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Libye: «Le tribalisme a encore triomphé dans le pays»
Libye: «Le tribalisme a encore triomphé dans le pays»
Sputnik Afrique
Dans un entretien à Sputnik, le docteur Riadh Sidaoui analyse le contexte et les enjeux qui entourent la réunion, qui se tient les 30 et 31 août à Alger, entre... 31.08.2021, Sputnik Afrique
2021-08-31T16:29+0200
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Depuis lundi 30 août, une conférence de deux jours se tient à Alger sur la crise politique en Libye, réunissant les ministres des Affaires étrangères des sept États voisins de ce pays nord-africain. La réunion organisée à l'initiative de l'Algérie verra la participation des ministres de la Libye, de la Tunisie, de l'Égypte, du Soudan, du Niger, du Tchad et de la République du Congo. Le but est de dégager une feuille de route en soutien au processus électoral dont les dates ont été fixées à la Conférence de Berlin II, tenue en juin 2021 sous les auspices de l’Onu. Si tout se déroule comme prévu, les élections présidentielle et législatives libres devraient se tenir le 24 décembre 2021.Le secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, le commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité de l'Union africaine (UA), Bankole Adeoye, et l'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu pour la Libye, Jan Kubis, prennent également part à cette réunion.Suite à la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est devenue depuis 2014 le théâtre d’une guerre fratricide pour le pouvoir entre le gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez el-Sarraj, à Tripoli, dans l’ouest du pays et reconnu par la communauté internationale, et l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle la majeure partie de l’est du pays. Cette situation a créé une insécurité dans les pays du Sahel, notamment le Mali et le Tchad, mais aussi au Maghreb, aux frontières de l’Algérie et de la Tunisie. L’Égypte est également gravement impactée, suite à la prolifération du trafic d’armes et de drogues dans toute la région, aggravé par l’arrivée de milliers de mercenaires et de djihadistes en provenance de Syrie.Ainsi, les élections de décembre qui sont cruciales pour la Libye, son voisinage immédiat et l’Europe, ont-elles une chance de se tenir à la date prévue et dans de bonnes conditions, à même de légitimer le pouvoir qui en sortira? Ce sommet d’Alger réussira-t-il à aplanir les derniers obstacles entre les différentes parties libyennes? Y a-t-il possibilité de mettre fin aux tentations séparatistes des différentes tribus et mettre ainsi fin à l’ingérence étrangère? À cet effet, quel est l’obstacle majeur qui bloque le dialogue et qu’il faudrait surmonter?«Le tribalisme, le terrain fertile du sécessionnisme»«La Libye n’a jamais été un État au sens propre du mot. Elle a toujours été constituée de trois grandes régions, à savoir la Tripolitaine, la Cyrénaïque ou Benghazi actuellement et le Fezzan», affirme le docteur Sidaoui, soulignant que «l’intervention de l’Otan en 2011, sous instigation franco-britannique et avec la participation active de la Turquie et du Qatar, a provoqué la division du pays à nouveau en ces trois régions».Et de préciser que la société libyenne «est formée de différents clans tribaux dont les plus importants sont les Qadhadhfa, les Megarha et les Ouarfalla. Ces derniers sont très actifs politiquement, diplomatiquement et militairement dans la crise. Ce facteur clanique est primordial dans l’approche de la crise libyenne et doit être pris en considération, car les équilibres entre les différents clans sont importants dans la démarche à suivre pour la résolution de la crise».Quid de l’ingérence étrangère?Selon les rapports de l’Onu, il y a entre 20.000 et 30.000 combattants et mercenaires dans les rangs des différentes milices actives en Libye, qui échappent encore au contrôle du gouvernement d’union nationale dirigé par Abdel Hamid Dbeibah.«Depuis 2014, les hostilités entre le GNA et l’ANL ont ouvert la porte ces dernières années à l’arrivée de plusieurs acteurs internationaux», indique l’expert, soulignant que «le premier est soutenu par la Turquie, également membre de l’Otan, et le Qatar. Alors que le second est appuyé par l’Égypte, les Émirats arabes unis, la France et la société de sécurité privée russe Wagner, dont le Kremlin nie toute relation [et dont la présence en Libye n'a jamais été confirmée par Moscou, ndlr]. Le non-respect de l’embargo sur les armes en direction de la Libye imposé par l’Onu, même actuellement, a envenimé gravement la situation».Ainsi, alors que les armes continuent d’affluer vers le pays, «il est très difficile pour les pays participant au sommet d’Alger de pouvoir trouver un compromis salvateur entre toutes les parties libyennes, mais aussi leurs soutiens extérieurs qui ont des intérêts vitaux à défendre dans le pays, notamment l’accès à ses ressources pétrolières et gazières. Un tel compromis est nécessaire, afin de pouvoir mettre en