Passe d’armes politico-industrielle sur le SCAF, Eurodrone à nouveau à la traîne, char du futur qui s’enlise ou encore hélicoptère Tigre en perdition… n’en déplaise aux plus européistes, la collaboration franco-allemande en matière de Défense n’est pas un long fleuve tranquille.
Pour le couple franco-allemand, c’était l’occasion de permettre à Airbus d’ajouter «une nouvelle corde à son arc» en lui offrant la possibilité de développer son propre patrouilleur maritime. Un marché trusté par son grand concurrent américain, Boeing, avec son P-8 Poseidon. Bref, bien qu’éclipsé médiatiquement par son grand frère le SCAF, le chasseur du futur –érigé en modèle de la coopération franco-allemande –, le MAWS a été présenté comme une promenade de santé. En théorie.
La France, à ce point aveugle?
Le programme est passé sous les radars jusqu’en mars 2020, date à laquelle Le Telegramme révélait qu’il serait tout bonnement à l’arrêt. En cause? La crise provoquée par le choix de la Direction générale de l’armement (DGA) de confier le leadership de la partie française du projet à Thales plutôt qu’à Dassault Aviations, pourtant «le seul industriel européen qui a réalisé un avion de patrouille maritime», soulignait alors son PDG, Éric Trappier.
La probabilité d’un faux bond de Berlin aurait dès lors dû être dans toutes les têtes à Paris, malgré le «un dialogue extrêmement direct, franc, amical et permanent» qu’Emmanuel Macron se vantait d’entretenir avec Angela Merkel.
De fait, en mars 2021, soit neuf mois plus tard, Opex 360 repérait une note de la DSCA (Defence Security Cooperation Agency), l’agence chargée des exportations d’équipements militaires américains. Adressée au Congrès des États-Unis, le document signifiait aux sénateurs le feu vert de l’agence à l’achat par Berlin de cinq P-8A Poseidon et d’un Boeing 737-800ERX militarisé. Équipements et formation compris, la facture a été évaluée à 1,77 milliard de dollars pour le contribuable allemand. À Paris, où l’on semblait tomber des nues, on proposa immédiatement à Berlin d’emprunter les Atlantique-2 fraîchement rénovés.
Paris, à nouveau le bec dans l’eau?
«Nous avons récemment découvert que le Congrès américain s’apprêtait à donner une autorisation de FMS [Foreign Military Sales, vente militaire à l’étranger, ndlr] pour des avions de patrouille maritime P8», relatait mi-mai Florence Parly lors d’une interview accordée à La Tribune. La ministre de la Défense fut alors cinglante: un tel achat ne pouvait être considéré comme une solution temporaire dans l’attente du MAWS, comme le prétendait Berlin. «Nous allons rapidement clarifier ce sujet avec l’Allemagne», assurait-elle au journal économique, concernant cet «engagement fort» pris entre Macron et Merkel quatre ans plus tôt.
Si les menaces de Paris de quitter le programme sont sincères, et donc si le MAWS devait tomber à l’eau, tout porterait à croire que la France aurait perdu quatre années dans sa recherche du successeur de ses ATL-2. Et ce, alors même qu’elle abrite Dassault, le seul constructeur européen d’appareils de ce type. C’est d’ailleurs vers lui qu’elle se serait tournée, selon La Tribune qui évoque un plan B à base d’un Falcon-10X. Tout ça pour ça?