Dans le nord de la Côte d'Ivoire, contre la pauvreté et le terrorisme «on investit dans l'école»

© AFP 2024 ISSOUF SANOGOUn élève en Côte d’Ivoire
Un élève en Côte d’Ivoire - Sputnik Afrique, 1920, 30.07.2021
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Tandis que la menace djihadiste tend à s’enraciner en Côte d’Ivoire, en particulier dans le nord qui compte les régions les plus touchées par l’extrême pauvreté, l’éducation demeure assurément l’une des meilleures options dont dispose le pays pour faire face à la situation. Si le chantier reste vaste, sur le terrain, la volonté existe.

Depuis les villages environnants jusqu'à l'école primaire publique Sodefel, perdue quelque part dans le nord de la Côte d'Ivoire, il faut parcourir un peu plus de cinq kilomètres en moyenne. Un trajet qu’effectuent ordinairement par tout temps à pied la quasi-totalité des 233 élèves de l’établissement, chaussés pour la plupart de sandales et vêtus d’uniformes scolaires résistant, cahin-caha, à l'épreuve du temps.

Pourtant, c’est le cœur léger et avec un enthousiasme sans cesse renouvelé que ces enfants de tout âge (cinq à 15 ans pour les plus vieux) ont arpenté la poussiéreuse piste villageoise qui les mène à leur école. Et pour cause, aucun d'entre eux ne voulait se faire raconter la passionnante aventure qui avait cours en cette année scolaire 2020-2021.

© Sputnik . Roland KlohiLes élèves de l’école primaire publique Sodefel
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Les élèves de l’école primaire publique Sodefel

De mémoire d'enseignant, jamais le taux d'absentéisme n'aura été aussi faible qu'en cette année.

Un programme ludique et stimulant

C’est à l’initiative de Cap Sikan, l’un des principaux employeurs agricoles de la région du Tchologo, à 600 kilomètres au nord d’Abidjan, qu’un programme innovant a été mené tout au long de l’année scolaire 2020-2021 à l’école Sodefel.

Élaboré par la Maison Papyrus, une structure ivoirienne spécialisée dans le renforcement des besoins éducatifs, il a la particularité de dispenser des connaissances dans des domaines peu ou pas exploités par le système éducatif national.

© Sputnik . Roland KlohiL’éducation civique indispensable avant l’entrée en classe le matin
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L’éducation civique indispensable avant l’entrée en classe le matin

Dans le cadre de ce programme, les élèves ont préalablement été soumis, selon leur niveau (cours préparatoire, cours élémentaire, cours moyen) à un test, portant sur des épreuves de français et de mathématiques, en lien avec le programme national.

Les conclusions de ces tests ont permis d’orienter ces derniers vers l’un des six ateliers disponibles à savoir: codage, algorithmes, création littéraire, poterie, photographie, création de motifs. Et les résultats ne se sont pas fait attendre.

© Sputnik . Roland KlohiDes élèves plus enthousiastes à prendre le chemin de l’école
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Des élèves plus enthousiastes à prendre le chemin de l’école

En effet, au fil des jours, semaines, mois, les enfants timorés, introvertis, au langage hésitant, ont vite laissé la place à des apprenants dégourdis, plus sûrs d'eux et prompts à prendre la parole.

En les incitant à faire des choses qu’ils n’avaient pas l’habitude de faire, le programme a fait sortir ces élèves de leur zone de confort, et chemin faisant a permis d’éveiller et d’améliorer leur créativité.

© Sputnik . Roland KlohiL’excitation de découvrir l’art de la poterie
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L’excitation de découvrir l’art de la poterie

La joie de manipuler pour la première fois un appareil photo numérique, la fierté d'avoir réalisé son premier pot, aussi informe soit-il, leur a permis de développer à travers ces activités qui a leurs yeux n'étaient que des jeux, des compétences sociales et techniques qui pourraient leur être utiles toute leur vie.

«Spécialement pensé pour ces élèves, ce programme a été conçu par des enseignants et assuré par des animateurs qui ont tous suivi une formation afin que les objectifs d’apprentissage soient atteints. Nous avons adapté les contenus pour les rendre assimilables. Par exemple, en expression artistique, les élèves ont suivi des cours avec les potières de la région (réputées pour leur savoir-faire). Je pense que ce facteur d’ancrage et de cohérence culturelle a participé à la réussite du programme. Nous avons pu observer tout du long une baisse de l’absentéisme, un éveil de la créativité, une amélioration de la prise de parole et de la confiance en soi, ainsi qu’une amélioration des résultats en mathématiques et en français», s’est réjouie au micro de Sputnik Assia Barry, fondatrice de la Maison Papyrus.

En définitive, ce programme éducatif a constitué une occasion unique et inespérée pour ces 233 élèves issus de familles à revenus très faibles, dont les résultats scolaires ont été sensiblement améliorés.

«Éduquer» le nord, un enjeu crucial

En 2015, le seuil de pauvreté en Côte d’Ivoire se situait à 737 francs CFA (1,12 euro). Ainsi, selon l’Institut national de la statistique (INS), est considéré comme pauvre celui qui a une dépense de consommation inférieure à 737 francs CFA par jour, soit 269.075 francs CFA (410 euros) par an.

Ce sont les régions du nord, frontalières du Mali et du Burkina Faso, qu’on retrouve au rang des plus démunies. Le Tchologo est d’ailleurs la cinquième région ivoirienne la plus pauvre, selon l’INS.

© Sputnik . Roland KlohiL’unique point d’eau de l’école
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L’unique point d’eau de l’école

Et comme pour l’attester, cela se ressent justement sur l’école Sodefel. En effet, composé de deux bâtiments de trois classes chacun qui se font face, l’établissement ne dispose ni d’électricité, ni d’eau courante. Juste une pompe villageoise qui nécessite de faire parler ses muscles pour mériter son précieux nectar.

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Tandis que la menace djihadiste tend insidieusement à s’enraciner dans cette partie de la Côte d’Ivoire, touchée plus que nulle autre par l’extrême pauvreté, l’éducation demeure assurément l’une des meilleures options dont dispose le pays pour faire face à la situation.

Comme l'affirment régulièrement les organismes onusiens et de développement, elle est la meilleure arme pour lutter contre la pauvreté et l'extrémisme sous toutes ses formes.

«Investir dans l’école, c’est lui redonner une place au cœur des communautés et les rendre ainsi plus fortes et moins perméables aux menaces extérieures», a conclu Assia Barry.
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