place un plan et un échéancier de retrait de toutes les forces étrangères et des dizaines de milliers de combattants et de mercenaires», soutient-il.Dans cette optique, «les deux pays de la région pouvant peser de tout leur poids pour aller dans ce sens, pour aider à faire réussir le dialogue afin de faire cesser le bruit des armes, préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye, en dehors de toute ingérence néfaste, sont l’Algérie et l’Égypte», estime-t-il. À ce titre, il rappelle qu’«en juillet 2020, les députés égyptiens ont adopté un projet de loi autorisant le Président Abdel Fattah Al-Sissi à engager les Forces armées du pays sur le territoire libyen, si les milices du GNA, soutenues par la Turquie, continuent leur avancée vers l'est de la Libye. En décembre 2020, les Algériens ont également adopté une nouvelle Constitution permettant l’engament de l’armée dans des opérations de maintien de la paix, sous les auspices de l’Onu, de l’Union africaine ou de la Ligue des États arabes. Le Président Tebboune avait averti dernièrement que l’Algérie n’acceptera jamais que la capitale Tripoli soit prise par des milices formées de mercenaires étrangers».«Le pétrole complique la tâche»Enfin, le docteur Sidaoui affirme que «la question du contrôle des ressources pétrolières et gazières dans le pays, ainsi que la redistribution de la rente d’une manière juste et équitable entre les différentes parties et tribus libyennes, est importante et centrale dans toute solution politique négociée à même de mettre un terme au conflit».«Si cette question n’est pas réglée, il très peu probable qu’il puisse y avoir un compromis pour aller vers les élections législatives et présidentielle», conclut-il, soulignant que «quels que soient les arguments qui seront avancés par les uns ou par les autres pour ne pas participer à ces échéances électorales, la redistribution de la rente des hydrocarbures reste la principale pierre d’achoppement qui sous-tend les positions de tous les acteurs nationaux et internationaux. Ceci, en plus du problème de l’immigration clandestine, notamment vers l’Europe, et du terrorisme au Maghreb et dans toute la région du Sahel».
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Depuis lundi 30 août, une conférence de deux jours se tient à Alger sur la crise politique en Libye, réunissant les ministres des Affaires étrangères des sept États voisins de ce pays nord-africain. La réunion organisée à l'initiative de l'Algérie verra la participation des ministres de la Libye, de la Tunisie, de l'Égypte, du Soudan, du Niger, du Tchad et de la République du Congo. Le but est de dégager une feuille de route en soutien au processus électoral dont les dates ont été fixées à la Conférence de Berlin II, tenue en juin 2021 sous les auspices de l’Onu. Si tout se déroule comme prévu, les élections présidentielle et législatives libres devraient se tenir le 24 décembre 2021.
Le secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, le commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité de l'Union africaine (UA), Bankole Adeoye, et l'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu pour la Libye, Jan Kubis, prennent également part à cette réunion.
Suite à la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est devenue depuis 2014 le théâtre d’une guerre fratricide pour le pouvoir entre le gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez el-Sarraj, à Tripoli, dans l’ouest du pays et reconnu par la communauté internationale, et l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle la majeure partie de l’est du pays. Cette situation a créé une insécurité dans les pays du Sahel, notamment le Mali et le Tchad, mais aussi au Maghreb, aux frontières de l’Algérie et de la Tunisie. L’Égypte est également gravement impactée, suite à la prolifération du trafic d’armes et de drogues dans toute la région, aggravé par l’arrivée de milliers de mercenaires et de djihadistes en provenance de Syrie.
Ainsi, les élections de décembre qui sont cruciales pour la Libye, son voisinage immédiat et l’Europe, ont-elles une chance de se tenir à la date prévue et dans de bonnes conditions, à même de légitimer le pouvoir qui en sortira? Ce sommet d’Alger réussira-t-il à aplanir les derniers obstacles entre les différentes parties libyennes? Y a-t-il possibilité de mettre fin aux tentations séparatistes des différentes tribus et mettre ainsi fin à l’ingérence étrangère? À cet effet, quel est l’obstacle majeur qui bloque le dialogue et qu’il faudrait surmonter?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le politologue tunisien Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociologiques (CARAPS) de Genève. Pour lui, «il est encore difficile d’affirmer que ces élections vont avoir lieu, et ce pour plusieurs raisons. La sociologie tribale du pays, l’ingérence étrangère et la lutte pour le contrôle et la redistribution de la rente pétrolière sont autant de facteurs qui pèsent lourd sur l’évolution de la situation dans ce pays».
