Vers un pass sanitaire ad vitam aeternam, peu importe la situation épidémiologique?

© Sputnik . Oxana BobrovitchQuatrième week-end de mobilisation à Paris contre le pass sanitaire, 7 août 2021
Quatrième week-end de mobilisation à Paris contre le pass sanitaire, 7 août 2021 - Sputnik Afrique, 1920, 30.09.2021
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Alors que les indicateurs épidémiologiques sont au vert, le gouvernement envisage de prolonger le pass sanitaire jusqu’à l’été 2022. Un choix qui se justifierait par un possible rebond épidémique hivernal, estime l’épidémiologiste Pascal Crépey.
"Il faut se donner les moyens pendant encore plusieurs mois d’avoir la possibilité de recourir à des mesures, si c’est nécessaire, pour protéger les Français." Si une partie des Français pensait que le pass sanitaire allait disparaître de leur vie, c’est raté. À l’issue du Conseil des ministres du 29 septembre, Gabriel Attal a indiqué que le gouvernement souhaitait "maintenir" la possibilité d’y avoir recours au-delà du 15 novembre (date d’échéance légale), voire "jusqu’à l’été" 2022! Pour ce faire, l’exécutif devrait présenter un projet de loi en ce sens le 13 octobre prochain en Conseil des ministres.
"Ce que nous voulons, ce que nous allons proposer au Parlement, c’est de le maintenir pendant plusieurs mois encore", a expliqué le porte-parole du gouvernement. Une perspective loin d’enchanter l’opposition. Sur Twitter, le sénateur LR Bruno Retailleau a d’ores et déjà prévenu que "le Sénat ne pourra pas autoriser le gouvernement à prolonger le recours au pass sanitaire". Selon lui, "cet outil n’a pas vocation à durer si la situation sanitaire s’améliore et sans contrôle serré du Parlement".
Depuis plusieurs semaines en effet, les indicateurs tels que l’incidence, le nombre de réanimation, d’hospitalisations ou encore de décès sont au vert. Du moins pour la France métropolitaine.

Une épidémie sous contrôle

Concernant le taux d’incidence par exemple, il est passé de 244 cas pour 100.000 habitants, la semaine du 9 au 15 août, à 56 cas la semaine du 20 au 26 septembre. Une embellie que confirme l’épidémiologiste Pascal Crépey au micro de Sputnik: "Le nombre de reproduction est en dessous de 1, l’épidémie est pour l’instant sous contrôle, même si l’on observe une augmentation de ce chiffre."
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Alors comment justifier cette possible extension du QR code d’un point de vue sanitaire? Si l’enseignant-chercheur à l’École des hautes études en santé publique à Rennes souligne que cela ne sera "pas forcément nécessaire jusqu’à l’été prochain", il prévient néanmoins que la période hivernale pourrait changer la donne:

"Ce serait assez logique de s’attendre, exactement comme l’an dernier, à ce que la saison hivernale favorise la transmission du virus, et donc que le frein estival que l’on a connu jusqu’à présent se relâche. En clair, que l’épidémie devienne un peu plus compliquée à maîtriser qu’aujourd’hui."

Comme l’avance l’expert, si on augmente de 40% le taux de transmission du virus, "ce qui serait à peu près l’effet de l’hiver par rapport à l’été", "on repasserait au-dessus de cette barre de 1 pour le nombre de reproduction". Or, si le taux de reproduction est supérieur à 1, "l’épidémie repart", résume Pascal Crépey.

Une hausse des contaminations en hiver?

Il n’empêche que cela ne signifie pas que cette éventuelle vague épidémique serait identique à celles passées, à savoir "qui submergerait le système hospitalier", précise l’épidémiologiste. En cause notamment "la vaccination qui protège, en grande partie, contre les formes graves" ainsi que les gestes barrières. Au 30 septembre, selon les données sanitaires communiqués par le gouvernement, 48.424.745 personnes ont un schéma vaccinal complet, soit 72,3% de la population totale. Mais également grâce au pass sanitaire qui est requis "dans beaucoup d’endroits qui sont connus pour favoriser la transmission", rappelle Pascal Crépey.

"Lorsque l’on regarde ce qui se passe actuellement aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Canada, sans parler de l’Australie, on constate malheureusement que l’épidémie n’est pas totalement derrière nous, même si le plus gros est certainement passé, ce serait faux de considérer que cette crise est terminée."

Le gouvernement semble donc vouloir anticiper en se préparant sur le plan juridique. Dans le but de pouvoir imposer le pass sanitaire, si la situation épidémique s’y prêtait. Pourtant, le Conseil scientifique a déjà mis en garde l’exécutif dans une note du 20 août: le pass sanitaire n’est pas un totem d’immunité contre le Covid-19. Ce dispositif doit être "proportionné à la gravité de la situation", mais surtout être un moyen afin d’éviter "de prendre des mesures générales d’interdiction".

La situation sanitaire doit justifier son utilisation

Ainsi, selon l’instance, le pass "ne saurait être à lui seul garant de l’absence de contamination entre les personnes" regroupées dans un même lieu.
D’autant que la cote de popularité de ce dernier flanche. Selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, mené auprès de 1.005 personnes et publié le 23 septembre, 61% des sondés souhaitent un allègement, voire la suppression de cet outil dans les départements où le virus circule moins. En outre, si 56% des Français acceptent l’idée d’une prolongation au-delà du 15 novembre prochain, c’est cinq points de moins qu’au début du mois de septembre.
Cette tendance pourrait-elle remettre en cause l’efficacité du pass et de son utilisation? Rien n’est moins sûr, à croire encore Pascal Crépey: "Lorsque l’incidence baisse, le risque d’être en contact avec une personne potentiellement infectée diminue. C’est donc relativement naturel que l’on prenne moins de précautions et que l’efficacité de toutes les mesures qui sont mises en place baisse."

"Mais de la même façon, si malheureusement les choses se confirment et que l’on a un rebond pendant l’hiver, je m’attends aussi à ce qu’il y ait une reprise des habitudes prises par les gens", conclut Pascal Crépey.

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