«Le pass sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français», assurait Emmanuel Macron le 29 avril dans un entretien à la presse régionale. Moins de trois mois plus tard, il a annoncé que celui-ci serait étendu notamment aux restaurants, lieux de culture, trains et hôpitaux. Pour le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, Franck Riester, les Français gardent quand même leurs libertés.
#PassSanitaire | Nous avons la chance de vivre dans une grande démocratie, où les libertés individuelles et collectives sont assurées. Aujourd’hui comme hier, il n’y a de restrictions que celles qu’exige l’intérêt général. @CNEWS #LaMatinale pic.twitter.com/W9YVhlibQR
— Franck Riester (@franckriester) July 15, 2021
«On a la chance d’être dans une grande démocratie, où les libertés collectives et individuelles sont assurées. Mais face à ce danger sanitaire majeur pour notre pays, nous devons prendre des décisions», justifie-t-il ce 15 juillet sur CNews. «La démocratie, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autorité», ajoute-t-il. Deux jours plus tôt sur RTL, Christophe Castaner qualifiait ces mesures de «petit coup de pression» attendu par les Français.
Les annonces du Président de la République ont pourtant généré de nombreuses manifestations le 14 juillet. L’extension du pass sanitaire, en plus de la vaccination rendue obligatoire pour les soignants et d’autres professions, est vue par certains comme une atteinte aux libertés.
L’avant-projet de loi
Les annonces de Macron se retrouvent dans un avant-projet de loi qui a été transmis au Conseil d’État, lequel devrait rendre sa décision lundi 19 juillet. C’est également ce jour que le texte sera présenté en Conseil des ministres, qui n’avait, au même titre que le Parlement, pas été consulté avant le discours.
Il prévoit notamment une condamnation à six mois de prison et une amende de 10.000 euros pour les personnes qui se rendent dans les établissements et événements concernés par le pass sanitaire sans en posséder un. Les gérants et exploitants qui refusent de contrôler ce pass peuvent se voir infliger 45.000 euros d’amende et jusqu’à un an de prison.
Légal?
Fin mai, le Conseil constitutionnel avait déjà validé le pass sanitaire, alors uniquement limité aux grands rassemblements et discothèques, sans toucher aux activités politique, syndicale et culturelle. Le problème réside dans l’équilibre entre le droit à la santé et les autres.
«C’est une question de mesure et de proportionnalité entre le risque encouru pour nos libertés fondamentales et le danger que l’on cherche à circonscrire», explique dans 20 Minutes Michel Lascombe, chercheur et ancien professeur de droit constitutionnel.
Pour Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble, cette extension «change la nature du pass sanitaire, dont l’usage était jusque-là exceptionnel». «Il est juridiquement paradoxal de ne pas vouloir imposer la vaccination à tous, mais d’écarter de certaines activités ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ou n’ont pas de tests. Nous ne sommes pas loin de la rupture d’égalité entre les citoyens», prévient-il dans Le Figaro.
«Jusqu'à présent, il s'agissait d'activités casuelles, non essentielles. Nous parlons désormais d'une série d’activités propres à la vie quotidienne», s’inquiète dans le même quotidien Annabelle Pena, constitutionnaliste et ancienne magistrate.
Selon elle, la seule condition pour que le texte passe est «l’assurance de la gratuité du test pour les non-vaccinés».
Pour Sputnik, la juriste Anne-Marie Le Pourhiet a auguré que l’extension recevra le feu vert à la fois du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, car il serait difficile pour eux de «prendre le risque de se voir imputer une responsabilité qui pourrait leur être reprochée en cas de reprise de l’épidémie». Paul Cassia, professeur de droit constitutionnel à Paris I, abonde dans ce sens dans Le Figaro, précisant que le Conseil constitutionnel a déjà «été capable de confiner la totalité de la population».