Rentrée scolaire sous haute tension: «On est le pays qui investit le moins dans l’école pour protéger les enfants»

© AFP 2024 LUDOVIC MARINJean-Michel Blanquer
Jean-Michel Blanquer  - Sputnik Afrique, 1920, 20.08.2021
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À deux semaines de la rentrée scolaire, Jean-Michel Blanquer entretient le flou sur le protocole sanitaire qui sera appliqué en septembre. Une attitude intolérable pour École et familles oubliées. Dans une tribune, le collectif exhorte le gouvernement à engager des actes forts afin de préserver la santé des enfants.
«On aura une rentrée scolaire la [sic] plus normale possible.» Jean-Michel Blanquer est resté fidèle ce jeudi à sa ligne de conduite durant la crise sanitaire. À savoir: «Les écoles doivent rester ouvertes.» Le ministre de l’Éducation nationale s’est d’ailleurs félicité que, sur la période 2020-2021, «nous sommes l’un des pays qui a le plus maintenu ses écoles ouvertes». Un résultat qu’il compte bien réitérer: «Nous allons en 2021-2022, poursuivre ces objectifs.»
Certes, Jean-Michel Blanquer s’est voulu rassurant. Il n’a en revanche pas annoncé quel serait le protocole sanitaire appliqué, parmi les quatre niveaux présentés fin juillet.
​Contacté par Sputnik, le collectif École et familles oubliées juge cette absence de décision «incompréhensible et inacceptable». Un agacement que semblerait partager le Président de la République.

Covid: la France «fait preuve du moins d’anticipation»

Selon Le Canard enchaîné, le chef de l’État aurait ainsi critiqué son ministre le 11 août dernier. Le Président aurait demandé au gouvernement d’expliquer clairement aux Français le protocole sanitaire en vigueur à l’école.
Il n’empêche que ce flou artistique suscite l’inquiétude chez certains parents. Le collectif explique recevoir des demandes concernant l’instruction à domicile, mais également des invitations à organiser des manifestations.
«Par rapport à l’année dernière, on a l’impression qu’il y a une inquiétude supérieure. Probablement à cause du variant Delta. On constate aussi une fatigue extrême des parents qui ne se voient pas recommencer une année avec une situation en septembre identique à celle que l’on a connue au printemps.»
Un retard coupable, donc, pour le groupement de parents d’élèves qui fait valoir que, dans «de nombreux pays, ils ont annoncé les mesures dès le mois de mai».
«C’est vraiment une spécificité française. On se flatte toujours d’avoir été le pays où les écoles sont restées le plus longtemps ouvertes. Mais c’est aussi le pays qui fait preuve du moins d’anticipation et qui investit le moins dans l’école pour protéger les enfants», estime le collectif.
D’autant plus que le variant Delta continue sa progression. Les enfants sont toujours à l’abri des formes graves de la maladie. Ils représentent moins de 1% des hospitalisations et des décès. Mais le virus reste néanmoins contagieux. Chez les 0-9 ans, le taux d’incidence, soit le nombre de cas moyen sur sept jours de cas positifs, est ainsi passé de 11 pour 100.000 habitants, entre le 29 juin et le 5 juillet, à 126 cas la semaine du 10 au 16 août, selon les données recueillies par Covid Tracker. Le taux de positivité grimpe aussi. Il est passé de 3,96% le 22 juillet à 10,24% le 12 août. En septembre, la tendance risque fort de se confirmer. Selon les modélisations de l’Institut Pasteur, le nombre de cas chez les enfants pourrait atteindre 50.000 cas positifs par jour.

S’assurer que le protocole soit en phase avec la situation épidémique

Écoles et familles oubliées craint que le gouvernement ne choisisse d’appliquer le protocole de niveau 2. Si tel était le cas, «la situation serait aberrante, car cela signifierait que les enfants pourraient, par exemple, continuer les activités physiques et sportives, ou encore de suivre les cours à 100% en présentiel», détaille le collectif. Dans leur tribune publiée dans Le Monde, signée par une trentaine de médecins et d’enseignants, ils soulignaient d’ailleurs qu’il était impensable «d’envisager une reprise au “niveau 2”», «alors que le taux d’incidence chez les 0-19 ans est cinq fois supérieur à celui de la rentrée 2020».
«Par ailleurs, à ce jour, il ne peut exister un “niveau 1”, où le masque pourrait être retiré en école élémentaire. Enfin, la fermeture des classes au premier cas identifié à l’école élémentaire reste nécessaire et devrait être étendue à tous les niveaux», poursuivaient-ils.
En outre, pour les collégiens et les lycéens, la donne est différente. «Dans le secondaire, s’il y a un cas de contamination» au Covid-19, «les élèves non vaccinés seront évincés, mais pas les vaccinés», expliquait Jean-Michel Blanquer sur France info.

Sécurisation des établissements scolaires

La vaccination n’est «pas d’actualité» pour les moins de douze ans, a précisé le ministre de l’Éducation. Une position que partage le collectif: «Les essais cliniques ne sont pas terminés et il n’y a pas de résultats scientifiques.» Il faut donc «sécuriser les établissements». Une sécurisation qui passerait par la multiplication des tests de dépistage.
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«On peut imaginer des tests salivaires par “pooling” par classe, une fois par semaine», précise Écoles et familles oubliées. Une technique qui consiste à regrouper plusieurs échantillons au sein d’une même analyse biologique afin de réduire le nombre de tests réalisés et d’augmenter les cadences de dépistages.
Cette multiplication des tests ne serait-elle pas contraignante pour les enfants? «Il s’agit de donner un petit échantillon de salive, aucun enfant ne peut être traumatisé par cela quel que soit son âge», rétorque le collectif. «Il faut simplement avoir la volonté politique de le faire et faire preuve de pédagogie pour l’expliquer aux parents», poursuivent-ils.
«C’est important, car aujourd’hui beaucoup de parents ne comprennent pas pourquoi on veut mettre en place ces mesures. Ils sont dans le déni parce que depuis dix-huit mois, on leur dit que les enfants ne risquaient rien. Mais ce serait sous-estimer les “Covid longs” qui peuvent toucher 2% des contaminés. Aujourd’hui, avec le variant Delta, on a des alertes de tous les pays», prévient le collectif.
Autre mesure de sécurité réclamée par l’association de parents: rendre obligatoire la présence de capteurs CO2 dans les classes, car ils ne sont actuellement que recommandés. Par ailleurs, le collectif plaide également pour l’installation de purificateurs d’air. Notamment dans «les locaux où la ventilation naturelle surveillée par les capteurs de CO2 n’est pas suffisante comme les cantines ou les classes dont les fenêtres ne s’ouvrent pas».
Autant d’outils de prévention qui auraient «déjà dû être mis en place après plus d’un an d’épidémie», s’indigne le collectif.
«Le gouvernement n’est pas à la hauteur. On trouve qu’il a une lourde responsabilité. Il a l’objectif de garder les écoles ouvertes. On le partage aussi car la scolarité des enfants est importante. Mais ils ne se sont pas donné les moyens de le faire. Dans d’autres pays, il y a eu des investissements très importants», observent-ils.
Une pilule particulièrement dure à avaler: «Il y a eu des crédits reportés d’une année sur l’autre.» En clair, de l’argent qui n’a pas été utilisé par l’Éducation nationale. Selon l’arrêté du 22 janvier 2021, le report de crédit s’élevait à un total de 212,5 millions d’euros.
«Un gouvernement qui n’arrive pas à dépenser tout son budget alors qu’il y a une pandémie, cela interpelle», glisse École et familles oubliées.
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