Dans un avis, publié le 8 juillet, l’Académie des sciences alerte quant à d’éventuels problèmes liés à l’approvisionnement électrique auxquels la France risque de faire face si elle n’adapte pas sa stratégie en matière de politique énergétique. Alors qu’aujourd’hui le pays reste à plus de 70% dépendant du nucléaire pour sa consommation d’électricité, l’ambition de baisser cette part à 50 % vers 2035 ainsi que le flou quant au développement des alternatives énergétiques inquiètent les scientifiques.
Rappelant l’objectif de 50%, Marc Fontecave, professeur au Collège de France et l’un des auteurs du rapport, interrogé par Le Point, s’indigne: «Mais personne n’explique comment faire, quelle production nous visons, ni ce qu’on fait après! La France n’a tout simplement pas de politique énergétique».
Augmentation de la demande en électricité
Selon le document de l’Académie des sciences, plusieurs options de la transition énergétique sous-estiment un facteur non négligeable pour l’avenir: «une augmentation importante» de la part de l’électricité dans la consommation énergétique.
«Cette croissance prévisible de la demande en électricité est le plus souvent sous-estimée et minimisée dans les divers scénarios proposés pour la transition énergétique», est-il indiqué.
Ainsi, la question se pose de savoir si la France sera capable de répondre à cette demande croissante, vu qu’elle envisage de baisser significativement sa première source de production d’électricité.
Marc Fontecave fait comprendre que dans un tel contexte, cela sera particulièrement difficile, vu que les énergies solaire et éolienne dont la France ne maîtrise «ni les technologies ni les infrastructures de stockage» sont intermittentes.
Une position ambiguë?
L’énergie nucléaire occupe la première place dans la consommation d’énergie primaire en France. Un facteur qu’Emmanuel Macron n’a pas manqué de rappeler s’exprimant en décembre 2020 sur le site industriel de Framatome. Selon lui, l’atome doit donc «continuer à être un pilier du mix énergétique français pour les décennies à venir».
Dans le même temps, le chef de l’État a promis en 2018 de fermer d'ici 2035 14 réacteurs nucléaires. En 2020, c’est la mise à l’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui s’est notamment attiré les foudres de la part du voisin outre-Rhin, qui a eu lieu. À l’époque la plus vieille centrale française, c’est pourtant l’un des trois sites nucléaires les plus sûrs du pays, selon le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) portant sur l’année 2019.
L’enjeu de la production nucléaire en France
Le nucléaire reste par ailleurs de loin la première source énergétique en France. Selon le bilan énergétique national pour 2019, la part de l’énergie nucléaire dans la production d’énergie primaire en France a été de 78%.
Cette large part du nucléaire joue d’ailleurs son rôle dans la certaine indépendance énergétique dont jouit la France et qu’elle doit conserver afin de garantir sa sécurité d’approvisionnement électrique, fait savoir l’Académie des sciences.
Sauf que, d’après les calculs provisoires du bilan énergétique de la France, en 2020, la France a enregistré une baisse significative de la production d’énergie primaire (8,7% par rapport à 2019) qui s’explique justement par le recul de la production nucléaire (-11,3% par rapport à 2019).
Celle-ci a été «affectée par de nombreuses indisponibilités au sein du parc durant les trois premiers trimestres de l’année, le premier confinement ayant entraîné des retards dans les maintenances programmées, et également, dans une moindre mesure, par la fermeture de la centrale de Fessenheim».
Il s’agit d’un niveau qui n’avait pas été observé depuis la fin des années 1990. Il est à préciser que les chiffres de l’année 2019, donc avant l’épidémie, confirment également cette tendance à la baisse.
La panacée contre le réchauffement climatique?
Tandis que l’un des arguments des soutiens du nucléaire est le caractère «décarboné» de ce type d’énergie, les défenseurs de la cause climatique affirment que le nucléaire est tout sauf un remède miracle.
D’après Green Peace, le nucléaire est, certes, une énergie qui n’émet que très peu de CO2, «mais ce n’est pas pour autant une énergie propre». Risques d’accident nucléaire mis à part, les écologistes mettent en avant surtout le fait que la production d’électricité d’origine nucléaire est à l’origine de «quantités démesurées de déchets»: 23.000 m3 de déchets nucléaires par an.
«Proposer l’énergie nucléaire plutôt que les énergies fossiles, c’est remplacer un problème par un autre», conclut l’ONG.