Le système de santé algérien va-t-il s’effondrer comme celui de son voisin tunisien?

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Vaccination, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 23.07.2021
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Dans un entretien à Sputnik, le professeur Mostefa Khiati fait le point sur la situation sanitaire en Algérie, soulignant que l’épidémie de Covid-19 est dans «une courbe ascensionnelle depuis pratiquement une dizaine de jours». Pour éviter la saturation complète des hôpitaux, il appelle à augmenter leurs capacités de stockage en oxygène.

Depuis une dizaine de jours, l’Algérie connaît une fulgurante augmentation des contaminations au Covid-19, avec un bilan quotidien supérieur à 1.200 nouvelles infections depuis vendredi dernier.

Depuis pratiquement le début de l’épidémie dans le pays en février 2020, jamais les chiffres n’ont été aussi élevés, ni en nombre quotidien de contaminés et de décès, ni en celui des cas graves qui nécessitent une prise en charge en soins intensifs. En effet, depuis quelques jours, les hôpitaux manquent de moyens pour faire face à la saturation qu’ils connaissent. Les soignants signalent la saturation des hôpitaux et le manque d’oxygène pour traiter les malades, à cause de la consommation élevée qui a engendré des perturbations d’approvisionnement et des pénuries dans beaucoup d’hôpitaux sur tout le territoire national.

Où en est la situation épidémiologique et quel est le variant du coronavirus responsable de cette flambée des contaminations? Le système de santé algérien risque-t-il un effondrement à l’instar de son confrère tunisien? Les hôpitaux arrivent-ils encore à prendre en charge tous les patients, notamment ceux qui ont besoin de soins intensifs?

Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le professeur Mostefa Khiati, médecin-chercheur ainsi que président et fondateur de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM) en Algérie.

«En Algérie, nous ne faisons pas assez de séquençage d’ADN de virus»

«La situation épidémiologique montre qu’on est en face d’une courbe ascensionnelle en termes de contamination au Covid-19 depuis pratiquement une dizaine de jours, alors qu’elle était stationnaire avant», affirme le professeur Khiati, précisant que «les contaminations ont évolué entre 100 et 200 cas, puis entre 200 et 300 cas et enfin entre 300 et 400 avant d’en arriver à l’explosion actuelle du nombre de malades identifiés [plus de 1.200 par jours, ndlr]».

Depuis le début de la pandémie à l’échelle mondiale, le virus SARS-CoV-2 a connu plusieurs mutations, dont les plus récentes ont généré de nouvelles souches qui ont supplanté le virus initial en termes de contagiosité et de virulence. Il s’agit notamment des variants Alpha, Bêta, Gamma et actuellement Delta.

Ainsi, Mostefa Khiati informe que «presque tous les variants présents dans le monde sont en circulation en Algérie, cependant, le variant Delta semble prendre le dessus sur les autres, selon l’institut Pasteur d’Alger [à l’instar de ce qui se passe en Tunisie et dans près de 100 pays dans le monde, selon l’OMS, ndlr]».

Et d’ajouter que «cependant, pour être sûr sur le plan scientifique qu’il s’agit bien du variant Delta, il faudrait pratiquer quotidiennement le séquençage de l’ADN des virus à grande échelle, en y associant également les universités et les laboratoires privés dotés de moyens matériels à cet effet. Or, le problème qui se pose en Algérie est que nous ne faisons pas assez de séquençage de virus pour savoir quel est le variant qui est dominant et quels sont les problèmes liés à cette épidémie sur le plan viral. Actuellement, nous nous contentons uniquement des données des analyses fournies par les tests PCR, qui sont insuffisantes pour avoir une estimation nette de la situation épidémiologique et pouvoir ainsi prendre les mesures d’urgence idoines qui s’imposent dans chaque région du pays».

«Les hôpitaux commencent à être saturés»

Pour ce qui est de la prise en charge des malades, le professeur Khiati informe qu’«effectivement le nombre important de cas qui est actuellement enregistré pose un réel problème, parce que les hôpitaux commencent à être saturés et beaucoup parmi eux ont été obligés de réquisitionner un bon nombre de leurs différents services à l’accueil des patients du Covid-19, cessant ainsi leurs activités habituelles».

Dans le même sens, il souligne que «cet afflux important de malades au niveau des hôpitaux, associé à une consommation à haut débit de l’oxygène disponible, a mis les installations et les canalisations d’oxygénation de ces établissements dans l’incapacité de subvenir aux besoins de tous les patients».

À ce titre, il estime que «les autorités sanitaires du pays auraient dû anticiper cette situation au moins depuis le mois de mars 2021, étant donné que les besoins en oxygène, devenu extrêmement important pour la prise en charge des malades, étaient en hausse continuelle. On aurait dû augmenter les capacités de stockage d’oxygène au niveau des hôpitaux, en mettant en place de nouvelles stations d’emmagasinage. Malheureusement, les hôpitaux se sont contentés uniquement des bouteilles livrées par les entreprises de production nationales. Ceci a lieu alors qu’une commission interministérielle avait pris les devants en avril, en décidant d’élever la quantité de production d’oxygène dans le pays, qui s’avère actuellement assez suffisante pour faire face à l’urgence [l’Algérie a offert la semaine dernière une aide de 100.000 mètres cubes d’oxygène à la Tunisie, ndlr]. Le problème se pose au niveau du stockage dans les hôpitaux et dans les moyens de transport et de ravitaillement rapide».

Y a-t-il un risque que le système de santé s’effondre?

Concernant le risque que le système de santé algérien puisse s’effondrer à l’instar de son homologue tunisien, Mostefa Khiati soutient qu’il «est très peu probable que ceci puisse arriver, et ce pour plusieurs raisons, dont les plus importantes sont les moyens financiers, matériels et humains conséquents dont dispose l’Algérie comparativement à la Tunisie».

En effet, l’une des faiblesses dont souffre le système de santé tunisien, et qui est très peu évoquée dans les médias, «est le manque de personnel médical qualifié pour la prise en charge des malades, causé par une hémorragie de fuite des milliers de meilleurs médecins et spécialistes vers l’Europe, notamment la France, en raison des mauvaises conditions socioprofessionnelles, tel le salaire, dans les hôpitaux tunisiens».

Enfin, pour ce qui de l’évolution de la campagne de vaccination en Algérie, l’interlocuteur de Sputnik informe que «ces derniers temps, il y a eu un changement dans le comportement de la population qui est demandeuse de plus en plus de vaccins. Néanmoins, les vaccins ne sont pas encore disponibles avec des quantités suffisantes pour toute la population [2,5 millions de vaccinés, selon le ministère de la Santé, ndlr]».

«Il est nécessaire de distribuer les vaccins sur les 4.000 pharmacies de quartier existantes dans le pays, une fois qu’ils sont disponibles en grande quantité. Le but est d’accélérer la vaccination et de rattraper ainsi le retard. Ceci, en attendant le lancement d’une production locale avec les partenaires russe et chinois, dont les premières prémices sont attendues pour le mois de septembre [mise en flacon et en seringue de vaccins importés dans des conteneurs de plusieurs mètres cubes, ndlr], selon le ministre de l’Industrie pharmaceutique», conclut-il, rappelant qu’en «ce moment, d’autres pays ont commencé à le produire, comme l’Égypte qui fabrique actuellement un million de doses par mois de vaccins russe et chinois».

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