Terrorisme, mutineries, budget: le défi de la réforme de l'armée ivoirienne

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Abidjan - Sputnik Afrique, 1920, 25.11.2021
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La Côte d’Ivoire a entrepris d’insuffler du sang neuf dans son armée. Un renforcement des effectifs de 10.000 soldats est ainsi prévu jusqu’en 2024. Cela intervient dans un contexte où la menace terroriste est plus que jamais aux portes du pays, et alors qu’un plan de départ anticipé à la retraite est en cours depuis 2017 pour réajuster les rangs.

"C'est pour assurer la défense opérationnelle du territoire qu’on renforce nos effectifs", explique à Sputnik le colonel Étienne Gnahé Otchelio, chef du Bureau information et presse des armées (BIPA).

Un recrutement va concerner, en 2022, 3.000 jeunes ivoiriens âgés de 18 à 23 ans. Mais au total, ce sont 10.000 soldats qui sont appelés à rejoindre les rangs de l’armée ivoirienne jusqu’en 2024. "La sélection du premier contingent est presque achevée et les recrutés seront aussitôt en formation. Cela va nous faire de la force vive pour pouvoir accomplir les missions qui nous sont dévolues", poursuit le colonel.

Des menaces multiformes

À en croire le colonel Étienne Gnahé Otchelio, ce n’est pas spécialement le contexte sécuritaire sous-régional lié au terrorisme qui justifie ce recrutement dans la mesure où, explique-t-il, d’autres menaces, multiformes, existent depuis toujours. "En mer, il y a des pêcheurs, chinois notamment, qui viennent illégalement pêcher dans nos eaux territoriales, sur terre on a des coupeurs de route, la criminalité transfrontalière... autant de défis à relever".
Il confie toutefois que la menace terroriste fait évidemment partie de ces défis. La Côte d’Ivoire est dans la ligne de mire de groupes extrémistes depuis au moins 2016. Cette année-là, une attaque menée par des hommes armés avait fait 19 morts, de nationalités ivoirienne, française, libanaise, nigériane, allemande et macédonienne, à Grand-Bassam, une ville balnéaire prisée située à 40 kilomètres au sud-est d'Abidjan. Cet attentat, le premier du genre sur le sol ivoirien, avait été revendiqué le jour même par Al-Qaïda au Maghreb islamique*.
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Puis, de juin 2020 à octobre 2021, c’est une vingtaine d’agents des forces de défense et de sécurité qui ont été tués lors d’une demi-douzaine d'assauts non revendiqués. Si l’expansion de la menace terroriste depuis les pays du Sahel vers ceux du golfe de Guinée inquiète les Ivoiriens, le général Lassina Doumbia, chef d’état-major des Armées, se montre confiant, assurant que la situation est sous contrôle.

Réajuster et rajeunir les effectifs

L’intégration massive en 2011 d’anciens rebelles à l’armée ivoirienne avait fini par causer un déséquilibre structurel considérable, et aussi coûteux.
Ainsi, en 2017, 90% du budget de l’armée servait au paiement des salaires. D’un autre côté, selon le colonel Étienne Gnahé Otchelio, "il y a surtout eu le fait que le taux d’encadrement ne correspondait plus vraiment aux standards en la matière, car il y avait plus d’officiers, de nombreux sous-officiers [70% des effectifs, ndlr] et peu de soldats".

"Or dans une armée, le pourcentage des officiers doit être de 5%, les sous-officiers 20 à 25% et la troupe à 70%, car c’est elle qui exécute les missions. Vu qu’il n’y avait pas eu de recrutement depuis longtemps, on s’est retrouvé avec une armée de cadres dans laquelle la plupart ont avancé en grade et donc il y avait désormais peu de soldats du rang", affirme-t-il.

Face à cette situation, le gouvernement a décidé en décembre 2017 de mettre en œuvre un plan de départ volontaire de 4.000 militaires, afin de garantir le respect de la pyramide des grades et de rajeunir les effectifs.

"On permet depuis à ceux qui n’ont plus la vocation de pouvoir aller expérimenter la vie civile, et on lance ce recrutement pour réajuster et rajeunir les effectifs", poursuit le colonel.

Il faut par ailleurs noter que le plan de départ anticipé à la retraite a été mis en branle après une série de mutineries qui ont secoué le pays en 2017.
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Les raisons de ces mutineries relevaient tantôt de revendications portant sur des primes, tantôt d’un jeu de pouvoir entre le Président Alassane Ouattara et Guillaume Soro, ex-chef de la rébellion de 2002-2011. Le second avait favorisé l’accession au pouvoir du premier en 2011, après la chute de Laurent Gbagbo lors de la bataille d’Abidjan.
Sous pression, le pouvoir avait été contraint, pour satisfaire les mutins déterminés à en découdre, de mettre la main à la poche. Ce sont ainsi quelque 8.500 anciens rebelles intégrés à l’armée, qui ont contribué à porter Alassane Ouattara au pouvoir, qui avaient perçu pas moins de cinq millions de francs CFA (7.600 euros).
*Organisation terroriste interdite en Russie
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