Le chef de l’armée libanaise joue les émissaires. Le 28 juillet, Joseph Khalil Aoun était en déplacement au Caire pour évoquer l’urgence de la situation humanitaire libanaise. Le Caire s’est même dit prêt à venir en aide au Liban. Le pays du Cèdre enchaîne les crises. La violence y devient endémique. C’est l’armée qui en fait les frais entre les barricades urbaines, les pneus brûlés, les sit-in géants, les émeutes, le saccage des banques ou les intimidations devant les bureaux politiques. Et ce alors même que les soldats subissent les conséquences de la crise protéiforme qui frappe le pays de plein fouet. Naguère, un officier de l’armée gagnait 4.000 dollars par mois. Aujourd’hui, il n’en touche que 400. Un militaire du rang ne touche pour sa part que 80 dollars à la fin du mois. Donc, pour tenter de renflouer les caisses, l’armée propose sur son site Internet… des balades touristiques en hélicoptère pour la modique somme de 150 dollars!
De ce fait, le commandant en chef n’hésite pas à se rendre à l’étranger pour solliciter aide et appuis. Mais, derrière ses nombreux déplacements, il se positionnerait également en principal interlocuteur de l’Occident et en rival de l’actuel Président, Michel Aoun.
Homme de main de l’Occident?
Pour sa part, Joseph Aoun était aux États-Unis en 2019. Et il prévoit d’y retourner prochainement. Autre exemple et non des moindres, sa visite en Arabie saoudite en 2019 et son entrevue avec Mohammed ben Salmane sur fond de refroidissement des relations libano-saoudiennes. Riyad reproche en effet au Président Aoun d’être à la botte du Hezbollah, ennemi invétéré de la monarchie du Golfe. Miser sur le chef de l’armée contre le Président libanais, c’est par ricochet s’opposer au puissant parti chiite. Et ça, l’Occident l’aurait bien compris.
6.000 militaires libanais formés aux États-Unis
Washington ne semble pas le nier: il préférerait renforcer le poids de l’armée libanaise pour faire contrepoids au Hezbollah. Sur la chaîne britannique Sky News Arabia, un responsable du Pentagone appelait ainsi à «améliorer les capacités de l'armée libanaise afin de contrer le Hezbollah et d’éviter que les institutions sécuritaires du pays ne se retrouvent entre les mains du parti». La puissante formation chiite est considérée comme organisation terroriste par les Américains depuis 1995. L’Administration Biden ne lésinerait pas sur les moyens pour atteindre son objectif.
Ainsi les puissances occidentales espèrent-elles voir l’armée libanaise empêcher le Hezbollah d’étendre trop facilement son influence sur le pays. Surtout que le mouvement chiite est moins touché par la crise. Contrairement aux autres partis politiques qui peinent à recevoir un soutien étatique, il peut toujours compter sur l’aide régulière de Téhéran. En 2020, selon le département d’État américain celle-ci s’élevait à 700 millions de dollars.
L’Occident tenterait-il donc de miser sur le bon cheval en vue des élections présidentielles libanaises en 2022?