Sous-marin Shortfin Barracuda (AFP PHOTO / DCNS) - Sputnik Afrique, 1920, 21.09.2021
L'Australie rompt le méga-contrat de sous-marins avec la France
Une nouvelle alliance entre les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni a torpillé un contrat de sous-marins français à Canberra, provoquant l'ire de Paris.

Contrat du siècle: après la gifle australienne, la main tendue indienne?

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Sous-marin Shortfin Barracuda (AFP PHOTO / DCNS) - Sputnik Afrique, 1920, 22.09.2021
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L’Inde et la France vont renforcer leur coopération en indopacifique. Partenaire historique de l’industrie de Défense française, New Delhi pourrait-il tourner à son avantage le camouflet essuyé par la France en Australie? Éclairages.
Le fiasco français en Australie pourrait-il, par ricochet, servir les intérêts indiens?
Depuis que Canberra a torpillé le "contrat du siècle" de 12 sous-marins avec la complicité de l’Administration Biden, les regards se tournent vers l’Inde. New Delhi a en effet manifesté son intérêt pour les submersibles tricolores et budgétisé douze milliards d’euros pour se doter de six sous-marins à propulsion nucléaire. "Une idée fait son chemin parmi les analystes de la capitale: New Delhi doit saisir l’occasion pour pousser la France à transférer sa technologie en matière de submersibles, en particulier dans la propulsion nucléaire", relate Le Figaro.

"Le tabou de la dissémination nucléaire a volé en éclats"

Le 21 septembre, Emmanuel Macron et le Premier ministre indien Narenda Modi se sont entretenus par téléphone. Les deux hommes d’État ont réaffirmé leur volonté d’agir conjointement dans la région indopacifique. Selon l’Élysée, le Président de la République aurait insisté sur "l’engagement de la France à contribuer au renforcement de l’autonomie stratégique de l’Inde, y compris sa base industrielle et technologique". Reste à savoir si une concession française dans ce domaine si stratégique et souverain qu’est la propulsion nucléaire est envisageable.

"Cela paraît assez logique côté indien d’élargir la brèche pour s’assurer un transfert de technologies que les Américains ne sont pas prêts à faire", reconnaît au micro de Sputnik le journaliste Olivier Da Lage.

Auteur de l’essai L’Inde, désir de puissance (Éd. Armand Colin, 2017), celui-ci souligne que le "tabou de la dissémination nucléaire a volé en éclats" suite à l’annonce par Joe Biden et Boris Johnson d’un tel transfert technologique en faveur de l’Australie.

"Dans l’état d’esprit qui est celui de l’Inde actuellement, la question des transferts de technologies se posera de toute manière. L’Inde veut véritablement atteindre l’autonomie la plus complète possible et le plus rapidement possible. J’ai du mal à imaginer qu’ils demandent simplement des sous-marins sans participer à leur élaboration et leur construction, ce qui était le cas des Scorpène."

En 2005 en effet, New Delhi avait passé la commande de six submersibles à DCNS (rebaptisé depuis Naval Group), construits à Bombay. Un contrat qui s’est accompagné d’un transfert de technologie "sans précédent pour l’industrie indienne", pour reprendre les mots du groupe français. Le procédé a également été une condition sine qua non dans le cadre du contrat Rafale. Dassault ne put y échapper partiellement qu’en réduisant drastiquement la voilure: initialement de 126 appareils, dont 108 fabriqués en Inde, l’opération fut finalement conclue sur 36 appareils fabriqués en France.
Comme le rappelle Olivier Da Lage, l’Hexagone est un partenaire "très apprécié" des Indiens en matière militaire. Des relations de longue date. Si le "spectaculaire" contrat Rafale signé en 2016 "a enraciné l’idée en Inde que la France est un partenariat stratégique", dès les années 50, l’Inde avait acheté 130 avions d’attaque au sol Ouragan ainsi que 110 Mystère IV à Dassault Aviation, puis une cinquantaine de Mirage 2000 au milieu des 1980. Ces derniers s’illustrèrent particulièrement lors du conflit des Kargil en 1999, en permettant à l’armée indienne de détruire les places fortes pakistanaises sur les sommets himalayens.
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Depuis ces faits d’armes, le Mirage 2000 demeure le principal appareil multirôle des forces aériennes indiennes (IAF). Tant est si bien qu’en début de semaine, la presse indienne révélait que New Delhi avait acheté à Paris fin août 24 Mirage 2000 démobilisés afin de maintenir en état sa flotte en dépit de l’arrivée du Rafale sur les bases aériennes du Cachemire.

La parole française plus fiable que celle des Américains

Malgré l’accroc d’avoir infligé à l’Inde un embargo durant la seconde guerre indo-pakistanaise de 1965, la France jouit de son statut de puissance non alignée sur l’un des blocs et de ne pas être l’ex-colonisateur britannique. En 1998, ces liens bilatéraux en matière de Défense se concrétisent par la signature d’un partenariat stratégique. Paris y reconnaît le rôle pivot de l’Inde dans la région et souhaite la soutenir dans les instances internationales, promouvoir la coopération dans les domaines de la Défense, du nucléaire civil, du commerce et de l’industrie. Une relation privilégiée qui n’a jamais cessé de croître et autour de laquelle Paris articule sa stratégie dans l’espace Indopacifique.
La France demeure ainsi le deuxième fournisseur d’armements de l’Inde derrière la Russie, qui reste de loin le premier partenaire du pays. Une place de choix dans la mesure où l’Inde est le deuxième plus gros importateur d’armements au monde après l’Arabie saoudite.

"À tort ou à raison, les Français sont considérés comme mettant moins de conditions à la livraison d’armes que les Américains: il n’y a pas un Congrès qui peut venir voter pour imposer des restrictions et on n’anticipe pas le fait qu’un changement de Président pourrait changer la politique de livraison d’armes."

Mais les relations franco-indiennes ne se limitent pas qu’au secteur de la Défense. Dans un autre secteur stratégique, le nucléaire, le français EDF prévoit de construire six réacteurs EPR à Jaitapur, dans le sud-ouest de l’Inde. C’est dans cette "continuité" des relations franco-indiennes qu’Olivier Da Lage estime plausible une demande indienne d’acquérir la propulsion nucléaire.

L’Inde partenaire des États-Unis et de l’Australie

Paris n’est toutefois pas le seul allié occidental de choix de New Delhi. Malgré la crise qui oppose la France aux États-Unis et à l’Australie, Narenda Modi "ne laisse pas du tout tomber les Anglo-saxons".
En effet, si Emmanuel Macron a eu droit à un coup de téléphone du Premier ministre indien, celui-ci est ce 22 septembre même à Washington, "non seulement pour parler à l’Assemblée générale des Nations unies, mais pour participer à une réunion du “Quad”", relate Olivier Da Lage. "C’est sa première visite hors du voisinage immédiat depuis le début de la pandémie", précise-t-il. Le "Quad" ou Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, est un groupe de coopération réunissant depuis 2007 le Japon, l’Australie, l’Inde et les États-Unis.
Bien que moins formelle que le tout nouveau Aukus lancé avec Londres et Canberra, il s’agit ni plus ni moins que d’une alliance ayant pour toile de fond la concurrence croissante entre Washington et Pékin. Reste à savoir si l’Inde aura les moyens financiers de ses ambitions. En effet, New Delhi "n’a pas des coffres de taille infinie", conclut Olivier Da Lage. Reste surtout à espérer pour Paris que le Quad sous tutelle américaine n’aura pas, pour la France, les mêmes effets que l’Aukus.
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