États-Unis: le possible ralentissement de la planche à billets affole les marchés

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Marchés boursiers - Sputnik Afrique, 1920, 19.08.2021
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La Réserve fédérale américaine a émis l’hypothèse d’une réduction de sa politique de soutien monétaire dès cette année. La nouvelle n’a pas tardé à fortement impacter des marchés habitués à surperformer grâce à l’argent des banques centrales. La fin de la fête pour les Bourses mondiales?
Une belle gueule de bois. Ce 19 août est une journée difficile sur de nombreux marchés financiers à travers la planète. En cause? La publication la veille des minutes de la Fed, du nom donné au compte-rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la banque centrale américaine. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ont levé un vent de panique à travers bien des salles de marchés.
​L’hypothèse d’une réduction du soutien monétaire massif de la Fed a été évoquée et elle pourrait intervenir dès cette année. En plus de maintenir ses taux directeurs dans une fourchette allant de 0 à 0,25%, et afin d’aider à la relance de l’économie –à l’instar de ce qui s’est fait en Europe–, la Fed a mis en place une politique de rachat d’actifs d’envergure: 120 milliards de dollars par mois actuellement.

Les bonnes performances de l’économie américaine

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Mais le fait de voir le bilan grossir et dépasser désormais les 8.000 milliards de dollars (36% du PIB américain) inquiète de nombreux observateurs, alors que la menace de l’inflation plane sur l’économie américaine. En juillet, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,4% sur un an aux États-Unis.

Les experts de la Fed estiment donc que les bonnes performances de l’économie américaine pourraient permettre de réduire la voilure. En juillet, le chômage a fortement baissé du côté de l’Oncle Sam pour s’établir à 5,4%. On est maintenant très loin de la situation d’avril 2020 où il avait flirté avec les 15%.
«Si on a entre 800.000 et 1 million de créations d’emplois dans les deux prochains rapports officiels [...], alors on aura regagné environ 85% des emplois perdus d’ici à début septembre», a expliqué Christopher Waller, gouverneur de la Fed lors d’une interview sur la chaîne CNBC dont Capital s’est fait l’écho.
Côté croissance, si cette dernière a un peu déçu au deuxième trimestre –6,5% en rythme annualité contre 8,5% attendu–, le chiffre a de quoi faire envie à de nombreuses économies à travers la planète. «La plupart des participants ont jugé que, à condition que l’économie évolue globalement comme ils l’avaient prévu, il pourrait être approprié de commencer à réduire le rythme des achats d’actifs cette année», explique la Fed. Mais pour le moment, rien n’est arrêté. Certains membres militent pour que le «tapering», ou baisse progressive du soutien monétaire, ne débute qu’en 2022. Reste qu’une tendance se dessine.

Pas de calendrier en vue

Déjà, début août, Christopher Waller parlait d’un «progrès significatif» au niveau économique et évoquait même une annonce concernant le tapering pour septembre.
«On devrait ne pas tarder à commencer, et à un rythme assez rapide, afin qu’on puisse commencer à relever les taux en 2022, si on doit le faire», a-t-il déclaré.
Il a par ailleurs précisé qu’en tenant compte de la bonne santé de l’économie américaine, «il n’y a pas de raison d’y aller lentement et de faire traîner la réduction des achats d’actifs».
​Problème de taille: les marchés ont pris goût à la planche à billets de la Fed ainsi qu’à celle qui fonctionne en Europe ou au Japon. Le fait que la banque centrale de la première puissance économique mondiale puisse mettre un coup de frein à cette orgie de liquidité affole les Bourses. Les conséquences des déclarations de la Fed n’ont d’ailleurs pas tardé à se faire sentir. Le 18 août même, les indices américains plongeaient. Le Dow Jones clôturait en cédant 1,08% à 34.960,69 points. Même constat concernant le Nasdaq Composite qui a abandonné 0,89 % à 14.525,91 points.
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Du côté de l’Asie ou de l’Europe, ce 19 août n’a pas des airs de fête. Tokyo a ainsi perdu 1,1%, Hong Kong 2,1% et Shanghai 0,6%. Sur le Vieux Continent, les traders font aussi la moue. À 14h48 le CAC 40 cédait plus de 2,60% quand Francfort reculait de 1,84%, Milan de 1,60% et Madrid de 0,82%. La question est maintenant de savoir si le tapering de la Fed pourrait être suivi par d’autres banques centrales, BCE en tête. Cette dernière applique une politique semblable à celle de son homologue américaine avec un vaste programme de rachat d’actifs et des taux historiquement bas, le principal étant à zéro. Si pour le moment, l’inflation est contenue en zone euro (+2,2% en juillet), elle est cependant sur une tendance haussière et le bilan de la BCE dépasse les deux tiers du PIB de la zone euro. Une situation qui pourrait conduire l’institution dirigée par Christine Lagarde à également envisager le tapering, même si pour le moment, ce n’est pas prévu.
En attendant, du côté des États-Unis, les investisseurs sont maintenant à la recherche d’une certaine visibilité. Nul doute que la réunion des banquiers centraux prévue prochainement à Jackson Hole sera scrutée et qu’un calendrier sur le rythme de la baisse des rachats mensuels d’actifs attendu.

Correction ou krach?

Un repli trop rapide serait-il de nature à provoquer un krach? Difficile à dire, mais beaucoup d’experts s’attendent à une correction qui était selon eux inévitable à la vue des niveaux de performances records qu’enchaînent les marchés actions, américains en tête, depuis des mois et qui ont largement fait oublier la situation catastrophique du printemps 2020 au plus fort de la crise du Covid-19.
«Rarement un rebond des marchés aura été aussi important et si impressionnant», note John Plassard, responsable de l’investissement chez Mirabaud. Et de poursuivre: «Songez seulement, le rebond que nous venons de connaître sur le S&P 500 depuis les plus bas de 2020 est le plus violent depuis la Deuxième Guerre mondiale.» Depuis le krach de mars 2020, l’indice phare a gagné près de… 100%.
Moins de rachats d’actifs, des taux plus élevés, la période d’euphorie des marchés pourrait bientôt prendre fin. Mais l’économiste de l’OFCE Henri Sterdyniak ne croit pas à un effondrement, comme il le confiait à Sputnik:
«Les marchés savent que la remontée des taux sera lente, progressive et contrôlée. Ils étaient trop exubérants et vont retourner à une certaine raison. Ils vont légèrement décroître et vous aurez deux tendances: les prudents qui vont sortir devant le manque de perspectives de hausse et les spéculateurs qui se diront que cela vaut le coup car les fondamentaux sont bons.»
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