"Goûtez la terre russe!": comment est né le vin russe à l’âme suisse
06:00 08.12.2021 (Mis à jour: 18:18 10.01.2022)
© Photo Jukova NadejdaMarina et Renaud Burnier
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Le vin russe produit avec le soin et le savoir-faire suisse gagne de plus en plus en popularité. Marina et Renaud Burnier ont osé lancer un vignoble dans les années 2000 et ont parié sur un cépage russe peu connu, ce qui a porté ses fruits. Marina partage au micro de Sputnik les secrets et l’inspiration derrière leur travail.
Alors que personne ne croyait à l’époque au vin russe et surtout à ce cépage baptisé Krasnostop, le couple russo-suisse formé par Marina et Renaud Burnier a osé s’installer dans les années 2000 dans le sud de la Russie, dans le territoire de Krasnodar, dans les contreforts du Caucase. Ils ont trouvé leur propre chemin, non seulement pour produire le "meilleur vin autochtone russe", obtenant cette récompense lors d’une compétition nationale en 2018, mais aussi pour préserver le vin russe apprécié sur le marché international. Qui plus est, le choix en faveur de leurs vins pour la Maison de la Suisse lors des Jeux olympiques de Sotchi en 2014 confirme encore une fois leur succès.
Marina Burnier a livré dans une interview exclusive à Sputnik leurs secrets, techniques et cette harmonie qu’ils ont trouvés entre la Russie et la Suisse pour créer des vins reconnus à l’étranger.
© Photo Jukova NadejdaMarina et Renaud Burnier
Marina et Renaud Burnier
© Photo Jukova Nadejda
Cette histoire d’amour pour la Russie, pour le vin, pour l’écologie et la nature a commencé dans les années 1990, quand une étudiante russe est partie en Suisse pour apprendre l’économie. Toutefois, sa route est passée un jour par un vernissage du vigneron Renaud Burnier qui, étant déjà enchanté depuis son enfance par la Russie, "un pays magique", a rencontré la Russe et les deux jeunes sont tombés amoureux.
"Cela a été une communication cœur à cœur", se rappelle Marina qui a expliqué que Renaud avait toujours cet amour pour la Russie.
Et si Marina a pu raconter et montrer au vigneron suisse la Russie, sa culture et son histoire, il lui a à son tour présenté le monde de la production du vin et a changé sa vision en ce qui concerne le travail de la terre et les soins du raisin.
"Je suis tombée amoureuse du vignoble, du travail de la terre. Quand tu vois comment tu travailles la terre toute l'année et que tu vois ce buisson avec lequel tu fais quelque chose et qu'ensuite il te donne des raisins dont on fait du vin, c'est quelque chose d'incroyable", relate Marina Burnier.
Comment Souvorov a mené le Suisse à Krasnodar
C’est grâce à l’histoire héroïque de l’armée russe guidée par Alexandre Souvorov qui a traversé les Alpes, que le couple Burnier a rencontré les alpinistes de Krasnodar où il a rêvé de faire revivre un vignoble russe.
L’interlocutrice de Sputnik se rappelle que quand elle est arrivée avec Renaud à Moscou et qu’il a voulu goûter le vin russe, il s’est avéré qu’il n’y en avait pas un. Les vignobles russes ont été abandonnés dans les années 1990 et le vin russe n’était pas connu.
À l’occasion des 200 ans de la marche de Souvorov, quand son armée avait traversé les Alpes en Suisse, le couple a créé un vin spécial baptisé Cuvée Souvorov et ils ont participé à la fête organisée par l’ambassade russe en Suisse. Lors de cette célébration, ils ont rencontré des Russes du sud du pays qui se sont intéressés à leur vin et qui les ont invités à Krasnodar.
Marina Burnier se rappelle que quand ils sont arrivés à Krasnodar pour visiter un vignoble et que Renaud a goûté le premier raisin, il s’agissait du cépage Krasnostop. Ce cépage, qui n’était pas très reconnu en Russie, a fait remporter en 2018 au couple russo-suisse le prix du "meilleur vin autochtone russe" lors d’une compétition nationale. Sans connaître au préalable Krasnostop, Renaud a tout de suite reconnu la richesse et le potentiel de se raisin, disant à sa femme que ses confrères suisses ne le croiraient pas qu’en Russie il y a un tel raisin.
