Le Mexique, client ou victime des fabricants d’armes américains?

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Le gouvernement mexicain poursuit onze grands marchands d’armes américains, les tenant pour responsables de la vague de violences qui secoue le pays. Selon Eduardo Rosales, spécialiste des relations américano-mexicaines, cette action en justice risque de se heurter à un mur, d’autant plus que Washington pourrait contre-attaquer.
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Une contre-attaque américaine à venir?

Selon Eduardo Rosales, spécialiste des relations entre le Mexique et les États-Unis, cette affaire fait ressortir de «grands paradoxes»:
«Mexico s’expose à des représailles. Non seulement la poursuite risque de n’avoir aucune issue, mais le Mexique s’expose à des contre-poursuites de la part du gouvernement américain. […] Puisque l’armée mexicaine se trouve être le client de grands fabricants américains, il y a une sorte de contradiction, même si les ravages de la violence armée sont bien visibles au Mexique», analyse-t-il à notre micro.
M. Rosales estime que Washington pourrait riposter, notamment, en accusant le Mexique d’avoir failli à ses responsabilités en matière de protection de sa frontière. Rappelons que l’Amérique centrale et l’Amérique du Nord traversent actuellement de graves problèmes de migrations.

La crise migratoire en renfort des États-Unis?

En juin 2019, Donald Trump a menacé Mexico d’imposer des droits de douane sur les importations mexicaines si le Président Andrés Manuel López Obrador n’endiguait pas le flux de migrants centraméricains. L’hôte du Palais national a plié et accepté les conditions de Washington dans le dessein de préserver l’économie de son pays.
«Dans le domaine du droit, l’offensive est souvent la meilleure défense. Washington pourrait utiliser la crise migratoire pour répliquer. Les Américains pourraient aussi reprocher à leur voisin de ne pas maîtriser la montée du crime organisé. […] Dans les faits, les deux pays ont de nombreux problèmes communs. Il serait plus juste de parler de co-responsabilité», poursuit l’expert en relations internationales.
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Les onze fabricants d’armes poursuivis figurent parmi les plus puissants: Smith & Wesson Brands, Barrett Firearms Manufacturing, Beretta U.S.A. Corp., Beretta Holding SPA, Century International Arms, Colt’s Manufacturing Company Llc, Glock Inc., Glock Ges. MBH, Sturm, Ruger & Co., Witmer Public Safety Group et Interstate Arms.
Selon Romain Le Cour Grandmaison, directeur du programme Mexique et Amérique centrale du centre de recherche Noria, le modèle M82 de Barrett Firearms est l’un des plus utilisés par les cartels de la drogue. Ses balles de calibre 50 perceraient facilement divers types de blindages, ce qui en fait un fusil redoutable contre les autorités:
«Si vous avez un Barrett, cela signifie que les forces non spéciales, comme la police locale et la police municipale, ne peuvent pas vous combattre. Cela fait des militaires les seuls capables de combattre les cartels», a précisé le chercheur à la section hispanophone du magazine Forbes.
Eduardo Rosales rappelle que les crimes par armes à feu sont aussi légion aux États-Unis, où chaque jour, plus de cent personnes sont tuées par balle en moyenne.

La culture des armes, une histoire américaine

En 2019, 39.700 Américains sont tombés sous divers projectiles, selon les données du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies. Une réalité domestique qui ne contribuerait pas à attendrir les Américains dans ce dossier:
«Dans l’histoire, aucun Président américain n’a vraiment réussi à freiner l’industrie des armes. Aux États-Unis, la culture des armes est quasi invincible. Bien sûr, Joe Biden veut se montrer plus progressiste sur la question que Donald Trump, mais, dans les faits, il n’a pas les mains libres. Le Congrès et le pouvoir judiciaire sont en partie contrôlés par le lobby des armes à feu», constate le professeur.
Avant d’être l’affaire du Président Andrés Manuel López Obrador, la poursuite intentée est d’abord l’initiative de Marcelo Ebrard, le secrétaire mexicain aux Relations extérieures. Se voulant très confiant, il a insisté pour affirmer que les chances de victoire du gouvernement mexicain étaient excellentes.
«Les entreprises [américaines d’armement, ndlr] le savent. Elles soutiennent que leurs responsabilités s’éteignent lorsque les armes sont mises en vente, mais c’est faux. Et bien sûr, elles ont des informations lorsque quelqu'un vient acheter cinq Barrett 50 [le modèle Barrett M82, ndlr]», avait déclaré le chancelier.
Se plaçant dans une autre perspective, Eduardo Rosales estime que Marcelo Ebrard tente ainsi de se positionner comme candidat à la prochaine élection présidentielle:
«C’est aussi une joute politique. D’une certaine façon, c’est aussi une stratégie déployée par le chancelier Ebrard pour acquérir de la notoriété», conclut l’expert des relations américano-mexicaines.
 
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