Blocage d’un convoi militaire français au Burkina Faso: "Cela devrait faire des émules au Sahel"

© AFP 2024 OLYMPIA DE MAISMONTDes militaires burkinabè patrouillent près d'un véhicule blindé français stationné à Kaya, capitale de la région du centre-nord du Burkina Faso, après que des personnes ont manifesté pour s'opposer au passage d'un convoi logistique français vers le Niger voisin, le 20 novembre 2021
Des militaires burkinabè patrouillent près d'un véhicule blindé français stationné à Kaya, capitale de la région du centre-nord du Burkina Faso, après que des personnes ont manifesté pour s'opposer au passage d'un convoi logistique français vers le Niger voisin, le 20 novembre 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 23.11.2021
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Si les spéculations sur l’endroit où se trouve actuellement le convoi militaire français, objet de toutes les tensions ces derniers jours au Burkina Faso, vont bon train, certains observateurs attirent l’attention sur les nuages inédits d’hostilité formés sur son sillage en territoire burkinabè et qui pourraient se répandre dans tout le Sahel.
Avec la coupure d’Internet au Burkina Faso – imputée aux autorités – la trace du convoi militaire français longtemps bloqué par des manifestants s’en est trouvée brouillée. Aucune confirmation officielle n’est disponible sur l'endroit où il se trouve, et ce jusqu'au lundi 22 novembre à 16h GMT. Toutefois, plusieurs internautes nigériens, dont l’influente journaliste-blogueuse Samira Sabou, assurent qu’il est finalement arrivé dans la soirée du 21 novembre à Niamey.
Quoiqu'il en soit, pour Hichem Ben Yaïche, expert en géopolitique interrogé par Sputnik, le blocage de ce matériel militaire français, loin d’être anodin, "devrait sûrement faire des émules dans le Sahel à l’avenir, car il y a ce problème d’incompréhension dans les opinions nationales des actions de la France".

Un phénomène de rejet qui se comprend

"On assiste depuis un certain temps à un rejet populaire de la France dans les États du Sahel. En réalité, cela est injuste vis-à-vis de ce pays qui s’est fait mal comprendre et à qui on attribue tous les maux de la région.", pense-t-il.
"Mais, en un sens, ce phénomène de rejet se comprend, car la France a toujours cultivé une proximité avec tous les pouvoirs ou dirigeants africains qui sont souvent contestés ou rejetés par leurs populations. Aussi, pendant plusieurs années, la France a géré la force Barkhane dans une sorte de huis clos qui a engendré toutes sortes de suspicions, lesquelles ont donné des ailes aux théories complotistes. Aujourd'hui, ce rejet est en train de se généraliser, on l’a vu au Mali, on le voit au Burkina Faso. Et il y a désormais un risque évident que cela ait écho au Niger", a expliqué cet expert qui dirige trois revues spécialisées dans les thématiques africaines.
Il se trouve justement qu’au Niger, des voix s’élèvent déjà contre la présence de l’armée française dans certaines localités du pays.
En effet, le 21 juillet face à la presse, la Coalition pour la défense de la République (CDR, un regroupement d’organisations de la société civile) a qualifié cette présence de "massive et illégale" et demandé le "départ immédiat" des soldats français de la région de Dosso (sud du Niger).

Des "manipulations" évoquées par le Quai d’Orsay

Du 17 au 20 novembre, un convoi logistique de l’armée française – composé de 90 camions et accompagné par une centaine de soldats – en transit pour le Niger a été bloqué à l’entrée de Kaya, une ville à 100 kilomètres de la capitale Ouagadougou, par des manifestants déterminés qui protestaient contre la présence de la France au Sahel. Au point que le Quai d’Orsay a dû demander au Président burkinabè Roch Kaboré d’intervenir pour mettre fin à cette impasse.
Interrogé par RTL-LCI-Le Figaro dans le cadre de l'émission "Le Grand Jury" sur cette situation sans précédent au Burkina Faso, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a dénoncé l’influence de "manipulateurs".
"Il y a des manipulateurs, par des réseaux sociaux, par des fausses nouvelles, par l'instrumentalisation d'une partie de la presse, qui jouent contre la France, certains parfois même inspirés par des réseaux européens, je pense à la Russie", a-t-il affirmé.
Ce n’est pas la première fois que Paris soutient de telles allégations contre Moscou, notamment depuis que l'influence française recule sensiblement dans certains pays africains qui faisaient jusque-là partie de son pré carré.
Cette tendance se manifeste par le choix revendiqué par des gouvernements africains de choisir librement leurs partenaires, notamment en matière sécuritaire - un choix qui s'effectue de plus en plus au détriment de la France -, mais aussi par un sentiment anti-français de plus en plus prégnant au sein des populations africaines. D'un point de vue russe, la sortie de Le Drian serait sans doute à ranger dans cette même attitude occidentale consistant à considérer la Russie "responsable de tous les maux". Une posture que le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s'exprimant lors d'un récent briefing sur un tout autre sujet, a conseillé aux dirigeants européens d'abandonner.
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