«Le tribalisme, le terrain fertile du sécessionnisme»
«La Libye n’a jamais été un État au sens propre du mot. Elle a toujours été constituée de trois grandes régions, à savoir la Tripolitaine, la Cyrénaïque ou Benghazi actuellement et le Fezzan», affirme le docteur Sidaoui, soulignant que «l’intervention de l’Otan en 2011, sous instigation franco-britannique et avec la participation active de la Turquie et du Qatar, a provoqué la division du pays à nouveau en ces trois régions».
Et de préciser que la société libyenne «est formée de différents clans tribaux dont les plus importants sont les Qadhadhfa, les Megarha et les Ouarfalla. Ces derniers sont très actifs politiquement, diplomatiquement et militairement dans la crise. Ce facteur clanique est primordial dans l’approche de la crise libyenne et doit être pris en considération, car les équilibres entre les différents clans sont importants dans la démarche à suivre pour la résolution de la crise».
Quid de l’ingérence étrangère?
Selon les rapports de l’Onu, il y a entre 20.000 et 30.000 combattants et mercenaires dans les rangs des différentes milices actives en Libye, qui échappent encore au contrôle du gouvernement d’union nationale dirigé par Abdel Hamid Dbeibah.
«Depuis 2014, les hostilités entre le GNA et l’ANL ont ouvert la porte ces dernières années à l’arrivée de plusieurs acteurs internationaux», indique l’expert, soulignant que «le premier est soutenu par la Turquie, également membre de l’Otan, et le Qatar. Alors que le second est appuyé par l’Égypte, les Émirats arabes unis, la France et la société de sécurité privée russe Wagner, dont le Kremlin nie toute relation [et dont la présence en Libye n'a jamais été confirmée par Moscou, ndlr]. Le non-respect de l’embargo sur les armes en direction de la Libye imposé par l’Onu, même actuellement, a envenimé gravement la situation».
Ainsi, alors que les armes continuent d’affluer vers le pays, «il est très difficile pour les pays participant au sommet d’Alger de pouvoir trouver un compromis salvateur entre toutes les parties libyennes, mais aussi leurs soutiens extérieurs qui ont des intérêts vitaux à défendre dans le pays, notamment l’accès à ses ressources pétrolières et gazières. Un tel compromis est nécessaire, afin de pouvoir mettre en place un plan et un échéancier de retrait de toutes les forces étrangères et des dizaines de milliers de combattants et de mercenaires», soutient-il.
Dans cette optique, «les deux pays de la région pouvant peser de tout leur poids pour aller dans ce sens, pour aider à faire réussir le dialogue afin de faire cesser le bruit des armes, préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye, en dehors de toute ingérence néfaste, sont l’Algérie et l’Égypte», estime-t-il. À ce titre, il rappelle qu’«en juillet 2020, les députés égyptiens ont adopté un projet de loi autorisant le Président Abdel Fattah Al-Sissi à engager les Forces armées du pays sur le territoire libyen, si les milices du GNA, soutenues par la Turquie, continuent leur avancée vers l'est de la Libye. En décembre 2020, les Algériens ont également adopté une nouvelle Constitution permettant l’engament de l’armée dans des opérations de maintien de la paix, sous les auspices de l’Onu, de l’Union africaine ou de la Ligue des États arabes. Le Président Tebboune avait averti dernièrement que l’Algérie n’acceptera jamais que la capitale Tripoli soit prise par des milices formées de mercenaires étrangers».
Dans ce sens, «une entente algéro-égyptienne est souhaitable, d’autant plus que les deux pays coopèrent sur l’épineux dossier du barrage de la Renaissance en Éthiopie, après l’initiative algérienne pour la résolution de ce problème qui touche l’Égypte et le Soudan». Il y a lieu également de rassurer les autorités tchadiennes et soudanaises, «quant à la question du retour de milliers de mercenaires au pays, chose qu’elles refusent actuellement, y voyant un danger mortel à leur sécurité nationale».
«Le pétrole complique la tâche»
Enfin, le docteur Sidaoui affirme que «la question du contrôle des ressources pétrolières et gazières dans le pays, ainsi que la redistribution de la rente d’une manière juste et équitable entre les différentes parties et tribus libyennes, est importante et centrale dans toute solution politique négociée à même de mettre un terme au conflit».
«Si cette question n’est pas réglée, il très peu probable qu’il puisse y avoir un compromis pour aller vers les élections législatives et présidentielle», conclut-il, soulignant que «quels que soient les arguments qui seront avancés par les uns ou par les autres pour ne pas participer à ces échéances électorales, la redistribution de la rente des hydrocarbures reste la principale pierre d’achoppement qui sous-tend les positions de tous les acteurs nationaux et internationaux. Ceci, en plus du problème de l’immigration clandestine, notamment vers l’Europe, et du terrorisme au Maghreb et dans toute la région du Sahel».