Seuls les soupçons de «prêt illicite de main d'œuvre» ont toutefois été retenus par le juge d'instruction contre l'association et Marie-Pierre Oprandi, également poursuivie pour «usage de faux». Le magistrat a renoncé à ce stade aux poursuites sur les principaux volets de l'enquête, ouverte notamment pour examiner des soupçons d'«escroquerie aggravée», d'«abus de confiance» ou de «financement illégal de campagne».
Pour ces autres infractions, l'association et la mandataire sont sous le statut intermédiaire de témoin assisté.
Ces mises en examen, le 29 mars pour l'association, et le 29 avril pour Mme Oprandi, sont les premières prononcées dans les deux enquêtes ouvertes en 2018 sur l'usage des fonds publics par Jean-Luc Mélenchon.
Depuis trois ans, le chef de file de La France Insoumise, de nouveau candidat pour la présidentielle 2022, conteste toute infraction. Il dénonce l'«atteinte à la séparation des pouvoirs» que constituent ces enquêtes, l'une sur ses comptes de campagne, l'autre sur l'emploi de ses assistants quand il était eurodéputé.
Le «prêt illicite de main d'œuvre» est un délit issu du Code du travail, généralement constaté dans la sous-traitance informatique ou du bâtiment, qui interdit à deux entités de nouer un contrat visant exclusivement à prêter du personnel dans un but lucratif. Il est puni au maximum de deux ans de prison et d'une amende de 30.000 euros, portée à 150.000 euros pour une personne morale.
Le magistrat estime que les quatre employés de l'Ère du peuple, fondée en 2015 par des fidèles de M. Mélenchon pour assurer notamment la logistique de ses meetings et lui louer du matériel informatique, auraient dû être rémunérés par la campagne du candidat ou le parti.
Trois salariés de l'association, dont les désormais députés LFI Mathilde Panot et Bastien Lachaud, étaient en même temps membres de l'équipe de campagne.
Différence entre les salaires versés et les montants facturés au mandataire
La Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), chargé de valider le remboursement des dépenses des candidats avec l'argent public, avait relevé une différence entre les salaires versés et les montants facturés au mandataire, pour un total de 152.688 euros. Elle avait ensuite refusé de rembourser la marge ainsi réalisée par l'association, à but non lucratif.
La défense rétorque qu'elle était tenue par le code électoral de suivre les prix des marchés, qu'elle a suivi les barèmes des agences d'intérim et, qu'à défaut, elle aurait pu être accusée d'une sous-facturation constituant un don déguisé. La même pratique avait d'ailleurs été validée par la CNCCFP pour des législatives 2017, fait-on aussi valoir.
«C'est une mise à examen a minima, qui ne tient pas et ne m'inquiète pas», a réagi auprès de l'AFP le président de l'Ère du peuple, Bernard Pignerol, conseiller spécial de M. Mélenchon. «Tout le reste est tombé mais il fallait sauver le dossier», a-t-il ironisé.