Quand la CIA s’associe à l’Ukraine pour générer des fake news sur les «mercenaires russes»
10:15 18.09.2021 (Mis à jour: 12:08 02.03.2023)
S'abonner
Qu’ont en commun CNN et le FSB? Ils sont arrivés à la même conclusion: la CIA a travaillé avec le renseignement militaire ukrainien pour piéger des citoyens russes. Analyse de Pierre Lorrain, journaliste et écrivain, pour Le Désordre mondial.
Dans un reportage exclusif, CNN cite des sources au sein du renseignement ukrainien qui leur ont raconté que des espions ukrainiens avaient monté une société de sécurité privée russe fictive.
Ils ont créé un site web présentant de fausses offres d’emploi à 5.000 dollars par mois pour protéger des intérêts pétroliers au Venezuela. L’objectif? Appâter des Russes, qu’ils qualifient de «mercenaires», et les enlever pour les emmener en Ukraine afin d’y être jugés pour de prétendus crimes de guerre commis dans le Donbass.
Les candidats devaient transiter par la Biélorussie. Problème: ils étaient présents dans ce pays juste avant la Présidentielle de l’année dernière et c’est le KGB biélorusse qui les a arrêtés, faisant capoter l’opération. Selon CNN, «l’opération dirigée par l’Ukraine a obtenu de l’argent américain, une assistance technique et des conseils de la CIA sur la façon d’attirer les mercenaires russes». Alors que le gouvernement américain nie toute implication, le Service fédéral de sécurité russe est d’accord avec la chaîne d’information US sur la participation de la CIA.
Pourquoi les États-Unis se sont-ils mêlés de cette affaire? Pourquoi les responsables ukrainiens ont-ils finalement tout déballé sur l’opération? Et pourquoi la Biélorussie a-t-elle été choisie comme décor pour cette histoire d’espionnage digne d’un thriller hollywoodien?
Pierre Lorrain, journaliste spécialiste de l’URSS, du monde post-soviétique et de la Russie, auteur du livre L’Ukraine: Une histoire entre deux destins (Éd. Bartillat), revient sur la collaboration entre les services de renseignement américain et ukrainien:
«La CIA, depuis 2014 et les événements en Ukraine dans le Donbass et en Crimée, collabore très activement avec le SBU [l’ancien KGB ukrainien]. Le SBU est doté d’un financement qui vient en partie de la CIA et de fonds du Pentagone. Les Américains ne se cachent pas de faire ça.»
Pour le journaliste, les Ukrainiens n’avaient pas intérêt à dévoiler la présence des mercenaires russes en Biélorussie. La fuite de l’an dernier vient donc «probablement de la CIA». Et les Américains ont profité d’un effet d’aubaine:
«Pour des raisons que l’on ne parvient pas tellement à comprendre, ces gens se sont retrouvés bloqués pour quelques jours. En fait, à cet instant, l’opération pour les Ukrainiens était plus ou moins finie, ils n’avaient plus réellement de chances à parvenir à faire ce qu’ils voulaient initialement. Les services secrets américains se sont alors dit qu’ils allaient jouer une carte différente et créer un problème entre la Russie et la Biélorussie», analyse Pierre Lorrain.
Quel était l’objectif de ce piège? Pour le journaliste, le but était de «créer une fissure entre la Russie et la Biélorussie»:
«Normalement, si tout s’était bien passé selon les plans des Ukrainiens, les 32 Russes arrivés à Kiev auraient été arrêtés et jugés. Or, ils sont restés à Minsk. Et le New York Times à l’époque a par conséquent fait sa Une en disant que la Russie envoyait des mercenaires pour saboter l’élection biélorusse.»