables américains rencontreront les dirigeants des banques d’affaires et des sociétés privées émiraties qui réalisent des milliards de dollars d’échanges commerciaux avec l’Iran. En effet, en 2020, les Émirats arabes unis étaient le deuxième exportateur de produits non pétroliers vers l’Iran, avec 9,6 milliards de dollars, et le troisième importateur non pétrolier de biens iraniens, avec des achats d’une valeur de 4,6 milliards de dollars. Pour freiner cette collaboration officieuse, les États-Unis pourraient faire planer la menace de restrictions économiques supplémentaires. En janvier 2021, des sanctions américaines avaient déjà visé des entreprises émiraties qui traitaient avec le pays des mollahs.

L’Iran, 40 ans de sanctions américaines

"Les États-Unis veulent mettre la pression économiquement sur l’Iran", résume ainsi Hassan Maged. Une politique vieille de 40 ans. Mises en place en 1979 après la révolution islamique iranienne, les sanctions se sont durcies et étendues à tous les secteurs d’activité. Outre le pétrole, les mesures ont également été prises contre l’aéronautique, l’armement, les services financiers, les minerais. Les avoirs de certaines personnalités ou entités iraniennes sont gelés et toute transaction en dollars avec l’Iran est interdite.
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Alors que le Président Joe Biden voulait faire d’un retour à l’accord sur le nucléaire iranien l’une des priorités de sa politique étrangère, il endosserait les habits de son prédécesseur en maintenant la politique des sanctions. Une posture logique, selon fondateur du cabinet D&S Consulting.
"Supposons un instant qu’ils ne fassent pas ça [imposer de nouvelles sanctions ndlr], comment pourraient-ils négocier avec l’Iran? Quelles seraient leurs cartes à jouer, sachant qu’ils comptent se retirer progressivement de la région? Les États-Unis veulent avoir des assurances pour la sécurité de leurs alliés régionaux", estime le géopolitologue.
Pour y parvenir, les États-Unis ne veulent pas se contenter de la négociation sur le nucléaire: "Washington veut inclure le programme de missiles balistiques", ajoute-t-il. En effet, le système militaire iranien est au cœur des préoccupations des Émirats arabes unis, mais surtout de l’Arabie saoudite et d’Israël. Sauf que pour Téhéran, "c’est une ligne rouge", rappelle Hassan Maged. "En ce qui concerne nos capacités de défense, notre point de référence est d’assurer et de garantir notre sécurité nationale; il est parfaitement clair que personne ne négociera sa sécurité nationale", avait martelé le 2 décembre Bagheri Kani, négociateur en chef pour l’Iran à Vienne.

Le nucléaire iranien, bombe à retardement

En définitive –et malgré la pression des États-Unis, Téhéran ne cède rien pour l’heure. Pire, le pays des mollahs n’a de cesse d’accroître ses stocks d’uranium enrichi au-delà de la limite autorisée de 3,67%. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) publiées en novembre, l’Iran a porté sa réserve d’uranium enrichi à 60%à 17,7 kg, contre 10 kg fin août. Dans le même temps, la quantité d’uranium enrichi à 20% est passée de 84,3 kg à 113,8 kg. Cela ferait partie de la stratégie iranienne:
"C’est une bataille de tranchées, chacun bouge ses pions en fonction de sa politique", estime Hassan Maged.
D’ailleurs, les Iraniens ont été clairs à ce sujet: "la balle est dans le camp des Américains" a lancé Bagheri Kani, pour qui il n’y aura pas de retour à l’accord tant qu’il n’y aura pas de levée totale des sanctions. Chacun essaie donc de faire plier l’autre. Mais comme s’il n’y avait pas suffisamment de difficultés, tout accord –devrait-il survenir– devra également faire consensus auprès de la classe politique américaine:
"Les Américains ne veulent pas un accord partisan, ils veulent un accord bipartisan, avec l’aval du Congrès, sinon il risque d’être retoqué par une Administration républicaine, comme ce fut le cas avec Trump", conclut le consultant en géopolitique.
Les négociations à Vienne ne font que débuter et elles ne sont qu’une bataille dans cette guerre d’usure.
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