Retour à la case départ: au Canada, Justin Trudeau réélu, mais sans majorité
15:45 21.09.2021 (Mis à jour: 19:56 03.01.2024)
© AFP 2024 STEPHANIE LECOCQJustin Trudeau
© AFP 2024 STEPHANIE LECOCQ
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Au Canada, Justin Trudeau, bien que réélu Premier ministre lors des élections fédérales, n’obtiendra pas de majorité parlementaire pour son parti à Ottawa. Victoire sur la forme, défaite sur le fond pour les libéraux?
612 millions de dollars canadiens (408 millions d’euros). C’est la campagne fédérale la plus coûteuse de l’histoire canadienne en raison des nouvelles contraintes liées à la pandémie de Covid-19. Et tout cela pour en arriver au même résultat qu’en 2019. En effet, selon les projections des grands médias nationaux tels que Radio-Canada, les libéraux de Justin Trudeau formeront à nouveau un gouvernement minoritaire à la Chambre des communes.
"Quand je suis devenu Premier ministre il y a six ans, je ne pouvais pas savoir ce que l’avenir nous réservait. On ne savait pas que notre pays ferait face à la pandémie du siècle ou à une crise économique mondiale. Ce que je savais déjà par contre, c’est qu’ensemble, les Canadiens sont capables de surmonter tous les obstacles", a déclaré Justin Trudeau vers 1h30 du matin le 21 septembre, durant son discours de victoire.
Dans les faits, c’est un important revers pour les libéraux, mais aussi pour les conservateurs d’Erin O’Toole, principaux adversaires de Justin Trudeau. Pour tenter de faire mieux que son prédécesseur Andrew Scheer en 2019, Erin O’Toole a entamé un important recentrage de son parti, notamment en décidant ne pas remettre en question l’avortement, un thème secondaire des campagnes fédérales depuis plusieurs années, mais toujours sensible au pays de l’érable. Une stratégie qui n’aura pas suffi à faire pencher la balance en faveur du grand parti de droite.
"Notre pays fait face aux plus grands défis économiques depuis la Grande Dépression. L’inflation est à son plus haut niveau en vingt ans et continue à grimper tous les jours. Pour relever ces énormes défis, il faut continuer de travailler ensemble. […] Il faut rester courageux et ne pas nous détourner de nos objectifs", a quant à lui déclaré Erin O’Toole quelques minutes avant le discours de Trudeau.
Au Québec, province déterminante comprenant 23% de tous les sièges à Ottawa, les conservateurs se sont démarqués en promettant de ne pas s’ingérer dans les champs de compétence de l’État québécois.
Échec de l’opération séduction des conservateurs au Québec
Contrairement à Justin Trudeau, Erin O’Toole s’était engagé à ne pas contester la loi québécoise sur la laïcité de l’État, une loi controversée dans les provinces anglophones, car jugée discriminatoire par certains. Pour courtiser l’électorat nationaliste, le chef conservateur avait aussi promis d’accorder davantage de pouvoirs au Québec en matière d’immigration. Le programme des toriesleur a même valu un appui officiel du Premier ministre québécois, François Legault, qui a qualifié de "bonne pour la nation québécoise" l’approche d’Erin O’Toole:
"Je trouve ça très inquiétant de voir trois partis –le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert– [vouloir] centraliser et s’approprier des pouvoirs qui sont clairement des compétences des provinces. […] Trois partis veulent nous donner moins d’autonomie, je trouve ça dangereux", avait mis en garde M. Legault.
Une sortie qui a été interprétée par des chefs d’opposition à Québec comme une forme d’ingérence dans les élections, voire comme une intervention paternaliste.
À l’échelle fédérale, cette campagne aura été marquée par de nombreux incidents impliquant des militants opposés à la vaccination et aux mesures sanitaires en général.
La vaccination obligatoire au cœur de la campagne
Faisant de la vaccination obligatoire pour les fonctionnaires fédéraux un thème central de sa campagne, Justin Trudeau a été invectivé à de nombreuses reprises par des manifestants. Fin août, des protestataires ont réussi à faire annuler un rassemblement du Parti libéral où Justin Trudeau devait prendre la parole. "Les anti-vaccins menacent leurs propres enfants et les nôtres", a accusé le chef libéral quelques jours plus tard. Le Premier ministre sortant a également été victime de jets de pierre de la part de manifestants en colère, du jamais vu dans une campagne canadienne.
Un manifestant lance ce qui semble être une poignée de petites roches en direction de Justin Trudeau lorsque le chef du PLC remonte à bord de son autobus de campagne après un événement à London. #polcan #Elxn44 pic.twitter.com/bZMvn1BlWM
— Olivier Ferron-Boissé (@OBoisse) September 6, 2021
Sans surprise, la pandémie aura retenu une grande partie de l’attention de tous les chefs de parti. Le manque personnel et l’engorgement des hôpitaux d’est en ouest du pays sont des enjeux qui ont fait l’objet d’une attention particulière durant toute la durée de la campagne. Les adversaires de Trudeau lui ont tous reproché de déclencher une élection en pleine quatrième vague de coronavirus, un geste qui aurait mis en péril la santé des Canadiens. Une critique qu’a toujours pris soin de rejeter le principal intéressé:
"Vous avez donné aux parlementaires un mandat clair pour qu’on en finisse avec cette pandémie une bonne fois pour toutes et bâtir un meilleur avenir. […] Mes amis, je suis prêt à poursuivre le travail", a insisté le Premier ministre élu durant son discours.
La campagne aura aussi été bousculée par le retrait précipité des derniers Canadiens d’Afghanistan, un sujet qui s’est aussitôt invité dans le débat politique. Fin août, la ministre libérale Maryam Monsef évoquait "nos frères talibans" en conférence de presse, ce qui a été interprété comme un grave manque de respect envers les 165 Canadiens morts sur le terrain durant l’intervention canadienne (2001-2014).
Pour l’instant, tout indique donc que la répartition du Parlement restera sensiblement la même qu’avant le déclenchement des élections.Les résultats définitifs du scrutin seront connus dans les prochains jours.