Cours d'Anti-néolibéralisme
Avec l’aide de l’économiste Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, Sputnik entame une série d’émissions dans le but d’expliquer les fondements de ce néolibéralisme qui génèrent les crises répétitives.

Maximaliser le profit? Au lieu de chercher à motiver l’employé, vaut mieux se demander «pourquoi n’est-il pas motivé?»

© Sputnik . Par Omar AktoufLe professeur Omar Aktouf
Le professeur Omar Aktouf - Sputnik Afrique, 1920, 23.08.2021
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Dans le cadre du neuvième cours d’«Anti-néolibéralisme», le Pr Aktouf explique à Sputnik le processus historique ayant induit le passage de la plus-value absolue, obtenue par la force, à la plus-value relative et à la notion de baisse tendancielle des taux de profit introduite par Karl Marx. Selon lui, le profit continue «à tuer le travail humain».
Entre le XVIIIe et la fin du XIXe siècle, la montée de la démocratisation et républicanisation des régimes européens, jusque-là majoritairement monarchiques et aristocratiques, a été un aspect très important de l’évolution de la société et de l’économie du vieux monde. Cette nouvelle dynamique politique et sociale a entraîné un changement de première importance dans la vie des pays concernés par la révolution industrielle. C’est le changement dans le mode de désignation et d’accès au pouvoir.
Les hommes politiques ont donc été obligés, bon gré mal gré, de proposer de faire passer des mesures et des lois de plus en plus favorables à la classe la plus nombreuse, celle des travailleurs, en proportion de sa capacité à infléchir les résultats des élections.
Ainsi, avec la montée de lois imposant un minimum de respect du travailleur (salaire minimum, conditions d’hygiène et de sécurité, congés payés, protection en cas de maladies ou d’accidents, horaires de travail réduits et plus stricts, repos hebdomadaire), un problème s’est posé au producteur industriel, à savoir la productivité ou la rentabilité du travail. Ceci pose la question du mode d’usage du travail par unité de temps. Autrement dit, il s’agit de savoir comment produire toujours plus par unité de temps.
Comment est-on passé de la plus-value absolue à la plus-value relative? Qu’est-ce que cela a engendré sur les droits des travailleurs? La recherche continue de l’optimisation du temps de travail a-t-elle eu les effets escomptés par le capital?
Dans ce neuvième cours d’«Anti-néolibéralisme», Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, estime auprès de Sputnik que «les lois successives sur le travail, devenues de plus en plus contraignantes pour le patronat, ont fini par éroder la plus-value absolue de façon telle que le pouvoir même des patrons en était menacé. Ainsi, il a fallu trouver une autre forme de plus-value, dite relative».

Transfert du contrôle du travail

«Alors que l’accaparement de la plus-value absolue (donc profit) était la source fondamentale du maintien et du renforcement du pouvoir de la classe des possédants, la nouvelle situation induite par les lois du travail a été difficilement acceptée par les entrepreneurs et capitaines d’industrie pour qui, par définition, le profit doit être rapide, maximal et toujours en hausse exponentielle», expose le Pr Aktouf.
Et d’ajouter que «la volonté de se sortir de cette situation menaçant les intérêts du capital par le biais de la plus-value relative a donné forme à ce que Karl Marx appellera la baisse tendancielle des taux de profit».
Dans le même sens, l’interlocuteur de Sputnik explique que «l’acharnement à organiser indéfiniment le travail dans le but de pousser sans cesse plus loin les frontières du surtravail par le management de l’économie a provoqué de nos jours la mort du travail humain, après l’avoir marginalisé toujours plus, pour finalement l’embrigader dans le répétitif infini: gestuelles mécanisées et surveillées plutôt qu’actes pensés».

Une stratégie inversée?

L’introduction de la plus-value relative, obtenue par le transfert de l’organisation du travail et de son contrôle depuis l’employé de base vers les dirigeants et patrons, dans le but de maximiser le profit, avait nécessité d’abord d’étudier à fond ce que faisait le travailleur, jusqu’aux gestes par seconde, pour ensuite lui retourner le tout sous forme de descriptions de postes et autres fiches des temps et mouvements, poursuit Omar Aktouf.
Et de conclure: «Même de nos jours, on continue partout à enseigner en détail le comportement organisationnel et son invraisemblable arsenal d’infantilisation et de manipulation de l’employé, bien que tout cela soit totalement inopérant depuis longtemps pour la simple raison que la vraie question restera toujours non pas "comment motiver l’employé?", mais tout simplement: "pourquoi l’employé n’est-il pas motivé?"».
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