Face à la puissance de l’Iran, fermer les yeux sur les droits de l’homme dans les pays du Golfe?

© AFP 2024 YOAN VALATConférence de presse conjointe d'Emmanuel Macron et Mohamed Ben Salmane
Conférence de presse conjointe d'Emmanuel Macron et Mohamed Ben Salmane - Sputnik Afrique, 1920, 08.12.2021
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Avec sa tournée dans le Golfe, Macron cherche à remplir le vide laissé par les Américains après l’affaire Khashoggi et leur désastreux retrait d’Afghanistan. Analyse de Fadi Assaf, ex-conseiller du Président libanais, pour Le Désordre mondial.
Le 4 décembre dernier, Emmanuel Macron s’est rendu en Arabie saoudite pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane. Il est l’un des premiers dirigeants occidentaux à faire le déplacement depuis le meurtre de Jamal Khashoggi, activiste et chroniqueur au Washington Post, dans le consulat saoudien d’Istanbul, en Turquie, le 2 octobre 2018.
Le prince héritier lui-même serait impliqué dans cet assassinat, selon les services de renseignement turcs et américains. Il semblerait en outre que le "NSO Group" –une entreprise de cybersécurité israélienne– aurait aidé le royaume à espionner des dissidents saoudiens. "Ignorant les craintes que l’Arabie saoudite ne profite des logiciels espions israéliens pour écraser la dissidence dans son pays et à l’étranger, Israël a encouragé ses entreprises à travailler avec le royaume", soulignait le New York Times en juillet 2021.
Mohammed ben Salmane - Sputnik Afrique, 1920, 04.12.2021
Macron assure ses arrières avant de rencontrer Mohammed ben Salmane
Macron a pourtant passé outre, annonçant des initiatives de coopération avec Mohammed ben Salmane. "Qui peut penser une seconde que nous pouvons aider le Liban et préserver la paix et la stabilité au Moyen-Orient si nous disons: “Nous n’allons pas parler à l’Arabie saoudite, le pays le plus peuplé et le plus puissant du Golfe?”", a lancé le Président de la République lors de son voyage dans le golfe Persique, qui comprenait également des escales aux Émirats arabes unis et au Qatar. "Cela ne veut pas dire que je cautionne quoi que ce soit, que j’ai oublié, que nous ne sommes pas des partenaires exigeants", a-t-il ajouté.
Fadi Assaf, ancien conseiller au Président du Liban et consultant en relations internationales, donne raison au chef de l’État français:
"L’affaiblissement du monde arabe se fait dans l’intérêt d’autres acteurs régionaux: Iran, Turquie et Israël. Il vaut mieux aujourd’hui que ces gens se parlent entre eux pour préserver un semblant d’équilibre géopolitique."
Il relativise par ailleurs les critiques sur la visite de Macron à MBS face aux enjeux des droits de l’homme:
"L’affaire Khashoggi est embarrassante mais on a tendance à souligner cette tentative de réhabilitation de MBS par la France et par le Président Macron et on occulte généralement qu’il a rencontré d’autres dirigeants du monde non occidental, par exemple le Président chinois, et que c’est passé sans grand souci. C’est parce que la France se veut le champion des droits de l’homme que cette visite fait parler d’elle."
Fadi Assaf considère que la France profite du retrait relatif des États-Unis dans la région:
"L’Administration Biden refuse encore aujourd’hui de traiter avec les dirigeants saoudiens. Il y a donc une opportunité en Arabie, au Qatar et aux Émirats pour une puissance moyenne comme la France qui est ambitieuse et qui a la volonté d’être visible et d’être impliquée dans la région."
Les chars et missiles guidés français ont déjà été utilisés contre les ennemis des Saoudiens au Yémen. Macron a également dévoilé la vente de 80 avions multirôles Rafale et de 12 hélicoptères de combat Caracal aux Émirats arabes unis. Un accord évalué à 17 milliards d’euros, conclu alors que l’Administration Biden semble traîner des pieds pour céder 50 chasseurs F-35 aux Émirats.
Des achats importants pour Abou Dhabi, qui utilise de plus en plus ses avions de combat depuis quelques années, étendant ses opérations en Afrique et au Moyen-Orient. James Mattis, ancien chef du Pentagone, a même qualifié la fédération –qu’il considère comme un allié contre Daech*– de "Petite Sparte".
"C’est une façon pour la France d’être influente en plus de faire fonctionner son industrie de défense et de rétablir un minimum d’équilibre stratégique entre les deux rives du Golfe, l’Iran étant géopolitiquement un peu plus avantagé que les pays arabes d’en face", considère l’ancien conseiller au Président libanais.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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