"Les femmes afghanes ont tout perdu": une couturière afghane se souvient d’avant les talibans
07:05 26.09.2021 (Mis à jour: 17:59 10.01.2022)
© Sputnik . Andreï Salomonov / Accéder à la base multimédiaFemmes afghanes à Mazâr-e Charîf, Afghanistan
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La burqa qui couvre tout le corps ne correspond pas à la tradition afghane, raconte Sofiea, entrepreneuse et couturière. Dans un entretien à Sputnik, l’Afghane se souvient de la vie des femmes avant le deuxième règne des talibans*.
Sofiea est née deux ans avant le déploiement des troupes américaines en Afghanistan en 2001. Pendant qu’elle grandissait, les jeunes femmes suivaient les tendances de la mode tout comme leurs pairs en Occident.
"De grands changements pour la population féminine d'Afghanistan, en particulier dans la capitale Kaboul, se sont déroulés après 2001, lorsque les talibans* ont été évincés du pays. Les jeunes filles ont essayé de coudre de belles robes comme celles des actrices d'Hollywood ou de Bollywood sur le tapis rouge. Certaines d'entre elles sont même devenues mannequins", se rappelle Sofiea lors d'une interview en vidéo accordée à Sputnik.
À l'étranger, Sofiea s’est inspirée de la façon dont les femmes portaient des vêtements traditionnels pour leurs pays et a décidé de créer sa propre marque en prenant pour base la culture locale.
Avec deux autres Afghanes, elle a fondé Sofiea Design en juin 2020.
"Cela se passait très bien, nous avons vendu beaucoup de robes à des femmes de tout l'Afghanistan. Nous avons même eu des clients étrangers, des États-Unis et d'Europe", se souvient-elle. "Nous avons fait beaucoup d'argent."
En janvier 2021, Sofiea a dû quitter le pays après des menaces proférées contre son mari, reporter. Ils se sont d'abord installés en Turquie, puis en France. Quant aux récents développements dans son pays, elle les voit d’un œil triste.
La burqa, tenue traditionnelle?
"Cela fait plus d'un mois que les talibans* sont arrivés au pouvoir. Les femmes afghanes ont perdu tout ce à quoi elles sont parvenues au cours des 20 dernières années. Maintenant, les talibans* tentent d'imposer de nouvelles règles. Ils n’y connaissent rien en matière de droits des femmes. J'avais beaucoup de projets pour l'avenir. Je voulais le rendre meilleur. Mais sous les talibans*, c'est impossible", raconte-t-elle.
Malgré qu’il ait évoqué le respect des droits et libertés des femmes, le mouvement radical a déjà imposé un certain nombre de restrictions, en remplaçant notamment le ministère afghan de la Condition féminine par un ministère "pour la promotion de la vertu et la prévention du vice" chargé de veiller au respect de la loi islamique. De plus, les femmes ont désormais un accès limité à l’éducation et au travail.
Le voile intégral, burqa, fait partie des nouvelles restrictions, ce qui est contraire aux traditions afghanes, insiste Sofiea. Sur les réseaux sociaux, elle a lancé avec son mari un hashtag #DoNotTouchMyClothes pour le mettre en lumière. De nombreuses Afghanes ont participé à la campagne en publiant leurs photos en tenue traditionnelle, qui est loin d’être la burqa.
Women's rights are being systematically dismantled in Afghanistan. We support all Afghan women who are bravely resisting and standing up for their human rights through the #DoNotTouchMyClothes protest pic.twitter.com/QwK18Yn7bI
— Amnesty International USA (@amnestyusa) September 20, 2021
En l’espace de 20 ans, la mode a connu des changements en Afghanistan, indique Sofiea.
"Les femmes afghanes ont pu faire connaître notre culture à beaucoup de pays. Elles ont montré les vêtements traditionnels afghans et ce n'est pas un hijab ou une burqa. Les Afghanes n'ont jamais voulu les porter volontairement. C’est surtout les talibans* et leurs familles qui disaient de porter de tels vêtements", pointe-t-elle.
Afghan women are posting beautiful and colourful photos online in response to the Taliban’s attempt to normalize head-to-toe black coverage for women
— Nasrin Nawa (@NasrinNawaBBC) September 16, 2021
Afghan women are using hashtags like #DoNotTouchMyClothes and #AfghanCulture to resist the Taliban’s strict and sexist dress code pic.twitter.com/wZcBahMCgY
Pour elle, il n'est pas nécessaire qu’une musulmane porte obligatoirement une burqa. Elle-même, qui affirme n’avoir jamais préféré "les vêtements qui couvrent partiellement ou complètement le visage", ne compte revenir dans son pays qu’à condition que les talibans* le quittent.
*Organisation terroriste interdite en Russie