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Baba Merzoug: ce canon algérien du XVIe siècle pris en otage par la France
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Un groupe de scientifiques et d’avocats appelle à la restitution de Baba Merzoug, un canon pris par la France en 1830 lors de la prise d’Alger. Exposée dans... 23.09.2021, Sputnik Afrique
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Âgé de 479 ans, Baba Merzoug (le Père Béni) continue de déchaîner les passions des deux côtés de la Méditerranée. Ce canon d’une longueur de 6,25 mètres fait de 12 tonnes de bronze faisait partie du système de défense de la ville d’Alger. La pièce d’artillerie, qui a longtemps été la plus grande au monde, pouvait tirer des boulets de 20 kilogrammes sur plus de cinq kilomètres. Actif jusqu’en 1666, Baba Merzoug a grandement participé à faire d’Alger une ville imprenable par la mer. Adulé par les Algérois, il a finalement été pris par les soldats français, qui avaient débarqué plus à l’ouest, lors de l’invasion de juillet 1830. Pour les officiers de Charles X, la prise de Baba Merzoug était aussi importante que le pillage de l’immense trésor de la régence et du dey. Le canon est traité comme un prisonnier de guerre et est envoyé à Brest où il prend le nom de La Consulaire. Lors d’une conférence animée à Alger lundi 20 septembre 2021, le docteur Smaïl Boulbina, membre fondateur du Comité national pour la restitution du canon Baba Merzoug, est revenu sur le mythe fondateur de cette haine française envers ce canon.Le consul aurait été tué en étant poussé dans le canon puis propulsé. D’où le nom de La Consulaire donné ensuite à Baba Merzoug lors de son transfert à Brest. Il est depuis placé à la verticale dans un coin du port, surmonté d’un coq gaulois pour montrer la domination de la France coloniale.Pour Smaïl Boulbina, il était impossible que le corps d’un homme puisse entrer dans la bouche de ce canon, "même si celui-ci était de très grande taille". En consultant des documents d’époque dans le cadre d’une enquête historique, il a découvert que le consul Jean Le Vacher avait été tué lors d’un supplice à la couleuvrine, sorte d’arquebuse utilisée durant la Renaissance qui tirait de petits boulets de pierre ou de métal. "La Consulaire de Brest n’est pas la fameuse couleuvrine instrument de supplice du vieux consul de France Jean Le Vacher", a insisté Smaïl Boulbina lors de cette conférence. Pourtant, le mythe du Baba Merzoug meurtrier reste encore ancré dans la mémoire française."France revancharde"Faïza Riache, chercheuse en archéologie, a expliqué à Sputnik que la France reste encore attachée à la symbolique que revêt ce canon. "Tout ce qui touche à la notion de domination de l’Algérie est important en France. Et le cas de Baba Merzoug est un exemple parfait toujours sur le sol français", affirme-t-elle.Membre actif du Comité national pour la restitution du canon Baba Merzoug, Me Fatma-Zohra Benbraham, avocate au barreau d’Alger, estime que le travail de récupération du canon géant est avant d’ordre juridique. Co-animatrice de la conférence aux côtés du docteur Smaïl Boulbina, l’avocate a estimé que la procédure de récupération "est relativement simple", car Baba Merzoug n’est pas une pièce muséale et ne nécessite donc pas de passer par un long processus de déclassification.Père FortunéSelon elle, Baba Merzoug a le statut "de pièce d’art algérienne déplacée" puisque, lorsque de l’arrivée en Algérie des Français, "elle n’avait déjà plus de valeur militaire". Au cours de ses recherches, Me Fatma-Zohra Benbraham a découvert que le commandement de la Marine de guerre voyait d’un mauvais œil la présence de Baba Merzoug dans l’arsenal.L’avocate a appelé à "agir dans le cadre d'une commission mixte algéro-française pour l'accélération de la restitution de ce canon emblématique". Il est évident que la récupération de Baba Merzoug est avant tout une question de volonté politique. Paris aura ainsi l’occasion de démontrer son intention de mettre un terme à cette image de dominateur-colonisateur que renvoie le symbole du coq posé sur la bouche de ce canon. Une action qui s’annonce complexe à mettre en œuvre pour le Président Emmanuel Macron en cette période préélectorale, au risque d’être encore accusé de faire un geste envers l’Algérie.
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Baba Merzoug: ce canon algérien du XVIe siècle pris en otage par la France
10:53 23.09.2021 (Mis à jour: 17:42 10.01.2022) Un groupe de scientifiques et d’avocats appelle à la restitution de Baba Merzoug, un canon pris par la France en 1830 lors de la prise d’Alger. Exposée dans une posture jugée humiliante à Brest, cette pièce d’artillerie est victime d’un mythe sur les conditions de la mort du premier consul de France à Alger nommé par Louis XIV.
Âgé de 479 ans, Baba Merzoug (le Père Béni) continue de déchaîner les passions des deux côtés de la Méditerranée. Ce canon d’une longueur de 6,25 mètres fait de 12 tonnes de bronze faisait partie du système de défense de la ville d’Alger. La pièce d’artillerie, qui a longtemps été la plus grande au monde, pouvait tirer des boulets de 20 kilogrammes sur plus de cinq kilomètres. Actif jusqu’en 1666, Baba Merzoug a grandement participé à faire d’Alger une ville imprenable par la mer. Adulé par les Algérois, il a finalement été pris par les soldats français, qui avaient débarqué plus à l’ouest, lors de l’invasion de juillet 1830. Pour les officiers de Charles X, la prise de Baba Merzoug était aussi importante que le pillage de l’immense trésor
de la régence et du dey. Le canon est traité comme un prisonnier de guerre et est envoyé à Brest où il prend le nom de La Consulaire. Lors d’une conférence animée à Alger lundi 20 septembre 2021, le docteur Smaïl Boulbina, membre fondateur du Comité national pour la restitution du canon Baba Merzoug, est revenu sur le mythe fondateur de cette haine française envers ce canon.
