Emmanuel Macron a affirmé le 27 juillet à Papeete que la France avait «une dette» à l'égard la Polynésie française pour avoir réalisé près de 200 essais nucléaires dans le Pacifique pendant 30 ans, jusqu'en 1996.
«J'assume et je veux la vérité et la transparence avec vous», a affirmé le chef de l'État en s'adressant aux responsables polynésiens au dernier jour de sa première visite dans l'immense archipel.
Reconnaissant que ce dossier sensible affectait «la confiance» entre Papeete et Paris, il a notamment annoncé que les victimes de ces essais, dont certains souffrent de cancer, devaient être mieux indemnisées.
«La nation a une dette à l'égard de la Polynésie française. Cette dette est le fait d'avoir abrité ces essais, en particulier ceux entre 1966 et 1974, dont on ne peut absolument pas dire qu'ils étaient propres», a-t-il déclaré, applaudi par l'assistance.
Après avoir mené 17 essais nucléaires au Sahara, la France avait transféré en 1966 son champ de tir en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, où elle procéda en 30 ans à 193 nouveaux essais, d'abord atmosphériques, puis souterrains. Le dernier a eu lieu le 27 janvier 1996 après la décision du Président Jacques Chirac de reprendre les tirs malgré le moratoire décidé trois ans plus tôt par son prédécesseur, François Mitterrand.
«Je veux vous dire clairement que les militaires qui les ont faits ne vous ont pas menti. Ils ont pris les mêmes risques», a estimé Emmanuel Macron.
Mais, a-t-il ajouté, «je pense que c'est vrai qu'on n'aurait pas fait ces mêmes essais dans la Creuse ou en Bretagne. On l'a fait ici parce que c'était plus loin, parce que c'était perdu au milieu du Pacifique».
Il a cependant déclaré «assumer pleinement» et défendu le choix fait par le général de Gaulle puis poursuivi par ses successeurs de doter la France de l'arme nucléaire, notamment pour protéger la Polynésie française.
Dans son discours, le Président n'a pas prononcé le mot de «pardon» qui était réclamé par des associations de victimes ou le chef indépendantiste Oscar Temaru, à l'initiative d'une manifestation ayant réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de Papeete le 18 juillet. «Il n'y a aucune avancée dans ce discours, que de la démagogie (...) Les mensonges d'État continuent», a regretté le père Auguste Uebe-Carlson, président de l'association 193, sur la chaîne Polynésie 1ere.
Mais le président de la Polynésie, l'autonomiste Edouard Fritsch, s'est félicité qu'Emmanuel Macron veuille «enfin que la vérité soit mise sur la table» après «25 ans de silence».
Il a par ailleurs indiqué que les archives sur les essais «seront ouvertes», à l'exception des données militaires les plus sensibles.
Ces annonces interviennent cinq ans après la reconnaissance, par le président François Hollande lors d'une visite en 2016, de «l'impact sur l'environnement et la santé» de 30 années d'essais. Il avait alors pris une série d'engagements, dont certains ne sont pas encore concrétisés comme l'ouverture d'un Centre de Mémoire des essais nucléaires.
Dans son discours entamé et conclu par quelques mots en polynésien, Emmanuel Macron a loué le «pacte unique intime sensible entre la République et la Polynésie française» malgré les «heures sombres et les morsures de l'Histoire». «Il y a un en même temps» car «vous êtes à la fois profondément polynésiens et profondément patriotes», a-t-il ajouté, en assurant qu'il défendrait leur volonté de «résister» pour «faire revivre et transmettre» leur culture.
Sur le plan économique, Emmanuel Macron a annoncé un prêt de 300 millions en appui aux investissements, notamment pour développer la compagnie aérienne Air Tahiti Nui, ainsi que de nouvelles mesures de défiscalisation. Rappelant que l'Etat consacrait plus d'un milliard et demi d'euros à la Polynésie chaque année, il a précisé que plus de 600 millions avaient été engagés pour faire face à la crise du Covid-19.
Après avoir visité l'hôpital de Papeete à son arrivée samedi, il a de nouveau exhorté les Polynésiens à se faire vacciner, «seul moyen pour nous sortir» de la crise, en soulignant que sur les 230.000 doses envoyées dans l'archipel, 110.000 restaient encore disponibles.