"Ils avaient une approche très différente de la vinification. Son potentiel n'a pas été exploité. Il doit être correctement soigné et le vignoble peut être soigné de différentes manières et il peut produire plus de grappes de saveur moins intense et moins de grappes de saveur plus intense, en fonction de la quantité des raisins, il y a un risque d’avoir plus ou moins de saveur", a expliqué Marina Burnier interrogée sur pourquoi le cépage Krasnostop n’était pas reconnu par les vignerons russes avant.
La décision a été prise et après des recherches, qui ont duré trois ans, le couple s’est installé dans le sud de la Russie dans les années 2000.
Rigueur, discipline et nature
Marina Burnier relate que la recette de leur production comprend la rigueur, la discipline et le soin de la nature, des qualités que Renaud a emportées avec lui de Suisse sur la terre russe.
"Un respect sacré pour la terre et le vignoble, et une aspiration à l’harmonie avec la nature", l’interlocutrice de Sputnik décrit ainsi la philosophie des vignerons suisses, que Renaud a aussi implantée sur leurs vignobles russes.
Elle précise que le couple est en quête de son propre chemin, alors qu’ils produisent aussi des vins biodynamiques, ils explorent actuellement une direction dans la production de vins qui s’appelle vitiforesterie. Il s’agit de la coexistence du vignoble avec les arbres et la forêt. Leur vignoble en Russie est entouré par la forêt, mais ils prévoient de rajouter encore dans le futur des arbres sur leurs terres. Pourtant, c’est une science qui n’est pas facile, il faut choisir des arbres bien précis qui auront un impact bénéfique pour le vignoble.
Le couple Burnier croit que tout dans la nature coexiste harmonieusement et il faut respecter cet équilibre, et de ce fait plutôt le poursuivre et essayer de ne pas l’endommager.
D’après les dires de l’interlocutrice de l’agence, ils existent encore des endroits en Russie où l’écosystème et la nature russes sont encore moins exploités et moins touchés par des changements climatiques graves et l’équilibre écologique n’est pas perturbé. Tout cela aussi impacte le goût des futurs vins.
De plus, les vignerons n’ont pas utilisé d’engrais chimiques pour leurs plantations, et pas seulement parce qu’ils poursuivent la logique de la production de vins biodynamiques, mais aussi parce qu’ils n’en avaient pas eu besoin, tellement la terre est saine et riche.
Qui plus est, Marina a ajouté que les Tcherkesses, qui ont habité dans la région avant que les Russes ne la conquièrent, semblaient avoir utilisé des techniques d’agriculture très avancées, en harmonie avec la nature.
Les vignerons Burnier tentent de préserver cette harmonie avec l’expérience et le savoir-faire suisse qui donne naissance aux bons vins du terroir russe.
© Photo Jukova NadejdaMarina et Renaud Burnier
Marina et Renaud Burnier
© Photo Jukova Nadejda
"Goûtez la terre russe!"
"Goûtez la terre russe!", c’est par cette phrase que Renaud invite des clients à tester son vin lors des expositions internationales, se rappelle Marina Burnier.
Selon ses dires, la première réaction des étrangers quand ils goûtent pour la première fois le vin russe Burnier c’est l’étonnement et le choc de sa bonne qualité et de son goût riche. Mais, petit à petit, il commence à être mieux accueilli et évoque la curiosité des étrangers qui aime la Russie, ajoute-t-elle.
Marina Burnier se rappelle qu’elle a "toujours voulu montrer la Russie au monde", la présenter sous le bon angle de lumière à l’étranger pour présenter la Russie dans sa particularité et sa richesse.
Elle relate qu’à cause du Covid-19 leur participation à plusieurs expositions internationales a malheureusement été annulée. De plus, la pandémie a aussi frappé les vignerons avec la fermeture des restaurants, car ils travaillent principalement avec ces établissements en Russie où ils livrent leurs vins.