"Lors de la guerre franco-algérienne (1681-1688), déclenchée par le roi Louis XIV, l’amiral Duquesne avait été chargé de bombarder Alger avec des bombes incendiaires. Le bombardement nuit et jour avait été responsable de la mort d’un millier d’Algériens. Pour se venger, le dey Hadj Husaïn a ordonné la mise à mort en 1683 de Français présents dans la ville, dont le vicaire apostolique et consul du roi de France, le père Jean Le Vacher", a-t-il indiqué.
Le consul aurait été tué en étant poussé dans le canon puis propulsé. D’où le nom de La Consulaire donné ensuite à Baba Merzoug lors de son transfert à Brest. Il est depuis placé à la verticale dans un coin du port, surmonté d’un coq gaulois pour montrer la domination de la France coloniale.
Pour Smaïl Boulbina, il était impossible que le corps d’un homme puisse entrer dans la bouche de ce canon, "même si celui-ci était de très grande taille". En consultant des documents d’époque dans le cadre d’une enquête historique, il a découvert que le consul Jean Le Vacher avait été tué lors d’un supplice à la couleuvrine, sorte d’arquebuse utilisée durant la Renaissance qui tirait de petits boulets de pierre ou de métal. "La Consulaire de Brest n’est pas la fameuse couleuvrine instrument de supplice du vieux consul de France Jean Le Vacher", a insisté Smaïl Boulbina lors de cette conférence. Pourtant, le mythe du Baba Merzoug meurtrier reste encore ancré dans la mémoire française.
Faïza Riache, chercheuse en archéologie, a expliqué à Sputnik que la France reste encore attachée à la symbolique que revêt ce canon. "Tout ce qui touche à la notion de domination de l’Algérie est important en France. Et le cas de Baba Merzoug est un exemple parfait toujours sur le sol français", affirme-t-elle.
"Aujourd’hui encore, les experts et des officiels français font référence à une fausse histoire sur les conditions de la mort du consul Jean Le Vacher pour justifier la punition infligée depuis 191 ans à Baba Merzoug. Dans l’imaginaire français, il reste le canon meurtrier. Il est utile de s’interroger sur le maintien de la symbolique de ce coq posé sur Baba Merzoug dans un pays qui a engagé un travail mémoriel apaisant. Nous sommes toujours dans une vision d’une France revancharde en utilisant un bien culturel", souligne Faïza Riache.
Membre actif du Comité national pour la restitution du canon Baba Merzoug, Me Fatma-Zohra Benbraham, avocate au barreau d’Alger, estime que le travail de récupération du canon géant est avant d’ordre juridique. Co-animatrice de la conférence aux côtés du docteur Smaïl Boulbina, l’avocate a estimé que la procédure de récupération "est relativement simple", car Baba Merzoug n’est pas une pièce muséale et ne nécessite donc pas de passer par un long processus de déclassification.
"Ce canon n’appartient à aucun musée de l’armée française. Pour qu’une pièce soit considérée muséale, elle doit avoir une appellation ou un titre, un numéro d’inventaire, une datation, une description précise des matériaux et des techniques de fabrication. Dans le cas de Baba Merzoug, nous avons vérifié tous les registres, nous n’avons pas trouvé une quelconque inscription. Si ce n’est pas une pièce muséale, l’État français ne peut pas s’opposer à sa restitution. Nous ne sommes pas dans le cas des crânes des combattants algériens du XIXe siècle dont la restitution officielle est passée par un long processus de déclassification qui a nécessité l’approbation du Sénat", a-t-elle souligné.
Selon elle, Baba Merzoug a le statut "de pièce d’art algérienne déplacée" puisque, lorsque de l’arrivée en Algérie des Français, "elle n’avait déjà plus de valeur militaire". Au cours de ses recherches, Me Fatma-Zohra Benbraham a découvert que le commandement de la Marine de guerre voyait d’un mauvais œil la présence de Baba Merzoug dans l’arsenal.
"Avec le temps, la population de Brest s’est approprié le canon qui a été appelé Père fortuné. Pendant de nombreuses années, des Brestois tournaient autour du Baba Merzoug et le touchaient afin d’avoir la baraka du géant de bronze qui avait apporté la fortune à Alger ", affirme Me Benbraham.
L’avocate a appelé à "agir dans le cadre d'une commission mixte algéro-française pour l'accélération de la restitution de ce canon emblématique". Il est évident que la récupération de Baba Merzoug est avant tout une question de volonté politique. Paris aura ainsi l’occasion de démontrer son intention de mettre un terme à cette image de dominateur-colonisateur que renvoie le symbole du coq posé sur la bouche de ce canon. Une action qui s’annonce complexe à mettre en œuvre pour le Président Emmanuel Macron en cette période préélectorale, au risque d’être encore accusé de faire un geste envers l’Algérie.