Les Canadiens regrettent d’avoir suivi l’Amérique en Afghanistan et se préparent à accueillir des réfugiés
12:10 17.08.2021 (Mis à jour: 19:56 03.01.2024)
© Sputnik . Stringer / Accéder à la base multimédiaSituation en Afghanistan après la reprise du pouvoir par les talibans*
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La reprise de l’Afghanistan par les talibans* a créé une onde de choc au Canada, pays engagé sur le terrain entre 2001 et 2014. Alors que ses derniers ressortissants sont rapatriés depuis Kaboul, le Premier ministre Trudeau a promis d’accueillir 20.000 réfugiés afghans. Un bilan désastreux pour Ottawa? Sputnik fait le point.
«Le gouvernement canadien a eu raison de refuser de participer à l’agression contre l’Irak, et il aurait dû prendre la même décision en ce qui concerne l’Afghanistan», tacle André Sirois.
«Face à un problème, la réaction des Américains est toujours de vouloir faire quelque chose. Et trop souvent, ils font n’importe quoi. Pour eux, il faut du mouvement et des dépenses militaires.»
Et l’ancien haut fonctionnaire des missions de l’Onu et des tribunaux internationaux de s’interroger: «Qu’allaient faire les militaires canadiens là-bas? Combien sont morts sans savoir pourquoi? Combien cette guerre a-t-elle coûté aux contribuables canadiens?»
Le sénateur conservateur à Ottawa, Pierre-Hugues Boisvenu, dresse quant à lui un bilan moins sévère de l’implication du Canada dans le conflit:
«Le prix a été très élevé. Mais il faut se souvenir que nous sortions du 11 septembre. La filiale terroriste ébranlait le monde. Des crimes humanitaires étaient commis tous les jours contre les femmes et les gays. Nos valeurs étaient confrontées aux leurs. Cependant, les Canadiens n’ont pas su tirer de leçon de la guerre entre Russes et talibans», constate l’ex-vice-président du comité permanent sénatorial sur la sécurité nationale.
Les forces armées canadiennes ont pris part à de nombreuses missions sur le terrain entre 2001 et 2014. Plus de 40.000 militaires y ont été déployés depuis le début de l’incursion canadienne, et 165 d’entre eux y ont laissé leur vie. 2.000 soldats ont été blessés. L’Afghanistan est le plus long conflit auquel ait participé le pays de l’érable.
Des Canadiens morts en vain?
Du côté des vétérans, le stoïcisme est de mise. Vétéran de la guerre d’Afghanistan devenu entrepreneur, Laurent Proulx se dit conscient des séquelles laissées par le conflit sur bon nombre de ses compagnons d’armes. En revanche, il rappelle que les Canadiens ayant risqué leur vie sur le terrain étaient «tous des volontaires» et de surcroît, «des professionnels ayant choisi le métier des armes»:
«Les gouvernements engagés dans le conflit peuvent visiblement se tromper. C’est une erreur de mélanger les sacrifices faits et le résultat des politiques gouvernementales. Ceux qui sont morts sont morts en soldats, en faisant leur devoir, alors rien ne devrait ternir leur mémoire. L’échec en Afghanistan appartient aux politiciens. Laissons les soldats et vétérans en dehors de ça», tranche-t-il.
Dans la presse canadienne, ils sont aussi nombreux à s’inquiéter de la situation des femmes dans cet État d’Asie centrale.
Selon André Sirois, «les Afghanes vont maintenant payer très cher pour l’échec des féministes américaines», un mouvement qui aurait encouragé l’invasion du pays, mais dont le rôle aurait été occulté d’après lui: «Ce que l’on ne dit pas expressément, mais qui ressort de l’information depuis le début de l’invasion: c’est une guerre voulue et moussée par les féministes, surtout les féministes américaines qui s’étaient chargées de faire libérer les Afghanes par des militaires américains et étrangers. L’échec sera d’autant plus fatal pour les Afghanes que cet objectif vertueux n’avait jamais été annoncé», tranche l’avocat québécois.
Le 15 août dernier, le ministre canadien des Affaires étrangères, Marc Garneau, a annoncé la fermeture «temporaire» de l’ambassade canadienne.
Ressortissants et réfugiés en route vers le Canada
L’ex-astronaute en a aussi appelé à «un cessez-le-feu permanent et général»: «Notre priorité dans ces situations est d’assurer la sûreté et la sécurité des membres du personnel canadien. Ils sont maintenant en route en toute sécurité vers le Canada», a fait savoir «Affaires mondiales Canada» par communiqué, le jour même du déclenchement de la campagne électorale fédérale.
Deux jours plus tôt, Justin Trudeau, le Premier ministre fédéral, s’était déjà engagé à accueillir 20.000 réfugiés afghans dont la vie serait menacée par le nouveau régime.
«Notre effort se concentrera sur les gens particulièrement vulnérables, incluant les femmes leaders, les défenseurs des droits humains, les journalistes, les membres des minorités religieuses persécutées, les personnes LGBTI ainsi que les membres de familles des interprètes déjà réinstallés au pays», a déclaré Marco Mendecino, le ministre fédéral de l’Immigration.
Une annonce qui rend pour le moins perplexe André Sirois, qui a déjà œuvré en tant que conseiller à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada:
«Cela peut sembler généreux, surtout en pleine période électorale. Mais personne ne comprend ce que cela veut dire. Trudeau parle d’accueillir 20.000 réfugiés avec les familles. Cela veut dire au moins 100.000 personnes. Cela excède tous les nombres de réfugiés admis per capita dans n’importe quel autre pays! Personne ne comprend qu’à cause du programme de regroupement familial, chaque immigrant ou réfugié entraîne une invasion exponentielle», alerte l’avocat.
* Organisation terroriste interdite en Russie.